François Pinault a invité hier dans une tribune ses "collègues, propriétaires de grands crus bordelais" à se réunir "afin de préparer un projet de reprise des Girondins". Les réactions dans l'ensemble du monde du vin sont plutôt positives mais pour les supporters "seuls les actes comptent".
D'une manière générale, l'initiative de François Pinault, fondateur du groupe Kéring (anciennement Pinault Printemps Redoute) et propriétaire à Pauillac de château Latour (1er grand cru classé 1855) est saluée par l'ensemble des acteurs de Bordeaux.
Pour rappel, le milliardaire a invité dans une lettre ouverte à ses "collègues, propriétaires de grands crus bordelais" à « se réunir afin de préparer un projet de reprise des Girondins ». Il a ajouté: "je suis prêt à apporter mon soutien à toute opération montée par les acteurs du vin et je le ferai avec enthousiasme.» François Pinault qui s'était porté acquéreur du Stade Rennais par le passé ne peut pas personnellement porter ce projet car c'est impossible de possèder 2 clubs de Ligue 1, toutefois il va essayer d'être facilitateur de contacts pour que les autres propriétaires de châteaux se mobilisent.
Ainsi, Philippe Castéjà, président du Conseil des Grands Crus Classés en 1855 accueille favorablement cette démarche :
Cette idée de Monsieur Pinault que des gens de Bordeaux s'orientent vers une possibilité de reprise des Girondins est une excellente idée.
Et d'ajouter : "François Pinault est lui même très intéressé par le foot... Cela posera des problèmes avec la loi Evin, car comme vous le savez, on est limité par cette loi. Mais qu'il faille réfléchir, oui. Au Conseil des Grands Crus Classés 1855, on ne peut pas faire grand chose, sauf canaliser les volontés personnelles des différents châteaux. Avec notre groupe Borie-Manoux, nous faisons déjà partie de l'accompagnement des Girondins avec des prises de places en location...On peut accompagner, après ce sera un long débat, il y a plein de questions qui vont se poser, mais pourquoi pas."
Pour Ronan Laborde, président de l’Union des Grands Crus de Bordeaux, actuellement en pleine semaine des primeurs : « François Pinault appelle à une communauté d’individus à s’unir à un projet de rachat. C’est bien que des personnalités comme François Pinault soient « moteur » dans un projet de reprise d’un club qui fait partie du patrimoine de notre région. »
Depuis hier, le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux a reçu aussi "30 demandes d'interviews" selon Christophe Chateau, directeur de la communication du CIVB. "Nous avons des liens avec le club, qui comme les Vins de Bordeaux représente une marque au niveau culturel, mais nous ne pouvons pas, nous CIVB, être actionnaire dans le club, cela ne fait pas partie de notre objet."
Christophe Chateau rappelle toutefois le soutien opéré depuis le gel de 2017 dans le vignoble bordelais (les vignerons avaient perdu 39% de la récolte) où le CIVB a acheté 10 000 places à un prix préférentiel afin de les offrir aux salariés de la filière qui venait de subir le gel.
Ils ont pu voir ainsi Bordeaux-Monaco et il y a 2 ans Bordeaux - Saint-Etienne. Opération interrompue avec la crise liée au coronavirus.
Pourquoi pas ?
Premier à réagir favorablement hier, Bernard Magrez, le propriétaire de 4 grands crus classés à Bordeaux et de plus de 40 châteaux et domaines en France et dans le monde : « François Pinault, pour moi est un ami avec un grand A, un vrai ami, donc tout ce qu’il fait est bien…Oui pourquoi pas à un projet de reprise, oui on soutiendrait, mais pas avec des sommes folles. Ce n’est pas parce que lui est prêt à mettre des millions, qu’on mettra des millions. Mais, il a raison, c’est un amoureux du foot, il comprend très bien le football. Je le soutiens donc, je répondrai positivement si son projet va jusqu’au bout car c’est un homme de qualité et les décisions que prennent les gens de qualité, cela mérite intérêt ! »
Il est clair que Bordeaux regorge de richissimes propriétaires de châteaux tant au niveau local que des patrons du CAC 40 qui ont investi depuis des années dans le vignoble, qui pourraient effectivement répondre à l'appel de François Pinault. On pense bien sûr à Bernard Arnaud, 1ère fortune de France avec son groupe LVMH, propriétaire d'Yquem et de Cheval Blanc, mais aussi à la famille Dassault de Dassault Aviation (propriétaire de château Dassault), de la famille Castel (distributeur n°1 de vin et de bière), ou encore de la famille Bouygues (château Montrose et Tronquoy Lalande).
Chez les vignerons pas mal investis ces dernières années auprès du monde du sport, il y a bien sûr les Côtes de Bourg. Joint également ce matin, Stéphane Donze, président du syndicat viticole, commente: "je serais ravi que Bordeaux redevienne un club normal, , mais pour l'heure il y a sans doute un problème d'ensemble; je suis très très bien avec le service marketing des Girondins, ils sont très bien, le club est donc assez lié à la viticulture".
Toutefois, Stéphane Donze annonce recentrer les dépenses des Côtes de Bourg: "nous on arrête le partenariat qui nous liait avec les Girondins pour des raisons financières, il faut qu'on dégage du budget pour se recentrer sur les réseaux sociaux où on était plutôt absent. On s'était engagé depuis 3 ans, on avait un salon de 90 places loué par les Girondins et Matmut... De même, on avait un partenariat avec l'UBB duquel on se retire aussi, en fait cela touche tous les partenariats sportifs. On se recentre sur la promotion des vins dans cette période un peu compliquée. L'an dernier, les vins en vrac ne sortaient pas des chais, là cela reprend et commence à être correct, mais on avance au fur et à mesure." Tout en rappelant que les vendanges effectuées chaque année en Côtes de Bourg avec les Girondins et l'UBB étaient un grand moment de partage de valeurs humaines : "on apprécie leur staff et leur équipe..."
Joint par téléphone, le service de presse des Girondins annonce que le club ne fera pas de commentaire sur la tribune de François Pinault. L'ancien président du club, Jean-Louis Triaud, par ailleurs propiétaire de château Gloria, a depuis son départ en 2017 été "sollicité de nombreuses fois" pour différentes réactions. Sa position est claire et tout-à-fait compréhensible: "j'ai dit que je ferais plus de commentaire à la presse et quoiqu'il en soit je ne dis plus rien." A la question, un peu comme un tir osé de 30 mètres, de savoir s'il rempilerait...Sa réponse est assez amusante : "mon handicap en golf s'est amélioré de manière significative."
Enfin du côté des supporters, Florian Brunet, porte-parole des Ultramarines reste prudent :"on ne croit que ce qu'on voit. Les belles paroles ne mènent absolument à rien".
Il est très gentil Monsieur Pinault, c'est sympa, cela valorise le club, mais seuls les actes comptent. Cela sera bien avec celui qui mettra l'argent sur la table, celui qui mettra l'argent pour relancer le club.
Samedi dernier, les supporters ont réussi une fois de plus à montrer leur poids en mobilisant en 24 heures 1500 personnes place Pey-Berland pour réclamer le sauvetage du club et la démission du président actuel. Pour sûr qu'ils vont suivre avec attention tout projet de reprise, qu'il émane du monde du vin ou d'ailleurs.
De son côté, le Maire de Bordeaux se pose en gardien du temple et commente cette initiative de François Pinault : "j'en pense du bien ! Il ne faut pas que le pouvoir économique et le pouvoir politique se montrent défaillants comme en 2018, où on a accepté les yeux fermés la vente du club à un fonds de pension américain, avec tous les dangers que cela représentait, avec notamment des risques de rentabilité à court terme. Les conditions doivent changer...
Le 22 avril quand j'ai appris que le président des Girondins a décidé de placer le club sous protection du Tribunal de Commerce avec un mandataire ad hoc, j'ai dit qu'il fallait que les politiques se mobilisent pour que le club ne se vende plus au plus offrant, car le club des Girondins est notre patrimoine depuis 140 ans, c'est le patrimoine des Bordelais, et il y a une attente d'eux et des supporters. Aussi, je regarde d'un très très bon oeil que le monde économique et viticole. Je pense que c'est une opportunité pour que le club tombe entre de bonnes mains."