Mardi 3 octobre, l'hôtel Intercontinental de Bordeaux accueillait une vente aux enchères particulière : celle de l'avion privé du président du Congo, Denis Sassou-Nguesso. Estimé aux alentours de 20 millions d'euros sur le marché, le Falcon 7X a été vendu pour 7,1 millions d'euros seulement.
Une seule enchère, et l'affaire était entendue. En une vingtaine de secondes, l'avion du président du Congo, Denis Sassou-Nguesso, était vendu aux enchères pour la modique somme de 7 millions 100 000 euros. Encore quelques secondes, et la quinzaine d'acheteurs potentiels et d'observateurs réunis dans un salon de l'Intercontinental de Bordeaux reprenaient leurs affaires et quittaient la salle, aussi vite qu'ils y étaient entrés.
Cet avion, un Falcon 7X de la marque Dassault, est pourtant estimé aux alentours de 25 millions d'euros sur le marché. Cumulant seulement 1 181 heures de vol, il était immobilisé depuis le 8 juin 2020 à l'aérodrome de Mérignac, suite à une saisie par huissiers. Un créancier, l'entreprise de BTP Commisimex, réclame en effet depuis des dizaines d'années des sommes impayées à la République du Congo, pour des travaux publics réalisés dans les années 1980.
"Entrave aux enchères"
Après des recours de l'Etat du Congo, la cour d'appel de Bordeaux confirme, le 29 juin dernier, que l'avion doit bien être vendu. Entretenu au sol par Dassault depuis 3 ans, l'aéronef de 14 places a donc trouvé mardi 3 octobre un nouvel acquéreur, mais pour un montant qui semble dérisoire - à peine 11 % de son prix neuf, 60 millions d'euros. "S'il n'y avait pas tous les problèmes juridiques et les obstructions de la part de son actuel propriétaire, il se serait vendu beaucoup plus cher", estime M e Vincent Pestel-Debord, le commissaire de justice officiant lors de la vente.
On peut peut-être même parler d'entrave aux enchères publiques
Vincent Pestel-Dubord, commissaire de justiceà France 3 Aquitaine
"Le Congo a tout fait pour dissuader tout enchérisseur d'acquérir cet avion, développe le commissaire-priseur. En faisant une chose très simple : ils ont dit à toutes les personnes qui ont interrogé l'ANAC, l'agence de l'aviation civile congolaise, que de toute façon, ils ne désenregistreraient jamais l'avion." Un procédé qui va à l'encontre de "toutes les conventions internationales".
"Tout a été fait pour décourager l'acquéreur"
Un contexte juridique et politique qui a semble-t-il découragé les acheteurs de miser gros sur cet avion. "C'est un prix ridicule, vraiment aberrant", confiait à la sortie de la vente Serge Berrebi, venu en tant que simple observateur. Avec sa société Berrebi Associés, cet homme a été victime de spoliations de la part du Congo, et s'est également constitué comme créancier, même s'il n'était pas concerné par la vente de ce bien.
C'est aberrant, on pouvait s'attendre à un prix deux à trois fois supérieur. Tout le monde est lésé
Serge Berrebi, autre créancier de la République du Congoà France 3 Aquitaine
"Pour un avion comme ça, c'est surprenant... j'espérais qu'il y ait un peu plus d'intérêt pour ce produit, souffle l'observateur. Mais d'une certaine manière, on s'y attendait. On a l'impression que tout a été fait pour décourager l'acquéreur." Un acheteur qui reste pour l'instant anonyme, et qui va devoir s'acquitter, en plus des 7,1 millions d'euros, de coûts annexes, comme les frais de gardiennage auprès de Dassault (850 000 euros). En cumulant ces frais supplémentaires, l'avion revient à 10 millions d'euros environ.
Reste la question de l'enregistrement, pour pouvoir faire voler cet avion. Malgré les potentielles menaces du Congo de ne pas désenregistrer l'avion, "il existe une voie légale", souligne M e Pestel-Dubord. "Le nouveau propriétaire a pris ses risques, et fera, je lui souhaite, les démarches nécessaires pour obtenir ce nouvel enregistrement." Et obtenir le droit de faire voler ce jet privé, acquis à prix cassé.