Ce n'était pas un infarctus, pourtant le cœur de Frédéric, 62 ans, a brusquement cessé de fonctionner en août dernier. Pendant 24 longues minutes, il n'a été raccroché à la vie que grâce à un massage cardiaque, avant d'être sauvé par l'utilisation d'un défibrillateur. Il raconte.
Quand Frédéric évoque sa soirée du 2 août dernier, son constat est simple : "Je n’ai pas frôlé la mort ce soir-là, je suis parti en plein dedans."
Cet habitant de la région bordelaise, âgé de 62 ans, est alors en train de dîner avec son épouse, sa nièce et son neveu. "A table, je ressens une fatigue mais qui n’est pas non plus exceptionnelle, surtout qu’on était en pleine période de canicule" se souvient-il. Frédéric résiste à l’envie d’aller se coucher, mais brusquement peu avant minuit, il perd connaissance.
Je dis que je ne me sens pas bien et je m’écroule sur le côté. Je tombe une première fois sur la table, puis je me redresse un peu. Mais je tombe une deuxième fois, au sol. Et là, je suis en arrêt cardio-respiratoire.
FrédéricRédaction Web - France 3 Aquitaine
24 minutes d'arrêt cardiaque
Immédiatement, son épouse appelle les secours. En attendant leur arrivée, son neveu pratique des gestes de réanimation.
Par chance, mon neveu a suivi une formation de premiers secours. Tout de suite, il comprend qu’il faut intervenir. Il m’a fait un massage cardiaque et du bouche à bouche jusqu’à l’arrivée des secours. Je lui dois la vie.
FrédéricSource : Rédaction Web - France 3 Nouvelle-Aquitaine
Pendant 24 minutes exactement, le cœur de Frédéric ne va plus fonctionner tout seul. Il ne sera réanimé qu’après l’administration de trois électrochocs, à l’aide d’un défibrillateur, par les secours.
Quand je reprends conscience, ça a été comme de me réveiller. Je suis dans le camion des pompiers et quand j’ouvre les yeux, je vois mon épouse, avec un visage très grave, comme je ne l’avais jamais vu. Je comprends qu’il m’est arrivé un pépin.
FrédéricSource : Rédaction Web - France 3 Aquitaine
"J'étais parti, j'étais mort"
De ces longues minutes passées inconscient, Frédéric, par ailleurs écrivain, n’a aucun souvenir. "Je suis parti sans m’en rendre compte, détaille-t-il. Je n'étais plus là, j’étais mort. Je n’ai rien vu : ni Dieu, ni Diable. J’ai un trou complet pendant ces 24 minutes."
Frédéric l’affirme : il n’a ressenti ce soir-là aucune douleur, aucun signe qui aurait pu lui faire penser que son cœur avait un problème. Hospitalisé pendant une dizaine de jours, il subit de nombreux examens. "Ils confirmeront qu’il n’y avait rien de particulier sur mon cœur, ce n’est pas un infarctus par exemple" explique-t-il.
Sans antécédent cardiaque, avec un passé de sportif, comment expliquer que le cœur de cet ancien joueur de rugby a, sans prévenir, cessé de fonctionner ?
Un dérèglement extrême du rythme cardiaque
La réponse se trouve du côté du rythme cardiaque, selon le professeur Michel Haïssaguerre, chef du service de cardiologie au CHU de Bordeaux.
Le terme d’arrêt cardiaque est un petit peu imprécis pour ce patient. Dans l’esprit des gens, le cœur est arrêté, mais ce n’est pas exactement ça. Il s’agit plutôt d’un dérèglement très rapide du cœur : il bat tellement vite qu’il est figé mécaniquement.
Michel Haïssaguerre, chef du service de cardiologie au CHU de BordeauxSource : rédaction Web - France 3 Aquitaine
En clair : le cœur bat beaucoup trop vite pour réussir à effectuer son travail de pompe du sang. Il va donc arrêter de fonctionner, et le décès de la personne peut être quasiment immédiat, sans ressentir aucune douleur ou symptôme avant de s'effondrer.
"Dans ces cas de fibrillation ventriculaire, la personne décède en trois minutes, explique le médecin. Sans massage cardiaque, sans défibrillation à l’aide d’un défibrillateur, le patient va décéder."
Les statistiques sont d'ailleurs éloquentes : le cardiologue estime que seuls 5% des personnes touchées vont survivre.
La cause d'environ 30 000 décès par an
Ce phénomène, assez méconnu, n'est pourtant pas rare, au contraire. En France, d'après le professeur Michel Haïssaguerre, environ 30 000 décès sont enregistrés chaque année après une fibrillation ventriculaire. Par comparaison : 20 000 personnes décèdent annuellement des suites d'un cancer du poumon. 3219 autres ont été tuées en 2021 dans un accident de la route.
Au CHU de Bordeaux, l'équipe du professeur travaille donc pour tenter d'identifier les personnes qui pourraient souffrir un jour de fibrillation ventriculaire.
Ce que l’on sait, c’est que la majorité des patients qui vont décéder ont une petite trace dans le cœur. L’idée, c’est de développer des méthodes qui vont permettre de déceler ces traces qui témoignent de la vulnérabilité de la personne. C’est d’autant plus important que des traitements existent, comme les défibrillateurs implantables par exemple.
Michel Haïssaguerre, chef du service de cardiologie au CHU de BordeauxSource : rédaction Web - France 3 Aquitaine
Pour l'heure, les chercheurs savent que n'importe qui peut être touché : jeunes comme personnes âgées. Les hommes sont davantage concernés que les femmes : les 2/3 des victimes sont de sexe masculin. Et d'après le professeur Michel Haïssaguerre, l'hygiène de vie n'est pas un facteur décisif : "C’est la faute à pas de chance. Vous avez cette lésion ou non" résume-t-il.
Alors pour faire avancer la recherche, Frédéric, le rescapé de la région bordelaise, va participer à un protocole médical au sein du CHU de Bordeaux. Et afin d’éviter tout nouvel incident, un défibrillateur lui a été installé sous la peau, au niveau du bras gauche. En cas d’activité anormale du cœur, l’appareil doit envoyer une décharge pour le refaire fonctionner correctement.
L'importance des gestes de premiers secours
Un peu plus d’un mois et demi après, le sexagénaire se sent "très chanceux" d’avoir survécu, et de n’avoir gardé aucune séquelle. Et même s’il a encore un peu de mal à réaliser ce qui lui est arrivé, il constate que son état d’esprit a changé.
On sait que tout peut basculer très vite… Mais maintenant j’en suis vraiment conscient. Sans l’avoir vécu, c’est très difficile de se l’imaginer. J’ai l’impression d’avoir gagné une extraballe pour jouer plus longtemps, comme au flipper !
FrédéricSource : rédaction Web - France 3 Aquitaine
Frédéric souhaite également sensibiliser le public à l’importance cruciale de connaître les gestes de premiers secours. Car en cas d’arrêt cardiaque, les premières minutes sont essentielles pour sauver la vie d’une victime.