Movember. "Il faut consulter au moindre doute, le plus vite possible" : chez les hommes, l'auto dépistage du cancer reste tabou

Dans le cadre de Movember et de la sensibilisation aux cancers masculins, les médecins appellent à pratiquer l'auto-palpation. Félix Lefort, oncologue au CHU de Bordeaux, insiste sur la nécessité de faire tomber les tabous pour les hommes, encore trop peu nombreux à consulter.

Regarder, toucher, palper... Des gestes souvent associés au dépistage du cancer du sein. Les femmes sont nombreuses à être sensibilisées à l'auto surveillance des éventuelles grosseurs ou douleurs dans leur poitrine. Chez les hommes, le réflexe est moins répandu. Pourtant, les cancers masculins représentent 52 % des cancers diagnostiqués chaque année, selon une étude de la Ligue contre le cancer. Parmi eux, celui de la prostate, le plus fréquent chez les hommes. On en dénombre 60 000 nouveaux cas chaque année. Le cancer des testicules est plus rare, mais touche particulièrement les plus jeunes âgés de 15 à 35 ans.

Le mouvement Movember, importé d'Australie, vise à sensibiliser les hommes aux questions de santé. Un objectif essentiel selon Félix Lefort, oncologue au CHU de Bordeaux, que nous avons rencontré et qui encourage à lever les tabous pour rendre ces thématiques plus accessibles.

Le dépistage pas automatique

Des études démontrent que les hommes consultent beaucoup moins que les femmes. Les campagnes de prévention et de sensibilisation sont-elles insuffisantes ?

C'est vrai que sociologiquement, les hommes ont tendance à moins s'occuper de leur santé et de celle du foyer que les femmes, c'est prouvé scientifiquement. Le problème est que, pour les cancers masculins, contrairement aux cancers du sein, il n'y a pas de dépistage organisé, comme lorsque l'on reçoit un courrier dans notre boîte aux lettres nous appelant à nous faire dépister. Le message est plus difficile à faire passer, car le dépistage n'est pas obligatoire. Or, les cancers testiculaires, par exemple, sont des maladies rares, qui touchent des très jeunes. Plus on consulte vite en cas de doute, et plus la prise en charge peut être rapide et le traitement moins lourd.
Il faut nuancer dépistage organisé et prévention. Là, pour les cancers masculins, c'est surtout de la sensibilisation, il n'y a pas de recommandation très formelle. 

Dans ce cas, à quel moment un homme doit-il consulter ? 

L'idée globale est de consulter son médecin traitant au moindre doute, à la moindre question. Pour la tumeur testiculaire, il faut en parler le plus vite possible, dès que l'on remarque un changement sur la forme ou la taille du testicule. C'est au médecin d'examiner, de prescrire d'autres examens s'il faut, et de rassurer le patient le cas échéant. Pour le cancer de la prostate, nous, on conseille aux personnes d'en parler à partir de 50 ans, un peu avant s'il y a des cas dans la famille.

Il n'y a pas de recommandation au sens stricte, l'idée est surtout d'amorcer le dialogue et d'avoir un intérêt pour ces questions.

Félix Lefort, oncologue au CHU de Bordeaux

à la rédaction web de France 3 Aquitaine

Inciter les hommes à pratiquer l'autopalpation peut-il améliorer le diagnostic de ces cancers ?

Parfois, on croit connaitre son corps, mais la simple pratique de l'autopalpation fait qu'on le comprend mieux et qu'on s'habitue à la forme normale du testicule. C'est tout bête, mais on se rend compte plus vite si quelque chose est différent. Il ne faut pas le faire tous les mois, mais cela permet d'améliorer la perception de sa santé, la prendre en main et ne plus avoir peur d'en parler. C'est une démarche d'auto-dépistage et de promotion de la santé de manière globale pour que les gens soient les plus acteurs possibles. 

"Dédramatiser"

Comment arriver à lever les tabous sur la santé masculine ?

Il faut dédramatiser le fait d'en parler. Soit on l'aborde de manière très scientifique et ça crée une barrière avec les gens, soit on en parle de manière très vulgaire et le message porte peu. Nous, au CHU, on essaie de trouver un entre deux, en jouant par exemple avec les valeurs du sport et de l'humour. L'être humain, quand on parle de maladie, a tendance à être dans le déni, il faut associer ces messages-là à quelque chose de positif, de manière à ce que les gens aient envie de faire attention. Le fait que l'autopalpation par exemple soit associée à quelque chose de normal dédramatise le fait d'en parler. 

Justement, avec Movember, le sujet de la santé masculine est de plus en plus mis en lumière ?

Oui, et je pense que c'est une très bonne chose, on y est très favorable. La prévention est un volet important de la santé et ce qui est intéressant dans Movember, c'est que ça ne parle pas uniquement des cancers, mais aussi de la santé physique et mentale, qui est un autre tabou dans la santé masculine.

France 3 : Comment faire pour aller encore plus loin ?

En matière de prévention, on peut toujours aller plus loin, mais il ne faut pas que ça occupe tout l'espace médiatique. On essaie de structurer tout ça, avec un groupe national d'experts en tumeurs testiculaires, pour coordonner ces messages toute l'année. On a encore du boulot à faire, on n'est pas sur le niveau d'Octobre rose, mais il faut continuer à développer la santé masculine, c'est certain.

En 2015, nos voisins canadiens avaient lancé une campagne de prévention pour le moins insolite nommée "Le monde merveilleux des Cuys" (prononcer "couilles"). Des cochons d'Inde y étaient devenus les cobayes d'une démonstration d'autopalpation. L'exemple que la prévention aux cancers masculins peut être abordée sous différentes formes, et sans tabou.

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