Le 12 juillet 2022, les pompiers de Gironde étaient alertés d'un départ de feu sur la commune de Landiras. Pendant un mois, les flammes déciment la forêt sur tout le secteur, et détruiront plus de 30 000 hectares. En première ligne dans le combat face au feu, Vincent Dedieu, le maire d'Origne, raconte ce traumatisme vécu par tout un territoire.
Sa mémoire des événements est intacte. En cet été 2023, posté au carrefour entre les communes de Guillos et Origne, devant un paysage dévasté, Vincent Dedieu se souvient. "C'est ici, à partir du 12 juillet au soir, que j'ai passé deux nuits blanches avec mon adjoint pour surveiller le feu". Il y a un an, le maire d'Origne, un bourg de 180 habitants, a vu les flammes, parties de Landiras, avancer inexorablement et ravager le massif forestier de ce secteur du sud Gironde. Il raconte l'avant - les "pins à perte de vue"- et, comment il a vu le feu faire irruption sur son territoire, progresser et consumer tout sur son passage.
Ce 12 juillet 2022, à une heure d'intervalle, les pompiers de la Gironde sont appelés pour deux départs de feu, à la Teste-de-Buch, sur le bassin d'Arcachon et à Landiras, à 14 km d'Origne. Le soir même, la commune voisine de Guillos est évacuée, les routes départementales sont fermées à la circulation. Mais, attisé par le vent et la chaleur, le feu semble déjà incontrôlable. "Il faisait au moins 5 km de long. Les flammes ont traversé la route, se remémore l'élu. C'est là que j'ai découvert et appris le feu : il crée son propre vent, et ça le fait avancer à une vitesse folle."
Je me suis retrouvé seul avec mon adjoint, face à des lames de feu. On n'imaginait pas, à ce moment-là, que ça allait durer pratiquement un mois.
Vincent Dedieu, maire d'Origneà France 3 Aquitaine
"Notre identité, notre territoire sont partis"
Dans la nuit du 14 au 15 juillet, les habitants d'Origne sont évacués. Jour et nuit, les pompiers se relaient, sans relâche. Épaulés par les bénévoles de la DFCI, l'association de défense de la forêt contre les incendies, les sylviculteurs et les élus locaux. "On n'était pas des héros. On était les yeux des pompiers. On leur remontait toutes les infos qu'on pouvait avoir, et notre connaissance du terrain", rapporte Vincent Dedieu. Tous ignoraient encore, en cette mi-juillet, les conséquences qu'auraient ces incendies hors norme.
Le feu, fixé après 13 jours de lutte acharnée, reprendra le 9 août et brûlera pendant cinq jours. Au total, selon les sylviculteurs, un million d'arbres ont brûlé dans le feu de Landiras, soit 20 000 hectares de surface forestière. Aujourd'hui encore, sur le territoire de la commune d'Hostens, le sous-sol est toujours en combustion et des fumerons restent visibles.
Les images témoignent de la violence de l'incendie de Landiras en juillet 2022.
Ce "choc des arbres brûlés", le maire d'Origne le ressent encore, un an après. Les flammes ont durablement modifié le paysage, dénudant les terres et découvrant l'horizon. Le territoire de sa commune a brûlé sur 76 % de sa superficie.
"Notre identité, notre territoire sont partis. Et, on ne les retrouvera que dans quinze ou vingt ans. C'est un paysage auquel on ne s'habitue pas", constate Vincent Dedieu, qui se dit durablement changé par ces événements. L'humidité de l'air, l'état des sols, la surveillance de la météo font désormais partie de son quotidien d'élu.
On savait qu'on était au milieu de la forêt des Landes, et qu'il y avait un danger. Mais, on voyait ça ailleurs, pas chez nous
Vincent Dedieu, maire d'OrigneFrance 3 Aquitaine
"J'ai du mal à me remettre d'un tel été. On a quelque chose en nous, qui reste de ces incendies, reconnaît-il. Quand on voit un camion de pompiers ou un hélicoptère qui passe, on n'a plus les mêmes réactions. Dès que je vois de la fumée au loin, je me dis ça y est, ça reprend."
Vigilance
À Landiras, le départ de feu était volontaire. L'enquête est toujours en cours et l'auteur non identifié. Parmi les questions que ces incendies ont fait ressurgir, se pose celle de la vigilance. Jusqu'à présent, la surveillance des forêts girondines se fait depuis une vingtaine de tours de guets, de 40 mètres de haut, installées dans le département. Huit caméras ont été installées en 2023, sans que leur localisation soit précisée. D'autres suivront en 2024.
Mais, pour le maire d'Origne, la vigilance passe d'abord par la population. Elle-même marquée par les évacuations, elle s'est encore plus attachée à la préservation de son massif forestier. "On a plein de caméras : ce sont tous les habitants du territoire qui souhaitent qu'on ne touche plus à leur forêt", remarque-t-il.
On a bien senti qu'il n'aurait pas fallu que la personne à l'origine du feu soit arrêtée par un des habitants des villages brûlés. Ça aurait été une catastrophe, mais je ne pense pas que l'on réponde à la violence par la violence. À nous d'être attentifs.
Vincent Dedieu, maire d'Origneà France 3 Aquitaine
Mettre de la lumière sur nos villages
Au cours de l'été 2022, plus de 36 000 personnes ont été évacuées préventivement en Gironde. Aucun mort n'est à déplorer. Mais, un an après, tout un territoire traumatisé reste en demande de reconnaissance.
"On a été un peu oubliés pendant ces feux. On parlait beaucoup de la Teste-de-Buch, (où 6 500 hectares ont brûlé, NDLR), nous, on n'existait pas", estime le maire d'Origne. "On n'est pas beaucoup d'habitants, mais on a autant souffert que les autres, même plus. Ce sont des maisons qui ont brûlé, des garages et tout ce qu'il y a dedans, avec toute la valeur que ça représente dans les territoires ruraux, des propriétaires qui ont perdu leurs pins", énumère-t-il, non sans amertume.
Ce passionné de vélo, président du comité de cyclisme de la Nouvelle-Aquitaine, rêve un jour de voir le Tour de France passer sur les communes touchées, pour mettre "un peu de lumière sur nos villages". "Ce serait un moment de fête, avec un hommage à toute une population, à tout un territoire qui a été tant marqué l'été dernier", se plait-il à espérer.