Aucun consensus n'a été trouvé entre la direction et les salariés grévistes de l'établissement de santé privé. Les syndicats maintiennent la pression et refusent des propositions de la direction qu'ils estiment toujours insuffisantes.
Après une semaine stérile, le conflit s'enlise pour l'établissement privé Francheville de Périgueux. Tout a commencé par l'échec des Négociations annuelles obligatoires, entamées au mois de juin. Des négociations grâce auxquelles les salariés espéraient améliorer leurs salaires. Mais en arguant de l'inflation et de l'absence de revalorisation des actes médicaux par le ministère de la Santé, la direction du groupe GBNA Santé n'avait guère répondu aux attentes. Ce qui avait abouti à un mouvement de grève inédit pour l'établissement, entamé mardi 12 novembre.
Fin de la grève au centre de rééducation
Le centre de rééducation de La Lande à Annesse-et-Beaulieu, autre établissement tenu par le groupe, avait emboîté le pas. Sur ce site, après un mouvement qui aura duré six jours, un accord a pu être trouvé lundi dernier. Les salariés ont obtenu 90 euros bruts mensuels, pour un tiers versé sur le salaire, à hauteur de 40 euros sous forme de prime. Les 20 euros restants étant versés en tant que "prime d'assiduité", pouvant être supprimée dès la première absence.
Francheville persiste et signe
Rien de tel à Francheville où, même s'ils sont loin d'être tous grévistes, les salariés continuent d'affirmer qu'ils sont bien moins payés que dans le public. Selon eux, les cadences s'accélèrent dans un souci de rentabilité constant, au risque de dégrader toujours plus les conditions de travail et d'accueil des patients. Et dans ce cadre, ils estiment que les propositions de la direction ne sont pas à la hauteur. "On nous dit que l'enveloppe est dépassée, qu'on ne peut pas négocier au-delà, et ça n'évolue plus", déplore Thibault Quenouille, délégué CGT..
On est loin du compte, la direction est bloquée ! Il y a une enveloppe qui a été attribuée par le groupe Bordeaux Nord, et c'est eux qui bloquent.
Thierry QuenouilleDélégué CGT
"Faut pas tomber malade !"
Une partie conséquente des revenus à Francheville sont versées sous forme de primes. Une part non intégrée au salaire, dont les employés ne peuvent pas se passer. Mais qui peut disparaître par exemple en cas de maladie pour la prime d'assiduité. "On part sur des primes parce que les salaires sont sous le Smic," poursuit Thierry Quenouille. "Nous avons des grilles salariales qui sont complètement dépassées par le Smic. Moi, par exemple, 35 ans d'ancienneté, j'ai un salaire qui est en dessous du Smic de 200 euros à peu près. Donc j'ai un différentiel. Si on augmente mon salaire, c'est ce différentiel qui baisse.
On est dans l'impossibilité de négocier des salaires, on est obligé de passer par des primes. Et le moyen qu'a trouvé le groupe GBNA c'est de passer par de l'assiduité. Comme ça, ça leur permet de nous reprendre cet argent-là. Je vous donne d'un côté, mais je vous reprends de l'autre. Faut pas tomber malade." Difficile dans un milieu médical où l'on est confronté à des patients parfois touchés par la grippe ou le covid continue Thierry Quenouille.
"Ce n'est pas moi qui fixe les tarifs"
Transférer une partie de cette "prime d'assiduité" vers la "prime de cohésion" pour qu'elle soit moins aléatoire, c'est une des propositions déjà avancée par Pierre Malterre, le directeur de Francheville. Pour le reste, le discours ne change pas. Il reconnaît qu'il y a effectivement une différence de traitement entre le privé et le public, mais elle n'est pas de son fait. "Je ne peux faire que suivant les moyens qui sont les nôtres aujourd'hui. Les moyens sont limités. J'ai fait un effort considérable. J'ai mis sur la table 400 000 euros, fin septembre, on était péniblement à 100 000 euros.", avance-t-il.
Ça fait des années qu'on le dit : on n'est pas suffisamment tarifés pour ce qu'on fait.
Pierre MalterreDirecteur de la clinique Francheville
Et si l'État payait pour le privé ?
La faute en revient aux tarifs des actes médicaux fixés par le Ministère qui n'évoluent pas suffisamment, et au soutien du Gouvernement à l'hôpital public auquel le privé n'a pas le droit, selon Pierre Malterre. En clair, il souhaiterait que l'État permette à son établissement (et aux autres établissements privés) de faire plus de bénéfices afin qu'il puisse mieux payer son personnel. Ou qu'il participe directement à revaloriser les salaires du privé. "Il faut impérativement qu'on soit accompagné par les services de l'État dans des mesures de revalorisation des professionnels, c'est incontestable" affirme-t-il.
Faire payer davantage le contribuable pour soutenir le secteur privé, au moment où le secteur public raboté sous tous les angles manque cruellement de moyen et de personnel, l'idée risque d'en rebuter plus d'un. Une chose est sûre : si la grève s'éternise, c'est la patientèle de Dordogne, dans l'attente de soins, qui servira d'enjeux au bras de fer.