C'est un sujet qui fracture les habitants de la Métropole depuis plus de deux ans, avec ses "anti" et ses "pro". Ces derniers militent pour le maintien de la piste sécante de Bordeaux-Mérignac, qui permet de ne pas voir passer la totalité du trafic aérien au-dessus de trois communes. Ils appellent à manifester ce samedi à 10h30 devant l'aéroport de Bordeaux-Mérignac.
"Plus de 200 personnes sont déjà inscrites pour partir en bus depuis Eysines", indique Xavier Petit, le président de l’association eysino-haillanaise de défense contre les nuisances de l’aéroport (AEHDCNA ). Ce sont tous les habitants et élus de communes du nord de la métropole bordelaise : Eysines, le Haillan, Saint-Jean-d'Illac, mais aussi Bruges et Blanquefort, qui sont appelés à se mobiliser. Motif de leur colère : la fermeture de la piste secondaire, ou sécante, de l'aéroport de Bordeaux Mérignac, et le report du trafic aérien sur la piste principale, c'est-à-dire au-dessus de leurs têtes.
"Je suis surtout gêné au décollage, quand le bruit est le plus fort"
"J'habite à Eysines-Migron, explique Xavier Petit. Je ne suis pas strictement sous les avions, mais juste à côté et j'en profite suffisamment : en saison haute, on est à 200 vols par jour !", détaille le Girondin. "Je suis surtout gêné au décollage quand le bruit est le plus fort, notamment le matin, car ça décolle dès 5h45. Cela peut s'enchaîner toutes les deux minutes, c'est par séries. Parfois, on a 45 minutes de repos en milieu de journée, mais c'est rare. Cela monte à 80 décibels : vous ne parlez plus parce qu'il faut laisser passer l'avion."
On se demande jusqu'où on est obligés de supporter.
Xavier Petit, habitant d'Eysines
Xavier Petit a acheté sa maison en 2014, non loin de la piste principale. "Parfois, à certains moments, on se dit qu'on va partir, admet-il quand on l'interroge. Mais on n'en a pas forcément envie(...). Quand j'ai acheté, je savais qu'il y avait des avions. Sauf qu'aujourd'hui, je sais qu'il faut se mettre à 2 km de l'axe de la piste. Là, moi, je suis à 800m, ce qui est pourtant considéré comme en dehors de la zone de bruit."
La piste principale et la piste sécante
Il existe actuellement deux pistes à l'aéroport de Bordeaux Mérignac : la piste principale, qui représente à peu près 85% du trafic, et la piste dite sécante. Le schéma de composition générale de l'aéroport évoque la possibilité de supprimer cette piste sécante.
L'Inspection générale de l’environnement (IGE) a rendu un rapport en juin dernier. Andrea Kiss, maire du Haillan, a pu en prendre connaissance en août. "Aucun argument ne milite pour sa suppression dans ce rapport", dit-elle.
Ce que dit le récent rapport de l'IGE
France 3 Aquitaine a pu consulter ce rapport. "De manière générale, il résulte de ce travail d’analyse que, pour plusieurs thématiques, les arguments avancés en faveur de la suppression de la piste secondaire s’avèrent assez peu robustes", peut-on notamment y lire.
"Cela concerne par exemple les coûts comparés d’entretien des pistes (qui semblent très proches), les enjeux de sécurité aéronautique (identifiés et maîtrisés dans les deux scénarios), ou l’impact écologique (qui s’avère relativement fort). Sur ces différentes thématiques, la démonstration n’est pas faite qu’une des options présente des avantages décisifs par rapport à l’autre".
Le soutien de la présidente de la Métropole
Christine Bost, maire d'Eysines, sera parmi les manifestants. Elle n’a pas changé de position depuis sa nomination à la présidence de la Métropole. "Je ne souffre pas de problème de dissociation de personnalité", ironisait-t-elle en mai dernier lors d'une conférence de presse sur le sujet. Elle ne souhaite pas voir la totalité des avions survoler sa commune. "Les habitants d'Eysines, du Haillan, de Saint-Jean d'Illac, Bruges, Blanquefort, Saint-Médard ou encore le Bouscat, ne peuvent pas accepter 100 % des nuisances du trafic aérien."
C'est juste une question de solidarité et d'équilibre à l'échelle de la Métropole.
Christine BostMaire d'Eysines
Talence, Pessac et Martignas dans l'opposition
Une position loin d'être partagée par le maire de Pessac. Franck Reynal ne veut plus de cette piste sécante qui survole sa commune et qui représente 10 % à 15 % du trafic. Les maires de Talence et Martignas, eux aussi concernés par ces nuisances sonores, partagent son avis. La piste sécante impacterait 45 000 personnes, contre 80 000 personnes pour la piste principale.
Un nouveau ministre des transports
Sur ce dossier, l'Etat a jusqu'en 2026 pour trancher. "On attendait un ministre", explique Andrea Kiss, maire du Haillan. Il vient d'être nommé en la personne de François Durovray. "Il faut que l'aéroport sache vite ce que le ministre va décider afin d'avoir une feuille de route et de savoir comment se développer en fonction de la configuration retenue", poursuit la maire. L'objectif de la manifestation est de continuer à mettre la pression au nouveau ministre et aux autorités aéroportuaires."
C'est un rapport de force, clairement.
Andrea KissMaire du Haillan
"On va montrer qu'on est solidaires de nos populations, poursuit l'élue. L'aéroport est un acteur économique indispensable, mais composer avec ne veut pas dire faire n'importe quoi au détriment de la santé des riverains." On comprend bien que les intérêts de chacun divergent, et que cette question ne se réglera pas simplement à l'échelle de Mérignac.
Cela se joue au niveau national, européen, voire international.
Andrea KissMaire du Haillan
Reste la question des vols de nuit et ceux des Rafales sur le site de Mérignac. Christine Bost souhaite "mieux travailler avec le ministère des Armées et avec Dassault pour que les vols d'entraînement des pilotes puissent se faire sur les bases dédiées". Des bases comme celle de Cazaux, qui a déjà accueilli des vols de Dassault par le passé. Pour ce qui est des vols de nuit, le dossier devrait être traité par le nouveau ministre des Transports courant 2025.