Témoignage. "On essuie refus sur refus, sans raison", victime de discrimination liées à son âge, Philippe dénonce "les fausses inquiétudes" des recruteurs

Publié le Écrit par Alexandre Plumet et Julie Chapman

Refus d'embauche, incitation à partir à la retraite de façon prématurée ou difficultés à se maintenir dans l'emploi : en France, près d'un quart des seniors est victime de discriminations au travail. Ce constat a été établi dans un récent baromètre publié par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT).

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"Plus l'âge avance, plus c'est compliqué." Philippe a 57 ans. En dépit de ses années d'expérience, cet ancien cadre de direction a perçu toutes les difficultés qui s'imposent aux seniors pour dénicher un emploi. "La discrimination à l'embauche des seniors est insidieuse, explique Philippe. On essuie refus sur refus sans qu'il n'y ait aucune raison, alors qu'on a toutes les qualifications requises."

Lui, cherchait alors un poste de directeur général ou financier. "On voit que les discriminations concernent tout le monde, tout type de profils", relève-t-il cependant. Malgré son expérience et ses qualités, Philippe a reçu plusieurs réponses négatives. "À ce moment-là, on comprend que c'est notre âge qui pose problème, regrette le quinquagénaire. On se dit que c'est injuste, on s'interroge, on se remet en question."

Être ou ne plus être dans le coup ?

Après réflexion, Philippe pointe du doigt deux inquiétudes qui pourraient être à la source des refus des recruteurs. "La première est le fait de penser que le senior n'est plus au goût du jour en termes de compétences, avance le cadre. Ce qui peut être vrai selon les cas, et totalement faux dans d'autres." En opposition à cet argument, Philippe confie adorer apprendre de nouvelles compétences.

La capacité à se mettre à jour et à apprendre ne diminue pas avec l'âge.

Philippe

Manager de transition, anciennement confronté à des difficulté d'accès à l'emploi

L'autre raison se situe du côté financier et plus précisément "le coût que peut représenter un senior au moment du recrutement", indu par ses années d'expériences et ses salaires précédents. "Or un senior, s'il rencontre des difficultés pour se vendre, est tout à fait capable d'être souple et d'accepter une rémunération inférieure à ce qu'il sait faire et à ce qu'il vaut", avance Philippe.

En réalité, le manager en est convaincu : les seniors cherchent davantage "des activités qui font sens et dans lesquelles ils font la différence." Pour lui, les recruteurs devraient leur laisser une chance : "avec les gens compétents, on voit la différence en moins de 24 heures."

Un choix par défaut, devenu gagnant

Continuer à faire une activité qui a du sens, c'est précisément ce qu'a choisi Philippe, à qui il reste encore sept ans de travail avant la retraite. Au lieu d'occuper un poste de directeur d'entreprise à plein temps, le quinquagénaire a choisi d'exercer ses compétences en tant que cadre de transition. "Je prends des postes de dirigeants sur une période donnée, pour des missions précises, explique Philippe. C'est un choix par défaut qui, au final, me correspond très bien."

Pour un salarié qui a travaillé 30 ans dans la même entreprise, c’est souvent tout un référentiel qui s’écroule.

Philippe

Manager de transition

À son compte, Philippe a ainsi su aller ses ambitions avec ses compétences, sans avoir à se compromettre. "Je veux continuer à faire ce que je fais, des prestations de service à forte valeur ajoutée mais qui correspondent à mes compétences et dans des endroits où je peux les exprimer pleinement", précise Philippe.

Un quart des seniors victimes de discrimination à l'emploi

Le témoignage de Philippe est loin d'être isolé. En France, près d'un quart des seniors, soit des personnes âgées de plus de cinquante ans, déclare avoir vécu des discriminations dans le cadre de leurs fonctions ou lors d'une recherche d'emploi. Des discriminations qui se traduisent par des "refus d'embauche, une incitation à partir à la retraite de façon prématurée ou des difficultés à se maintenir dans l'emploi", indique le 17e baromètre sur la perception des discriminations dans l'emploi réalisé par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT).

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Les discriminations subies par les actifs de plus de cinquante ans peuvent être liées à différents facteurs : l'ethnicité, la situation économique, ou celle médicale de l'intéressé. "Les seniors perçus comme non-blancs déclarent davantage avoir vécu des discriminations dans l'emploi (43% contre 22%), de même que ceux déclarant une mauvaise santé (32% contre 17%) ou une situation économique précaire (30% contre 15%)", précise le baromètre, publié ce mercredi 4 décembre.

Des préjugés liés à l'âge

Selon le rapport, ces discrimination s'expliquent en partie par des stéréotypes liés à l'âge, rejoingant ainsi les suppositions de Philippe. "Quand bien même l’expérience, le savoir-faire et la conscience professionnelle sont des atouts reconnus attribués aux actifs de 50 ans et plus par rapport aux autres salariés", indique l'enquête du Défenseur des droits et de l'OIT. 

Dans le groupe dans lequel je travaille, on est directement mis au placard dès 57 ans.

Témoignage anonyme

Enquête "Les discriminations des seniors dans l’emploi" par l'OIT et le Défenseur des droits

L'âge est donc la cause première de discrimination chez les actifs de plus de 50 ans. "Un quart des seniors au chômage déclarent qu'on leur a déjà fait comprendre qu'ils étaient trop âgés pour le poste lors d'un entretien d'embauche, indique l'enquête. Ainsi, la probabilité d’embauche des personnes de 50 ans ou plus est deux fois inférieure à celle des 30-49 ans. En 2021, près d’un senior sur six n’est ni en emploi, ni en retraite.

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Dans le détail, le rapport mentionne qu'un actif sur deux, tout âge confondu, considère que les seniors sont dépassés par les nouvelles technologies dans le monde du travail. Près de quatre actifs sur dix pensent par ailleurs que les seniors ont une santé fragile et qu'ils sont difficiles à intégrer au sein de jeunes équipes.

Des répercussions importantes

Ces discriminations, quelle qu'en soit la nature, ont une incidence directe sur les emplois. Si bien que 22% des actifs qui ont subi des faits discriminants ont déjà décidé de démissionner ou de négocier leur départ lorsque de telles actions se sont produites. Aussi, 16% d'entre elles ont finalement été licenciées.

Plus rien ne va, tout est fait pour vous dégoûter et vous faire partir, vous ne comprenez pas et tombez dans une dépression.

Témoignage anonyme

Enquête "Les discriminations des seniors dans l’emploi" de l'OIT et du Défenseur des droits

Plus largement, ces discriminations ont des effets sur le bien-être général des salariés. Selon le rapport, 71 % des personnes ayant vécu une discrimination reconnaissent avoir traversé "une période où leur santé mentale s’est dégradée". Notamment au regard de la tristesse, de la fatigue et de la dépression. Aujourd'hui, deux tiers des actifs qui ont déjà été discriminés déclarent ne plus avoir envie d'aller travailler.

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