Depuis la sortie du confinement, de nombreuses pistes cyclables ont vu le jour dans Bordeaux et les communes avoisinnantes. Conséquence : le nombre de cyclistes a augmenté. Mais leur pérénnisation n'est pas encore acquise
Elles sont arrivées à la fin du confinement. Des bandes jaunes, et des plots en plastiques pour délimiter des espaces plus ou moins larges dédiés aux vélos. Dans la métropole bordelaise, comme dans de nombreuses villes de France, un plan d'urgence vélo a été mis en place. De nombreuses pistes cyclables ont été élargies, de nouveaux tracés ont vu le jour.
L'objectif en ces temps de crise sanitaire : favoriser les mobilités douces et les alternatives aux transports en commun, alors que la crainte d'une contamination reste très présente.
Au total, ce sont plus de 25 kilomètres de d'aménagements provisoires qui ont été installés. Pour quelle utilité ? Les chiffres varient, mais tous traduisent une augmentation sensible de la circulation à vélo dans la métropole.
Nouvelle bande (piste?) cyclable provisoire (?) cours Édouard Vaillant à Bordeaux sécurisée comme jamais je ne l'ai vu ici ! Ancienne ou nouvelle municipalité déjà à féliciter ? pic.twitter.com/vK1vRkcWlY
— Gans Raphaël (@GansRaphael) July 3, 2020
Plus d'utilisateurs et de kilomètres parcourus
Ainsi, l'application de calculs d'itinéraires Geovelo, s'est penchée sur la question et affiche une hausse spectaculaire du trafic cycliste à Bordeaux : + 194 % du trafic en semaine, et +65% le week-end. Des chiffres à nuancer, basés sur le nombre d'utilisateurs de l'application et les distances parcourues par ces derniers."Nous avons enregistré entre 3 000 et 4 000 cyclistes répertoriés sur Bordeaux métropole, assure Antoine Laporte-Weywada, directeur de développement chez Geovelo. Et nous constatons à la fois une hausse du nombre d'utilisateurs, mais aussi des distances parcourues".
Avant le confinement, le trajet moyen à Bordeaux était de 5,5 kilomètres en moyenne, contre 7 kilomètres par jour depuis le déconfinement.
D'après les chiffres de Geovelo, Bordeaux est, avec Paris, la ville où cette hausse d'activité cycliste est la plus marquée, notamment pour les adeptes du "vélotaf", les déplacements entre le domicile et le travail.
"Le pont de pierre, toujours très prisé des cyclistes depuis son interdiction aux voitures reste très fréquenté. Pour autant, l'augmentation du nombre de trajets à vélos se retrouve sur l'ensemble de Bordeaux", note Antoine Laporte-Weywada.
Depuis le déconfinement, le nombre de cyclistes a augmenté sur l'ensemble du territoire national, selon le réseau de collectivités Vélo et territoires
@VeloTerritoires vient de publier le bulletin n°5 fréquentation vélo et déconfinement. Que retenir ?
— Vélo & Territoires (@VeloTerritoires) July 15, 2020
?+ 31 % par rapport à 2019 (hors confinement)
?La moyenne nationale post-confinement est de 697 passages par jour et par compteur
?+1 % sur toute la période 2020 pic.twitter.com/lQQUDc7C2p
"On a rattrapé notre retard"
Les chiffres annoncés par Géovelo font sourire Ludovic Fouché, président de l'association Vélo-cité. "On aimerait bien afficher une telle affluence !" L'association a travaillé avec Bordeaux métropole dans le cadre du développement de ces pistes temporaires. Et jette aujourd'hui un regard "bienveillant" sur l'opération."On est sur une bonne dynamique, ça mobilise pas mal de monde autour de vélo, reconnaît le militant pro vélo. Les derniers chiffres auxquels nous avons eu accès, parlaient plutôt d'une hausse de 10% sur le centre-ville de Bordeaux pour les mois de mai et juin, et jusqu'à 80% dans certains endroits où la pratique du vélo était peu répandue, comme Bassens, par exemple."
Pas assez de sécurité
Pour autant, l'association rêve encore plus grand. "On a rattrapé le retard de la ville en la matière. Mais on est quand même loin de ce qui se fait à Paris depuis la sortie du confinement. On a pas eu le même choc en ce qui concerne l'offre, avec par exemple, des aménagements importants et continus".Ludovic Fouché déplore notamment un manque de sécurité sur certaines portions : "les boulevards n'ont pas été aménagés de façon homogène. Les pistes sont élargies par endroits, mais pas partout, ce n'est pas sécurisant. Il faudra en faire plus pour que les cyclistes, qui avaient l'habitude de les contourner, changent leurs habitudes".
Impossible retour en arrière ?
Que va-t-il advenir de ces pistes temporaires ? Dans la métropole, seule la commune de Mérignac a fait marche arrière en effaçant une voie réservée aux vélos avenue de la Marne, pour cause de congestion trop importante de trafic automobile. Mais cette voie doit être redéfinie, et non enterrée.Le nouveau maire de Bordeaux Pierre Hurmic, a d'ores et déjà prévu de mettre sur la table le Schéma directeur opérationnel des déplacements métropolitains, "dès l'installation du nouveau conseil" de Bordeaux métropole, à savoir vendredi 17 juillet.
"Cela dépend de la volonté des élus concernés"
A deux jours de cette élection, nous n'avons pas pu obtenir d'interview des élus de Bordeaux métropole sur la question. Mais la collectivité note néanmoins sur son site "une augmentation marquée, en première et deuxième couronne" du nombre de cyclistes."Dans l'ensemble, les retours des cyclistes sont positifs, notamment très positifs dès lors que nous avons fait des aménagements confortables (couloirs bus/vélo sur les boulevards, rue Pierre Noailles et avenue Roul à Talence", nous précise Bordeaux Métropole.
.Difficile pour l’instant de savoir quels aménagements seront pérennisés ou non : cela dépend de la volonté des élus des communes concernées et des retours terrain.
La métropole mettra en place en septembre, et au retour des vacanciers, étudiants et lycéens, de nouvelles opérations de comptage, et rappelle avoir aménagé à ce jour 27 kilomètres de pistes dans la métropole, dont dix à Bordeaux. La métropole annonce également de nouvelles mesures, (prêts de vélos, création de place de stationnements pour les cyclistes) dans les prochaines semaines.
Un manque de moyens
De son côté, l'association Vélo-cité a publié une lettre ouverte à l'attention du ou de la futur(e) président(e)de Bordeaux Métropole, dont l'assemblée doit se renouveler ce vendredi. Ils demandent la nomination d'une Vice-Presidence "mobilités actives" qui soit issue de la majorité, ainsi que la création d'une Direction générale adjointe en charge des mobilités actives, dotée d'un budget dédié et sécurisé."Nous souhaitons attirer votre attention sur le manque actuel de moyens humains dédiés spécifiquement au développement des mobilités actives au sein des services de Bordeaux Métropole, alors que ce développement constitue un enjeu majeur pour cette nouvelle mandature", écrivent les membres de l'association, qui regrettent des difficultés dans les différentes réalisations.
Trop de projets ne répondent pas, encore aujourd'hui, aux attentes des cyclistes ou ne s'inscrivent pas dans une vision globale, ce qui est problématique(...) Pire encore, certaines rénovations lourdes des espaces publics sont livrées sans aménagements cyclables.
Quelque soit la réponse apportée par Bordeaux métropole, il semble difficile dans ce fameux "monde d'après" de faire l'impasse sur les mobilités douces et le vélo. L'Etat vient de lancer un appel à projet sur la pérennisation des pistes cyclables transitoires, "déployées pendant la crise, qui auraient montré leur utilité".
L'enjeu est effectivement national : en ce début juillet, le gouvernement a été sommé par le Conseil d'Etat de prendre des mesures pour réduire la pollution de l'air dans huit agglomérations .