La crise sanitaire du coronavirus et les mesures de confinement perturbent certaines professions. L'apiculture, comme pour d'autres métiers agricoles, doit pouvoir poursuivre son activité même si les ventes de miel, du fait d'interdictions de nombreux marchés, risquent de baisser.
On aura tous constaté, malgré les événements et la crise sanitaire, que la nature est en avance cette année. Bourgeons et fleurs sont de retour : le printemps est là et avec lui s'annonce la nouvelle saison d'apiculture.
Les abeilles sortent de leur hivernage et les apiculteurs doivent être en mesure d'avoir préparé leurs ruches pour qu'elles puissent se mettre au travail.
Comme d'autres activités professionnelles et notamment agricoles, l'apiculture a été, elle aussi, impactée par les mesures de confinement pour lutter contre la propagation du virus Covid-19. Des mesures qui préconisent le plus souvent de rester chez soi...
Des apiculteurs en danger ?
A l'Union Nationale de l'Apiculture Française, on dit même que "les apiculteurs se retrouvent comme leurs abeilles …. En danger".
Cette rupture liée au confinement a déjà des conséquences majeures et inédites en terme de survie des exploitations, non pas comme ces dernières décennies suite à des pertes de cheptel, mais pour la première fois dans l’histoire de l’apiculture au niveau de l’impossibilité de vendre le miel.
Dominique Cena, l'un de ses porte-paroles et apiculteur en Val de Marne précise que ces mesures de confinement ont amené l'UNAF à demander des précisions et autorisations spécifiques (voir ci-dessus).
Des libertés de mouvements liées à l'activité spécifique de l'apiculteur et décrites précisément dans l'instruction technique. Mais il le rappelle "dans le strict respect des mesures de sécurité sanitaires" instaurées dans le cadre de cette lutte contre la propagation du virus covid-19.
Ça va quand on est tout seul, mais quand on est deux, on s'adapte.
Il s'agit, au_delà des déplacemens autorisés, de respecter la distance entre les collègues, porter un masque, ne pas échanger les matériel de protection... Et pour cela, Dominique Cena le répète : "nous somme dans notre rôle à l'UNAF en relayant ces informations" sur les autorisations, les préconisations et mises en garde.
Le Danger ? C'est un peu l'urgence... de laisser les apiculteurs faire leur travail. Recréer les bonnes conditions de réorganisation des ruches, c'est bien-sûr s'assurer une récolte de miel.
Ils jouent aussi un rôle en préservant les essaims pour renouveler les colonies en cas de mortalité.
Et depuis quelques temps, les apiculteurs ont des partenariats avec des producteurs fruitiers et déposent leurs ruches dans les vergers pour que les abeilles participent à la pollenisation... et donc à la naissance de ces fruits.
Donc il faut que cette année encore, la magie puisse opérer...
Difficulté pour vendre le miel ?
L'UNAF se mobilise pour la réouverture des marchés alimentaires:
Pour certains, la vente de miel est leur seule source de revenus. En ce moment, les apiculteurs professionnels s'interrogent pour participer à des plateformes, faire de la vente en ligne ou s'organiser en groupements de producteurs pour des achats groupés.
En Aquitaine
Pour Roger Paty, président du syndicat des apiculteurs de Gironde et d'Aquitaine qui compte près de 200 adhérents, professionnels et particuliers, l'activité, forcément, se poursuit.Le Rucher-Ecole de Saint-Laurent-de-Médoc les reçoit régulièrement, au moins une vingtaine, notamment le week-end :
Je leur ai demandé de l'aide mais avec le confinement... On a eu beaucoup d'appels. Des apiculteurs qui veulent savoir s'ils peuvent circuler pour les ruches... On leur a transmis le décret. On continue à travailler individuellement.. On y va tout seul.
Bien-sûr, les cours sont arrêtés. Au rucher-école, il y a une quinzaine de ruches dont il faut s'occuper. Moi j'en ai 25 personnellement. Je fais la préparation à la sortie de l'hiver. Moi j'ouvre, je sors et change deux vieux cadres et le fond. Je réduits. Ça évite les maladies, les parasites.
Pour Roger, la période actuelle est importante.
L'apiculture, c'est le printemps. Et jusqu'en juillet. Enfin, pour la plupart. Après, c'est là que je fais le traitement acaricide.
On prépare les ruches, les reines, on organise la prochaine récolte. Et pour cela, les ruches ont recu, durant l'hiver, du sucre pâteux puis ces jours-ci plus liquide.
La reine va se remettre à pondre et les abeilles sont alors prêtes à sortir et récolter le pollen selon les choix de l'apiculteur.
Pour Roger, dans le Médoc, il mise sur la bourdaine et, dès le mois de mai, le fameux acacia, très prisé des amateurs de miel.
Mais j'avais 27 essaims à distribuer aux adhérents. On a fait ça juste quand le confinement avait commencé. Le mardi et le jeudi... Moi, j'ai été arrêté par les gendarmes, j'avais 15 essaims dans la voiture... Ils n'ont pas trop discuté...
Quant aux ventes? C'est sûr avec les nombreuses interdictions de marchés, même de plein air, il va y avoir moins de débouchés. Pour sa part, il vend près de 100 kgs par an sur un seul marché qui se tient au printemps et à l'automne:
Du coup, une AMAP a bien voulu prendre mes pots en dépôt et les gens peuvent en acheter quand ils viennent chercher leurs colis... On verra.
Continuer à faire naître des reines en Médoc
Pour Laurent Dugué, spécialisé de l'élevage de reines à Grayan en Gironde, la question ne se pose pas. C'est le moment où tout recommence, les apiculteurs doivent être en train de préparer les ruches pour la saison.Ça se passe bien. Les abeilles vont bien. On a la libre circulation... Mais c'est normal. c'est de l'agriculture : on nourrit les gens.
Bien-sûr, dans cette micro-entreprise, il a su adapter le travail.
On est quatre à travailler. On le fait loin les uns des autres et parfois on travaille tout seul dans la forêt !
Il faut dire que c'est le plein boum dans notre région:
En ce moment, on prépare les ruches à mâles. On prépare les reines à partir du 13 avril, elle seront fécondées vers le 13 mai...
On a une responsabilité, pour nos clients, les apiculteurs qui veulent assurer de bons cheptels.
L'apiculteur veut rester positif "on fait comme si ça allait", mais il a dû annuler ses derniers envois postaux. Il va devoir s'adresser à des transporteurs, si c'est possible. Il faut dire qu'il fournit en reines de nombreux apiculteurs dans toute la France.
Quant aux ventes du miel à cause de la fermeture des marchés ? C'est une inquiétude de ses clients mais, au mois de mars, à l'annonce du confinement, certains habitués en ont acheté plus que d'habitude... histoire de faire du stock. C'est sûr le miel, ça se conserve...
Ce qu'il faut savoir de ces activités encadrées
C'est pourquoi, pour faciliter leurs travaux et déplacements, cette instruction technique (DGAL/SDSPA/2020-199) de la DGAL encadre ces activités apicoles précisant l'importance d'une certaine mobilité de l'apiculteur justement durant cette période de confinement, bien-sûr dans le respect des gestes barrière et d'une distanciation sociale :L’intervention de l’apiculteur est essentielle au maintien du cheptel apicole, à la pérennité des exploitations et au maintien du service de pollinisation.
Certaines activités apicoles sont dépendantes de la saison et ne peuvent être décalées dans le temps sans menacer les colonies, leur état sanitaire et les récoltes (visites régulières aux ruchers dont des visites sanitaires, gestion des essaimages, suivi des remérages, transhumances, récolte des produits de la ruche, élevage de reines/constitution de colonies d’abeilles, nourrissage en cas de famine…)
Et le décret de rappeler que ces contraintes concernent les apiculteurs de loisir, pluriactifs et professionnels qui ont donc la possibilité de :
- s'approvisionner en fournitures, matériels et intrants apicoles (ex: cire)
- faire transhumer ses ruches (le travail apicole est souvent solitaire et certains travaux peuvent être réalisés en équipe restreinte, en particulier dans les exploitations les plus importantes) "pour rechercher des miellées d’intérêt, assurer le service de pollinisation et/ou pour pallier à des famines".
- La visite des ruchers par l’apiculteur et/ou son personnel en limitant le nombre de visites au strict nécessaire,
- Les transhumances et mouvements de ruches, dans le respect des dispositions réglementaires prévues à l’article 13 de l’arrêté ministériel du 11 août 1980 relatif au dispositif sanitaire de lutte contre les maladies des abeilles.