Le festival de Pessac s’est ouvert lundi 18 novembre, au cinéma Jean Eustache. Pour cette 30e édition, l’Amérique latine est mise à l’honneur. L'IJBA et France 3 Aquitaine font le point, sur les temps forts de cette édition.
Depuis 30 ans, le programme est désormais rodé. La 30e édition propose aux 35 000 spectateurs attendus plus de cent films dont treize avant-premières et dix documentaires.
"Les spectateurs ont besoin de comprendre. Ils veulent aller au-delà de l’émotion et resituer l’actualité dans le temps long de l’histoire", avance Jean-Noël Jeanneney, le président d'honneur du festival.
Au cœur de l’actu
Et cette année encore, le festival a visé dans le mille. Avec l’Amérique latine en thème principal, il est de nouveau au cœur de l’actualité, avec les manifestations qui bousculent plusieurs pays sud-américains.
"Nous avions déjà pensé à l’Amérique latine, mais nous avions peur de ne pas avoir assez de matière. En effet, ils ont moins la culture de la conservation de leurs archives. Mais l’actualité avec l’élection de Bolsonaro et la crise au Venezuela nous a décidé", explique François Aymé, commissaire général du festival.
Avec 63 films latino-américains, les spectateurs pourront donc découvrir un cinéma, parfois oublié des salles françaises. Parmi les réalisateurs, Patricio Guzman, grand nom du cinéma chilien, primé au festival de Cannes pour son film La cordillère des Songes est présent.
Autre grand cinéaste, Kleber Mendonça Filho présentera son film Bacurau, caméra d’or du festival de Cannes. Un film engagé sur la destruction d’un village brésilien, qui fait écho aux pressions exercées par le nouveau président brésilien. "Le nouveau gouvernement considère le cinéma et la culture comme un ennemi naturel, ce qui est absurde, car le cinéma fait partie intégrante de l’économie du Brésil."Ça parle d’une montagne, face à Santiago, comme un mur qui sépare la ville du monde. Santiago est une ville immense mais oppressante. Il y a dans ce film la même situation d’oppression et de manque de liberté que nous vivons au Chili.
Patricio Guzman
Pinochet en débat
Parfois, l’actualité reprend le dessus sur l’histoire. Une dizaine de Chiliens bordelais ont organisé une manifestation surprise devant le cinéma, lundi soir. En cause, le visage d’Augusto Pinochet, dictateur chilien qui a dirigé le pays de 1974 à 1990, sur l’affiche du festival. "Une honte", pour une manifestante. "C’est un dictateur, un assassin qui n’a jamais payé pour ses crimes", explique Katerin Barrera, une manifestante.
Pour eux, cette mobilisation voulait aussi soutenir leur famille, restée au Chili. Devant le cinéma, les manifestants ont également discuté avec Patricio Guzman, pour connaître son point de vue.
De son côté, Alain Rousset comprend la mobilisation. Pourtant, il assume le choix du festival. "On fait un festival du film d’histoire. Malheureusement, Pinochet comme les conquistadores ont traversé le continent et l’ont martyrisé."
Terre d'asile des nazis ?
Dans son histoire tumultueuse, l'Amérique latine a aussi dû faire face à un nouvel arrivant européen : les nazis. Partie intégrante de l'histoire européenne également, les nazis sont régulièrement évoqués lors du festival.Cette année, une dizaine de film relatait leur histoire, et les conséquences sur les continents européens et américains. Vendredi matin, une conférence intitulée : "Argentine : terre d'exil pour les réfugiés nazis", évoquait cette période.
Un film était d'ailleurs en compétition, Jojo Rabit, qui raconte le lien que crée un garçon allemand avec son ami imaginaire, Hitler. Et pour raconter les camps, Chochana Boukhobza a décidé d'animer les dessins d'enfants, détenus à celui de Terezin.
Trente bougies
Il y a trente ans, Jean Lacouture, un écrivain et Alain Rousset, le maire de Pessac d’alors, décident de lancer le festival. 40 000 personnes étaient au rendez-vous. Et depuis, la machine continue de rouler, sans rater aucune édition. Seule celle de 2015, qui avait pour thème "Un si proche Orient", a dû être différée, suite aux attentats.
Des invités illustres, comme Lucie et Raymond Aubrac, héros de la Résistance, font partie des invités qui ont foulé les salles du cinéma Jean Eustache.
Perpétuer la mémoire
Ce festival, s'il veut faire découvrir de nouvelles pépites du 7e art, veut surtout transmettre l'histoire aux générations futures. Les scolaires, majoritairement des lycéens, sont leur coeur de cible.
"Ca permet d'aborder des sujets pour lesquels nous n'avons pas ou peu de documents tout faits", explique Aurélie Berlam, enseignante au lycée Pape Clément.
Avec l'Amérique latine au programme du lycée, le festival ne pouvait pas tomber mieux. "J'ai du mal avec l'histoire mais la voir sous forme de film c'est plus attirant", explique une lycéenne.
Près de 120 séances ont été organisées pour les élèves et leurs professeurs, diffusées à Pessac mais aussi dans d'autres villes de la Nouvelle-Aquitaine.
Dans les coulisses
Et si le festival tourne aussi bien depuis 30 ans, c'est aussi grâce à ces petites mains, qui, à l'ombre des projections, s'activent pour que tout soit au mieux pour les visiteurs.
Femme de ménage, projectionniste, traiteur, pour chacun, le festival est un moment particulier.
"Pour l'occasion, on ressort les vieilles bobines. C'est plus animé, et plus fatiguant aussi", avoue Nicolas Gardien, projectionniste.
Si les projections nourrissent l'esprit, l'estomac n'est pas en reste. Des milliers de victuailles ont été proposées aux spectateurs, au cours des différentes soirées.
"C'est énormément de passage", détaille Alain gaubert, maître d'hôtel.
Le lendemain, seules les miettes témoignent d'un festin passé. Mais pas question de rouvrir les portes du cinéma dans cet état. Aspirateurs accrochés sur le dos leur donnant des allures de Ghostbuster, les femmes de ménage s'activent au petit matin, pour rendre le cinéma intact. "C'est plus sale que d'habitude", glisse l'une d'entre elles.
Echarpes, écouteurs, lunettes, les découvertes ne sont plus rares dans les salles obscures. "On a même retrouvé 2000€, une fois", se souvient Laurent Biet.J'ai mobilisé 50% d'effectif en plus sur des périodes plus longues.
Laurent Biet, chef de secteur.