Violences conjugales en Gironde : "J'avais besoin d'un refuge pour moi et mes enfants"

L’Association pour l’accueil des femmes en difficulté de la Gironde (A.P.A.F.E.D) héberge une centaine de femmes et leurs enfants victimes de violences conjugales. Depuis le féminicide d'une mère de famille à Mérignac le 4 mai dernier, les appels d'urgence sont en augmentation.

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Le foyer d'accueil d'urgence se situe à Cenon, dans l'agglomérationn bordelaise, à une adresse "qui n'est connue que de la justice, de la police et des femmes en danger qui viennent ici se mettre en sécurité". 
L'extérieur du batiment doit rester anonyme également. Personne ne doit savoir que ces femmes sont ici.

"J'avais besoin d'un refuge pour moi et mes enfants"

Sofia dont le prénom a été modifié, a appelé le numéro d'urgence de l'APAFED le 6 mai dernier. Un appel à l'aide. Cette mère de famille de 46 ans vit seule avec ses quatre enfants au dixième étage d'un immeuble dans le quartier du Grand-Parc à Bordeaux.
Il y a quelques semaines, son ex-mari a pénétré dans son appartement et il s'est caché dans le placard de l'entrée. C'était la fin de journée, Sofia rentrait de l'école avec ses quatre enfants. Quand elle a ouvert la porte, il l'a frappé avec une barre en bois.

Je me suis protégée avec le bras et il m'a cassé le poignet droit et donné des coups sur la tête. Ensuite, il a cassé la porte.

Sofia, mère de famille victime de violences conjugales.

Sofia et ses enfants se sont réfugiés chez des voisins de palier qui ont assisté à l'agression. "Je n'arrive pas à oublier ce qu'il s'est passé. J'ai peur tous les jours et toutes les nuits. Je ne dors plus, je reste derrière la porte, j'ai peur qu'il revienne. Même quand il n'y a personne, je prends les escaliers pour éviter de le croiser, je vais même me cacher dans les étages plus haut si j'entends du bruit. C'est pas une vie ça !" raconte Sofia.

La mère de famille connaît bien l'association car en 2016, elle est déjà venue se réfugier dans ce foyer d'accueil pour femmes battues. "Ce n'est pas la première fois que mon ex-mari est violent. Il a déjà été condamné pour cela, la première fois qu'il m'a tapée, c'était dans le dos avec une barre en fer. Je lui ai pardonné. Et puis il a recommencé. J'ai déposé plainte. Pendant cinq ans, il est resté calme et puis là c'est reparti il y a quelques semaines, je ne sais pas pourquoi. Je ne lui ai rien fait", raconte Sofia émue, assise sur le lit de sa chambre, le poignet dans une atèle.

Je suis venue dans ce foyer pour me reposer avec mes enfants. J'ai demandé à changer d'appartement. Je ne veux pas retourner chez moi, j'ai trop peur.

Sofia, victime de violences conjugales

Sofia a pris quelques affaires et elle est venue s'installer dans ce foyer qui propose des chambres individuelles et privées avec salle d'eau aux familles.
Les pensionnaires partagent une cuisine et un réfectoire, une salle de télé et une salle de jeux pour les enfants, ainsi qu'une laverie. "Ici, ce ne sont que des mamans battues, mais on n'en parle pas entre nous". 
L'ex-conjoint a une interdiction de rapprochement et son droit de visite des enfants a été suspendu.

"Je n'en parle pas aux enfants. Je ne veux pas, ils sont trop petits, mon ainée a seulement 10 ans. Je préfère que l'on parle du travail de l'école", commente Sofia. Ses enfants sont âgés de 5, 6, 7 et 10 ans. Ils sont toujours scolarisés.

Coups répétés et menaces, la situation de Sofia est connue du parquet de Bordeaux et de la police. Son ex-mari, récidiviste de violences conjugales, a fait l'objet de condamnations, pour autant, cette mère de famille est inquiète et se sent en danger chez elle.

Quelqu'un de violent sera toujours violent.

Sofia, victime de violences conjugales

+ 35 % de violences conjugales depuis le premier confinement

Le nombre d'appels a explosé depuis le féminicide de Mérignac qui a marqué les esprits par son atrocité. Pour certaines, la mort de Chahinez Daoud a été un électrochoc.

Naïma Charaï, directrice de l'APAFED

"Notre rôle est d'accompagner et d'accueillir les femmes et leurs enfants, et aussi de les héberger après des faits de violences parfois très graves" explique Naïma Charaï, par ailleurs directrice de l'APAFED et élu au conseil régional pour le droit des femmes.

"Nous essayons de répondre à toutes les demandes". Les chiffres de la police et de la gendarmerie font état d'une augmentation de 35 % des violences durant les deux premiers confinements en France.

Les femmes victimes d'insultes et ou des coups de leur conjoint se sont retrouvées coincées avec leur bourreau.

Naïma Charaï, directrice de l'APAFED

L’A.P.A.F.E.D. a été créée en 1984. C'est la plus ancienne des associations de Gironde agissant dans le domaine des violences conjugales et les droits des femmes. En 2019, en France, 230 000 femmes ont été reconnues comme victimes de violences conjugales, 146 ont trouvé la mort. 

Pour joindre l'APAFED dont la ligne d'écoute est ouverte 24h sur 24 et 7 jours sur 7 ►05 56 40 93 66

 

Protection et écoute 24H/24

L'APAFED dispose d'un foyer d'hébergement d'urgence avec des chambres privatives pour chaque personne. Le foyer est sécurisé 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. "Il y a toujours quelqu'un ici et la police arrive sur place en quelques minutes en cas de problème", assure Naïma Charaï.
Les femmes sont à l'abri et elles peuvent reprendre pieds. C'est un refuge aussi pour les enfants. L'ambiance est paisible et conviviale, les femmes partagent la cuisine. Nous y croisons une jeune maman et ses deux enfants en bas âge, en plein repas. 

"Nous fournissons le linge et les aliments grâce à la banque alimentaire. Nous demandons une participation à hauteur de 10 % de leurs revenus mensuels. Les femmes restent ici le temps qu'il faut. Il y a une assistante sociale et toujours une personne de l'association à leur écoute" détaille Marina Razafimbelo, cheffe de service. "La seule interdiction ici, ce sont les paroles et les gestes violents dans l'enceinte du foyer."

Les enfants sont aussi victimes des violences conjugales

Quand une femme vient trouver refuge à l'APAFED, une prise en charge des enfants lui est proposée. Car les enfants ont été témoins ou bien victimes également de violences intrafamiliales. Une psychologue, un psychomotricien prennent en charge les enfants et on a fait une demande auprès de l'hôpital Charles Perrens pour travailler avec un pédopsychiatre.
"Les enfants que l'on accueille ici ont moins de 10 ans. Ils arrivent avec un poids, et l'on veut qu'il repartent sans ce poids", explique Marina Razafimbelo, cheffe de service qui reçoit toutes les nouvelles arrivantes. "L'écoute est très importante pour elles. Les écouter sans les juger."

"Il a des ateliers collectifs pour travailler sur le corps et les émotions. Et la confiance aussi car les violences conjugales abîment parfois le lien entre la mère et ses enfants. La prise en charge individuelle est plus compliquée car il faut obtenir l'accord de l'autre parent, celui du père, et donc on privilégie les ateliers collectifs", explique la directrice, "c'est un gros sujet pour nous au sein de l'association".

40% des victimes déclarent que leurs enfants ont subi ces violences.

L'APAFED offre dans un second temps et à la demande un accompagnement juridique et social aux femmes . L'association dispose d'appartements autonomes pour celles qui veulent se séparer de leur conjoint ou changer de domicile. Une participation de 10% de leurs revenus est demandée. La structure est financée par l'Etat, les collectivités dont le Conseil départemental de la Gironde, la mairie de Bordeaux, et aussi des dons de particuliers.

"Il faut faire cesser les violences conjugales"

Depuis le confinement, les violences ont encore augmenté, "il faut que cela cesse", s'inquiète Naïma Charaï.

Chahinez D., brûlée vive par son ex-conjoint le 4 mai 2021 à Mérignac, est la 39ème victime de féminicide depuis le début de l'année. Pour les associations féministes, "c'est une victime de trop" et qui montre que la prise en charge des victimes n'est pas "efficace" en France et ce malgré les lois et les dispositifs existants comme les bracelets anti-rapprochement et les téléphones grand danger qui devraient être "systématiques" selon Naïma Charaï.
En Gironde, 24 téléphones grand danger (TGD) ont été octoyées à des femmes par le parquet de Bordeaux. L'une des pensionnaires de l'APAFED en a un sur elle, pour autant elle ne se sent pas pleinement "en sécurité et a préféré rejoindre le foyer pour se protéger de son ex-mari".

 

Les chiffres des violences conjugales en Nouvelle-Aquitaine

Les chiffres sont issus d'un rapport sur les violences sexistes et sexuelles, novembre 2020 :

►En 2019, 12 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint en Nouvelle-Aquitaine dont trois féminicides en, Gironde et un à Bordeaux.

►11 000 faits de violences conjugales constatés par la police

►3 625 appels au numéro d'appel national 3919

►2 500 appels à l'APAFED

►1 sur 3 subit des violences sexuelles, 1 sur 2 des violences physiques et plus de 4 sur 5 des violences psychologiques

►25 % des femmes n'ont jamais parlé des violences subies

►65% des victmes accompagnées par les associations portent plainte

►1 500 procédures de protection émises par la justice à Bordeaux. 1 000 ont été suivies de réponses pénales

►24 téléphones d'urgence mis à disposition des victimes

Face à ces chiffres, un nouveau centre d'accueil de jour va ouvrir à Bordeaux en juin 2021, il s'agit du centre Gisèle Halimi qui recevra toutes les personnes victimes de violences conjugales avec ou sans enfant. 

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