Après un été très chaud, l'agence régionale de santé a présenté les mesures pour apaiser les tensions dans les hôpitaux. Urgences régulées, recrutement, salaires... Voici les solutions que le gouvernement envisage en Nouvelle-Aquitaine.
Le malaise couve depuis le printemps. Faute de personnel soignant, les urgences du CHU de Bordeaux ont dû mettre en place un accueil dégradé. Une solution imitée par six autres hôpitaux en Gironde, cet été, à Lesparre-en-Médoc, Blaye, Sainte-Foy-La-Grande, Lormont, Pessac, Villenave d'Ornon, Floirac. La situation de Sarlat en Dordogne, ou encore celle d'Oloron-Sainte-Marie en Béarn ont également été médiatisées. Certains ont fermé le service la nuit. D'autres l'ont conditionné à un appel au 15.
Ce vendredi 30 septembre, l'ARS dressait un bilan de cet été et pour Benoît Elleboode, son directeur, la situation ne s'est pas dégradée.
"L'été a été chaud dans tous les sens du terme. On a eu les incendies, une grosse saison touristique, la canicule et malgré les tensions aux services des urgences, le système mis en place a permis d'éviter d'avoir un nombre d'événements graves plus importants" que les autres étés.
Faudra-t-il s'habiter alors à ce mode de fonctionnement ? L'ARS veut essayer le faire perdurer. "Pour le patient, c'est mieux. Il n'a pas à attendre des heures aux urgences" répond Benoît Elleboode. "Vis-à-vis du patient, le système a tenu" mais le directeur de l'ARS reconnait que "le bilan de l'été s'est fait au prix d'une usure importante dans toutes les professions".
En juin, à la demande du gouvernement et après une enquête flash, le rapport Braun préconisait une série de mesures. Chaque agence régionale de santé pouvait y piocher.
Un meilleur usage des urgences
La Nouvelle-Aquitaine a opté pour une campagne de sensibilisation de la population "au bon usage des services des urgences" qui a porté ses fruits selon l'ARS. Le Centre 15 a traité 19% d'appels en plus et le nombre de passages aux urgences a baissé de 9%.
Mais pour Laurence Lagoubie, représentante Santé pour la CGT, "l'usager a accepté ce mode dégradé parce qu'il a compris que l'hôpital était en danger. Pas sûr qu'il l'accepte sur le long terme".
Même scepticisme chez l'élu Sud de Pellegrin, Gilles Mouden, qui prévoit un hiver très tendu avec toutes les infections habituelles :
"Les gens ne viennent pas de gaité de cœur aux urgences. Quand vous ne trouvez pas de médecins de ville ou de pédiatre pour votre enfant, vous n'avez pas le choix".
A Bordeaux, SOS médecins peut se déplacer mais à la campagne, trouver un docteur le week-end est compliqué.
Former des professionnels de santé
Entre 2020 et 2022, 431 médecins et 1611 infirmières de plus ont été recrutés dans la région. "Une dynamique" que l'ARS voudrait poursuivre. 4182 praticiens seront formés d'ici 2025 soit 20% de plus comparé à la période 2016-2020. 48% de places supplémentaires d'aides soignantes, 24% pour les infirmières seront créées. Et pour les former, 22 nouveaux instituts ou antennes seront ouverts en Nouvelle-Aquitaine.
Pour Laurence Lagoubie, il faudrait déjà remplir les écoles existantes. Selon la cégétiste, 1/4 des places dans les écoles d'infirmières et d'aides soignantes sont vides. Elle incrimine Parcoursup qui éloigne les élèves de leur région d'origine, entrainant des coûts, ou qui valide un troisième ou quatrième choix. "Au premier stage, ils abandonnent" résume-t-elle.
Le directeur de l'ARS l'admet, "pour avoir plus de professionnels, il faut les former puis s'assurer qu'ils restent sur le territoire ou dans leur profession"
Rendre les métiers attractifs
Le Ségur de la Santé a revalorisé les salaires. Selon les chiffres de l'ARS, une infirmière a été augmenté de 290 euros nets par mois après un an de carrière, 536 euros en fin de carrière pour atteindre 3390 euros. Pour les aides soignantes, les augmentations varient de 228 à 651 euros nets par mois.
Mais souligne Laurence Lagoubie, elle-même aide soignante, ces chiffres intègrent toutes les primes y compris celles du week-end ou de nuit. La CGT demande aussi de meilleures conditions de travail : des places dans les crèches des hôpitaux, un travail en binôme avec le médecin, la possibilité de choisir ses congés et de ne pas être rappelé en cas d'absence de collègues.
Mieux réguler
Il faut huit à douze ans pour former un médecin, cinq ans pour une infirmière. En attendant, les malades devront se diriger vers le bon professionnel.
Benoît Elleboode cite l'exemple d'une grossesse qui n'est pas une maladie et qui peut être suivie par une sage-femme. De même, l'acné peut être traité par le médecin généraliste et non pas nécessairement par un dermatologue.
Mais pour Laurence Lagoubie, on n'a pas "vérifié que la structure des médecins de ville étaient adaptés". La représentante Santé de la CGT suggère, par exemple, de les inciter à ouvrir davantage.
Gilles Mouden, élu Sud estime qu'on a mis la charrue avant les boeufs.
"Aux urgences, la bobologie n'est pas le problème ce sont les opérations lourdes".
Pour l'instant, la huitième vague de Covid, qui n'entraine pas de formes graves, ne perturbe pas les hôpitaux. Les mesures injectées seront-elles suffisantes ? Cet hiver sera un nouveau test avec ou sans la Covid.