Semaine noire pour les sages-femmes : sept jours de grève pour obtenir plus de reconnaissance

Elles se sont mobilisées tout au long de l'année, sans obtenir gain de cause. Dans toute la France, les sages-femmes sont à nouveau en grève du 24 au 31 décembre. A Bordeaux, deux professionnelles de santé racontent leur découragement, leurs frustrations et leurs inquiétudes pour leurs patientes.

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Elles adorent leur métier, mais se refusent à l'exercer à n'importe quel prix. A Bordeaux, comme dans toute la France, les sages-femmes sont en grève pour une semaine, du 24 au 31 décembre. 

Reconnaissance de leur travail, revalorisation salariale, augmentation des effectifs dans les maternités, modifications de leur statut… Leurs nombreuses revendications sont relayées par l'Organisation nationale syndicale des sages-femmes.

"Une jeune sage-femme diplômée commence à 1 800 euros par mois, elle a pourtant un bac + 5, rappelle Alexandra Duchesne, sage-femme au CHU de Bordeaux depuis une vingtaine d'années. Et cela, avec des contraintes de jour, de nuit, un planning qu'on n'a jamais plus de quinze jours à l'avance. Nous sommes pourtant des professions médicales, au même titre que les médecins, et les chirurgiens-dentistes ! "

"En première ligne pour la réanimation du nouveau-né"

Alexandra l'assure, elle adore son métier, notamment pour ses qualités humaines, son absence de routine. Mais les conditions de travail à l'hôpital, où 6 000 bébés voient le jour chaque année, éliment sa motivation. "On a une activité qui est croissante : la démographie de Bordeaux a explosé, mais la structure reste la même, ça devient très compliqué".

"On prend désormais en charge des patients avec des grossesses pathologiques qui demandent une surveillance très stricte. Cela demande une vigilance à chaque étape, et nécessite beaucoup de temps", poursuit la quadragénaire, qui déplore que les différentes facettes du métier soient méconnues du grand public.
 "Quand on évoque notre métier, les gens pensent tout de suite à l'accouchement. En réalité, cela ne représente pas un pourcentage très important de nos compétences. On intervient aussi avant, avec les consultations prénatales, pendant, et après.
La sage-femme est en première ligne pour la réanimation du nouveau-né, en attendant que le pédiatre puisse arriver", rappelle-t-elle.

Suivi gynécologique

Amandine Geoffroy, elle, a toujours voulu devenir sage-femme. Après une expérience en milieu hospitalier, "pas très bien vécue" elle a choisi d'exercer en libéral. "On fait tout sauf les accouchements, résume-t-elle. On voit nos patientes de 13 à 80 ans pour leur suivi gynécologique. Nous pallions aux déserts médicaux, alors qu'il y a de moins en moins de gynécologues".

 Amandine se réjouit désormais de pouvoir être maîtresse de son planning, et de passer le temps nécessaire auprès de ses patientes. "Si j'ai envie de faire une consultation d'un quart d'heure, je fais un quart d'heure. Si j'estime que je dois y passer une heure, je le fais, ce qui n'était pas possible à l'hôpital".

"On est malveillantes envers nous-mêmes"

Un luxe que ne peut en aucun cas se permettre Alexandra, ce qui génère des frustrations : "C'est difficile pour moi de ne pas pouvoir exercer mon métier de façon correcte, avec le sentiment d'avoir travaillé en toute bienveillance", explique la sage-femme hospitalière, qui se refuse pourtant à parler de maltraitance des patientes.

On prend beaucoup sur nous pour que nos patientes ne subissent pas la charge de travail, le manque de place et le manque de temps. On va tout leur donner. Par contre, nous, on se maltraite, et on fatigue.

Alexandra Duchesne, sage-femme au CHU de Bordeaux

France 3 Aquitaine

"Les gardes sont des courses acharnées"

Alexandra, qui  reconnaît parfois sortir de garde les larmes aux yeux, explique avoir vu les conditions se dégrader progressivement au fil des ans. "Quand je suis arrivée au CHU en 2002, il y avait des gardes difficiles, mais toutes les gardes n'étaient pas des courses acharnées. 
J'ai fait une garde nuit récemment avec trois patientes en travail qui n'ont pas pu passer en salle de travail, faute de place.  Avec ma collègue, nous avons dû  accoucher une femme dans un box des urgences, sans péridurale, ce qui n'était pas son souhait. J'ai très mal vécu cette garde."

Une mobilisation sur la durée

Ces derniers mois, de nombreux appels à la grève ont été lancés, et suivis, au sein de la profession. Des mobilisations sur une journée ou un week-end, afin de faire entendre leurs revendications, mais aussi de protester contre les annonces d'Olivier Véran, qui promettait en septembre une revalorisation de 100 euros par mois.

Largement insuffisant pour la profession, qui désespère d'être, un jour, entendue. "Je pense que le fait que nous soyons une profession de femmes, qui nous occupons de femmes, fait que nous avons des difficultés dans l'avancée de nos négociations depuis des années", note Alexandra.

Amandine, elle, souhaiterait une révision des cotations en libéral, et la possibilité, pour celles qui le souhaitent, de pratiquer des dépassements d'honoraires. "On a aussi demandé à avoir une sixième d'année d'études en école, pour avoir plus le temps d'apprendre, et obtenir, bien sûr, le salaire qui suit derrière", poursuit la jeune femme. 

Un désamour du métier

Ces contraintes personnelles, alliées à des conditions de travail difficiles et un manque de reconnaissance, pèsent sur l'attractivité du métier. Depuis plusieurs années, la filière, qui exige une première année commune aux études de santé (Paces), ne séduit plus. Le manque se fait ressentir, en hôpital comme en libéral.
"Nous ne sommes pas assez, et nous sommes en suractivité, déplore Amandine. Nombre de mes collègues ne peuvent pas prendre des vacances en se disant que leur cabinet va rouler : elles ne trouvent pas de remplaçantes". 

"A l'heure actuelle, si mes filles voulaient être sages-femmes, je leur dirais 'surtout pas'. Et pourtant, Dieu sait si c'est un métier que j'aime et que je n'ai pas envie de faire autre chose. Mais je n'ai pas non plus envie qu'elles aient un quotidien comme le mien", conclut Amandine Duchesne, non sans amertume.

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