Témoignage. Miraculé après un accident sur un site Seveso, Ludovic raconte : "je ne devais même pas passer 72 heures"

Publié le Écrit par Catherine Bouvet et Lisa Ducazaux

Le 23 mars 2022, une une fuite d'ammoniac avait fait quatorze blessés dont deux graves, sur le site Seveso de l’usine Yara à Ambès, près de Bordeaux. L'entreprise vient d'être reconnue fautive par le tribunal correctionnel de Bordeaux. Ludovic Giraud, grièvement blessé dans l'accident, raconte sa difficile reconstruction.

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L'usine a été considérée comme la seule fautive. C'est bien Yara qui porte exclusivement la responsabilité de ce terrible accident, en date du 23 mars 2022. C'est elle qui est responsable du recours à du matériel défectueux, du manque de notices claires et de l'absence de matériel de protection adapté. 
Le tribunal correctionnel de Bordeaux l'a condamnée, ce lundi 25 mars, à 55 000 euros d'amende. Elle devra également rembourser la Caisse d'assurance maladie pour les frais avancés, à hauteur de 50 000 euros. L'usine est également responsable des blessures des 14 victimes, dont deux blessées grièvement, qui pourront se tourner vers une juridiction civile pour obtenir des indemnités.   

Brûlé au troisième degré

Parmi elles, Ludovic Giraud. Il y a presque deux ans jour pour jour, il était héliporté vers le CHU de Bordeaux Pellegrin dans un état critique. Il faisait partie des 14 victimes de la fuite d'ammoniac survenue sur le site de Yara le 23 mars 2022.

 

Je ne devais même pas passer 72 heures. C'est ce qui avait été dit à ma femme. Dieu merci, je suis encore là, j'ai réussi à m'en sortir.

Ludovic Giraud

Blessé très grièvement le 23 mars 2022

Ce jour-là, vers 9 h 45, Ludovic fait partie des salariés présents sur la plate-forme de chargement de l'usine Yara à Ambès en Gironde. Le site est spécialisé dans la fabrication d'engrais. Une fuite d'ammoniac liquide est détectée en plein chargement d'un camion-citerne. C'est en tentant de la réguler qu'une manette est arrachée, propageant le liquide à l'extérieur de la citerne.
Le chef d'équipe Ludovic Giraud est alors projeté au sol, son état est jugé critique. Il est en fait brûlé au deuxième et troisième degré, une brûlure chimique au niveau des deux jambes, soit 16 % de son corps. Ses poumons et ses yeux ont également été touchés. Ce jour-là, la fuite a eu d'autres conséquences et fait d'autres blessés puisque l'ammoniac liquide, au contact de l'air, forme un gaz très dangereux.   

Un quotidien rythmé par les soins

Ludovic Giraud s'est porté partie civile au procès contre son employeur Yara. Il souhaitait que la responsabilité de Yara soit établie et que "le jugement fasse jurisprudence",   que l'on puisse se dire que "toute pièce doit être vérifiée pour que ça n'arrive plus".
Rencontré par France 3 Aquitaine quelques heures avant la décision de justice, il garde le sourire. "Dans mon malheur, j'ai eu un peu de chance", répond-il, quand on lui demande s'il se sent comme un miraculé. Il a pourtant compté chacun des jours de son retour à la vie : "deux ans et deux jours".

C'est plus pareil, c'est différent. On fait avec, hein, on va s'estimer heureux déjà, on est là.

Ludovic Giraud

Blessé très grièvement le 23 mars 2022

Le chef d'équipe a été plongé dans le coma suite à l'accident. Il garde des séquelles et son quotidien reste rythmé par les soins. "Aujourd'hui, ce sont des complications, des séances de kiné, de la mobilisation cutanée (réparation de la peau, ndlr), de l'hydratation des jambes, les vêtements compressifs que je porte (pour la circulation sanguine, ndlr)".

Ludovic Giraud ne travaille plus depuis deux ans et aujourd'hui, la moindre activité lui coûte. "Je suis fatigué le soir. Je ne peux plus faire grand-chose ni par exemple profiter du soleil parce que je n'ai pas droit de m'exposer, pas de baignade... C'est devenu mon quotidien. Je m'y suis habitué", assure-t-il.

"C'est tout son entourage qui souffre"

Pour Marine, la femme de Ludovic, le temps s'est arrêté le jour de l'accident. "C'est une période à part dans notre vie, notre vie de couple, notre vie de famille", se confie-t-elle. Elle raconte d'abord "le gros choc", du début. "C'est hyper dur de voir la personne qu'on aime souffrir comme ça, des douleurs abominables".
Lorsque son mari sort du coma, elle est partagée entre le soulagement de le savoir réveillé et le trouble d'avoir affaire à une nouvelle personne : "il avait des hallucinations", se souvient-elle

Elle décrit leur quotidien "complètement chamboulé", la "course folle" chaque jour pour confier sa fille qui refusait au début d'aller à l'école. Chaque jour, la routine était la même : direction l'hôpital où elle partageait les visites limitées avec le reste de la famille, présente, elle aussi, auprès de Ludovic. De longues journées passées à l'hôpital, puis dans un centre de rééducation de la métropole bordelaise.

Le traumatisme reste à fleur de peau pour Ludovic Giraud et sa famille qui, malgré cet esprit de résilience, avaient besoin de ce procès et qu'une décision soit prise ce 25 mars 2024.

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