Une histoire à cinq voix pour raconter le long chemin parcouru, de la première cicatrice jusqu’à l’acceptation d’un corps changé. Morgane Doche, réalisatrice, part à la rencontre de Saïda, Marie, Yannick et Jean-Michel qui, comme elle, ont une peau marquée par les cicatrices.
Morgane avait trois ans quand une première opération chirurgicale entaille sa peau et bouleverse son existence. Trente ans plus tard, la jeune réalisatrice, muette et hémiplégique, surmontant les traumatismes liés à divers maux, mêle son histoire à celle de Yannick, Marie, Saïda et Jean-Michel. Des mots et des images pour parler des maux de la vie, celle qui bouleverse, celle qui bouscule, celle qui abîme.
Ensemble, ils racontent le long chemin parcouru pour accepter un corps changé et le combat mené pour vivre heureux de nouveau. De longues périodes d'hospitalisations, des douleurs parfois insoutenables, des états dépressifs... Chacun des protagonistes a dû faire face à diverses étapes avant d'apprendre à vivre avec un corps qui ne sera plus jamais le même.
Morgane Doche explique que nos histoires sont écrites sur nos corps, mais que les corps ne définissent pas ce que nous sommes. Selon elle, ce n'est pas le cas des cicatrices qui disent les histoires de chacun.
Nous avons tous des cicatrices. Certaines sont minuscules, d’autres énormes. Elles peuvent être dues à un épisode banal de la vie, à une maladie ou à un grave accident ; elles peuvent-être visibles ou enfouies en nous, profondes ou superficielles. Chaque cicatrice est différente, unique, personnelle. Le seul point commun entre toutes, est que nous voulons les cacher. Par peur de ce que les autres vont penser ? Par dégoût de soi-même ? Pourtant, c’est un fait, elles font partie de nous. Commence alors un long chemin pour les accepter, apprendre à vivre avec, envisager puis construire un nouveau chemin de bonheur.
Morgane Doche, réalisatrice
3 questions à Morgane Doche
Morgane a été opérée du cœur à l'âge de 3 ans. Une opération qui fût un échec et qui changea sa vie à jamais puisqu'elle a perdu la parole et est devenue hémiplégique. Elle est également atteinte de la maladie de Crohn.
- Quelle est l'origine de votre handicap ?
Mon histoire commence le jour où il a détruit ma vie en un coup de scalpel lors de cette opération pour réparer mon cœur malformé de naissance.
J’avais trois ans. En laissant sa marque de fabrique le long de mon torse d’enfant, ce cardiologue a créé des souvenirs indélébiles qu’aucun être humain ne devrait jamais avoir à subir.
48 heures après cette opération, j’ai fait un AVC massif, suivi quelques jours plus tard de convulsions. Lorsqu’on m’a rendue à mes parents après plusieurs jours en soins intensifs, je ne savais plus tenir ma tête, ni tenir assise. J’étais devenue hémiplégique droite et aphasique. C’est à ce moment que j’ai perdu l’usage de la parole, conséquence directe de ces accidents cérébraux.
- En quoi votre vie a-t-elle été immédiatement bouleversée ?
Dès le plus jeune âge, ma vie a été rythmée par les visites et séjours à l’hôpital. Il y a d’abord eu les examens pour surveiller le cœur (prises de sang, échographies, tests d’effort), puis les multiples opérations pour tenter de réparer - au fur et à mesure de ma croissance - mon corps hémiplégique. Et à l’aube de mes onze ans, deux nouveaux maux - souvent liés entre eux - sont arrivés sans crier gare : un psoriasis (maladie de la peau) et la maladie de Crohn, maladie inflammatoire chronique intestinale qui touche tout le tube digestif. Nouveaux maux, nouvelles cicatrices.
- Avez-vous réussi à surmonter les douleurs physiques et psychologiques ?
Être atteint de la maladie de Crohn, c’est vivre au rythme des poussées et des périodes de rémissions. On ne guérit pas de cette maladie, elle se maîtrise par des traitements sachant que pour beaucoup de malades crohniens, l’intervention chirurgicale est nécessaire à un moment ou à un autre. Ce fut le cas pour moi.
À 24 ans, vingt-et-un ans après ma première cicatrice, retour à la case ‘salle d’opération’.
Un nouveau professeur entre en scène. Sous ses ordres, une chirurgienne m’a ouvert le ventre, en a sorti mes boyaux pour les découper, les réparer et les recoudre. Elle a installé une poche sur mon bas ventre, la “fameuse” stomie dont je ne voulais pas, mais sans laquelle je n’aurais pu survivre. Passé le mal physique, il a fallu surmonter le traumatisme psychologique de cette opération.
Pour moi, cette épreuve - probablement la plus douloureuse de ma vie - a heureusement été temporaire. Quatre mois après l’opération, on m’a enlevé la poche. Petit à petit, mes douleurs se sont atténuées. Grâce à ce professeur, je pouvais reprendre ma vie.
Malgré toutes les opérations que j’ai subies, malgré mon aphasie et mon hémiplégie, je vis pleinement et suis une femme accomplie et heureuse. J’ai une vie normale.
Avec le temps, l’expression « Tôt ou tard, tout finit par cicatriser. » a pris tout son sens. De l’exemple concret d’un trou dans le ventre qu’on voit se refermer et cicatriser jour après jour, jusqu’au chemin à parcourir pour se relever et accomplir ses rêves, j’en suis la preuve vivante. Tout finit bien par cicatriser.
Des parcours de vie différents
Les autres personnages du film sont filmés par la réalisatrice pour révéler leurs combats passés, mais aussi ceux qui restent, parfois, à mener encore.
Saïda est née avec une malformation congénitale des membres inférieurs. Ses parents ont découvert à la naissance qu'elle avait une jambe plus courte que l'autre. Un handicap qui lui a valu beaucoup d'opérations, beaucoup de prothèses.
Marie a eu un accident de la route. Alors qu'elle partait voir ses chevaux, elle s'est endormie au volant et sa voiture a pris feu. Elle en sort heureusement en vie, mais avec des brûlures au 3ᵉ degrés.
Yannick fêtait le nouvel an. Pour l'occasion, ils avaient décidé de faire un feu d'artifice. Ce soir-là, sa vie a changé à jamais lorsqu'il a reçu une fusée dans le visage. Un accident qui l'a plongé dans le coma.
Jean-Michel est atteint de la maladie de Crohn. Son corps n'ayant pas bien répondu aux différents traitements, il porte aujourd'hui une stomie qu'il change tous les jours.
Tous ont une expérience de vie différente. Certains sont nés avec leur handicap, d'autres ont dû apprendre à vivre avec au cours de leur vie.
Des combats différents qui les ont tous amenés à passer par plusieurs phases avant de pouvoir accepter leurs corps désormais changés.
Une acceptation en plusieurs étapes
Chacun a dû faire preuve de force pour sortir de ces mauvais moments, a dû apprendre à lâcher prise.
Pour certains, c'était lors de leur nuit de sommeil, pour d'autres, c'était sous l'effet de l'anesthésie. Des moments qui leur permettaient de s'éloigner de cette réalité.
Le plus dur est de rester digne quand mon corps partait à la dérive
Jean-Michel HédreuxNos corps gravés
Avant cette acceptation, il y a d'abord tout un processus psychologique : le déni, la dépression, un sentiment de colère, etc. Des phases qu'ils auraient parfois aimées mieux connaître pour les appréhender de manières différentes.
Vient aussi pour certains le moment de réapprendre à vivre, de réapprendre à effectuer les petits gestes du quotidien, qui paraissent si simples d'habitude. Chaque petit pas, chaque petite avancée est un signe d'espoir, une reconquête de soi.
Cultiver cette différence
Pour sublimer leur différence, Morgane a fait appelle à Charlotte, photographe, qui met en lumières ces corps "abimés" à travers des mises en scène.
Mon handicap fait partie de mon identité
Saida BenaboudNos corps gravés
Dans une société où la perfection est toujours recherchée, ce documentaire, aussi touchant que nécessaire, nous montre que la réalité en est bien loin. L'idée est avant tout de se servir du regard des autres comme une force et non plus comme une faiblesse pour apprécier son corps.
Nos corps gravés
Diffusion sur France 3 Nouvelle-Aquitaine jeudi 30 mars à 22.50 et en replay 30 jours après la diffusion sur france.tv
Un film de Morgane Doche
Coproduction : Aloest Films / France 3 Nouvelle-Aquitaine
Avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine en partenariat avec le CNC et l’accompagnement d’ALCA.
Avec la participation du Centre National du Cinéma et de l’Image Animée et du Rotary Club