L'urbanisme entre dans une nouvelle ère à Bordeaux avec l'actuel majorité écologiste. Une rupture avec les années Juppé. Un dossier polémique débattu en conseil municipal ce mardi 4 mai, pour jeter les bases d'une nouvelle politique du logement.
Pierre Hurmic rêve d'une autre ville, et c'est un élément essentiel de son programme électoral qui l'a conduit à la tête de la capitale girondine. Alors après la période d'inventaire depuis juillet dernier, le temps est venu de dévoiler le cap. Chose faite en conseil municipal ce mardi 4 mai pour expliquer comment son équipe va faciliter l'accès à un logement dans cette ville où les prix quels qu'ils soient se sont emballés au cours de la décennie. Mais aussi quelle silhouette et qualité d'habitat favoriser.
Le bilan des années Juppé malmené par la majorité
On s'y attend, deux visions très tranchées s'opposent sur Bordeaux et son visage d'aujourd'hui avec ces quartiers neufs sortis de terre depuis une dizaine d'années : Ginko, Bassins à Flots, Euratlantique pour ne citer qu'eux.
La majorité passe à sa promesse phare de campagne « nous allons construire différemment et nous allons proposer un Changement complet de vision » après les 3 B Bacalan, Belcier, Brazza...voilà venu le temps des 3 R : renaturation, régulation, résilience. L'équipe de Pierre Hurmic fustige donc ces années béton, ces chantiers livrés à des promoteurs privés et la défiscalisation massivement présente pour bâtir cette nouvelle ère.
Fidèle d'Alain Juppé, ancienne adjointe, l'élue Alexandra Siarri est outrée, évoque un "diagnostic à charge, celui qui fait la preuve d'une méconnaissance totale de la réalité. Durant sa gouvernance, Alain Juppé a permis aux habitants de cette ville de bénéficier de vastes opérations de requalifications urbaines."
Ce dossier est celui d'un militant et non pas d'un maire qui rassemble. En matière d'urbanisme le défi est immense, on ne peut pas opposer des acteurs publics et privés. On a besoin de tout le monde.
Alors que l'équipe de Pierre Hurmic dénonce, comme au premier jour, le bétonnage de la ville par les promoteurs, Fabien Robert, élu Modem et ancien de la majorité Juppé, ne tarit pas d'éloges pour l'ancien maire qui a quitté la ville il y a deux ans. Fabien Robert rétorque que la majorité « fait une présentation caricaturale, partiale et à charge oubliant de rappeler la réhabilitation de la ville, sa métamorphose et les succès de cette transformation qui lui a permis d’entrer dans tous les classements nationaux et internationaux , faisant revenir des dizaines de milliers de personnes dans Bordeaux. » et l’élu d’opposition d’enchaîner « « votre offre en revanche est une proposition malthusienne selon vous pour être heureux soyons moins nombreux."
Une ville qui régresse démographiquement est une ville qui régresse tout court Monsieur le Maire .
R comme renoncement pour LREM
Au sein de l'opposition municipale, les élus LREM, par la voix de leur représentant Thomas Cazenave, se félicitent que le dossier et le débat émerge." Bordeaux ne pouvait plus continuer à construire comme avant compte tenu du contexte environnemental". Pour mémoire, Thomas Cazenave alors en campagne, égratignait aussi le changement radical de la ville en matière de constructions immobilières, sans jamais tirer à boulets rouges sur Alain Juppé. Aujourd'hui, il regrette "Sur le passé, la municipalité aurait dû de facto investir dans un établissement public de gestion maître du jeu : en achetant 15 ans avant les terrains, qui préempte le foncier."
L'élu du parti présidentiel craint pour le marché privé et le logement de familles et de jeunes car il fait ses calculs "Pour tenir les objectifs de la loi 25 %, il faudrait livrer chaque année près de 2500 logements sociaux de plus. C'est l'objectif que vous vous êtes fixés. Sauf à faire 90 à 100 % des opérations et renoncer aux objectifs de mixité, vous ne respecterez pas la loi SRU, c'est arithmétique, il faut d'atures outils. "
Philippe Poutou en soutien si...
L'élu représentant l'extrême gauche, Philippe Poutou, trouve un point d'entente pour une fois avec le maire. "Le bilan, on partage cette vision sur les dégâts du passé : tant sur l’esthétique, l'entassement, le bétonnage, les espaces de vie supprimés cela relève de l’horreur" Et bien sûr le coût de l'immobilier : " Les loyers ont explosés, le prix à l’achat est indécent".
Philippe Poutou s'interroge comme lors de sa campagne électorale : "comment la collectivité a perdu tout contrôle au profit des promoteurs toujours les mêmes, des affairistes etc… Des dégâts que l’on paye très cher !!" Et l'élu qui a fait son entrée au conseil municipal en juillet dernier prévient : "S'il n’y pas une politique de gel sur le non bâti et la mise en place d’un service public du logement, cela ne sera qu’une continuité de ce qui a été fait. Il ne sera pas possible de faire face aux promoteurs et montages financiers des banques..."
Pierre Hurmic, le maire écologiste, l'a rappelé : « Nous continuerons de construire à Bordeaux ». Et comme il avait prévenu le jour de son élection de maire en juillet dernier, il a repris la formule : "Nous ne renverserons pas la table, nous la réparerons".