Laurent Filleul est responsable de Santé publique France en Nouvelle-Aquitaine. L'épidémiologiste appelle à une vigilance extrême et estime qu'à la rentrée, tout est à crainte si les gestes barrière ne sont pas respectés. Les indicateurs de surveillance sont en hausse, surtout en Gironde.
Santé publique France comme l'ARS partagent le même constat. La circulation du coronavirus s'est accrue en Nouvelle-Aquitaine et les indicateurs de surveillance ne sont pas bons.Après une première vague, très modérée qui a pris fin avec le confinement, le virus circule "à bas bruit dans la région" et "depuis plusieurs semaines, on observe une augmentation de nos indicateurs de surveillance" indique Laurent Filleul
"Ça commence par l’activité de SOS Médecins qui est en augmentation importante sur l’agglomération bordelaise, les passages aux urgences qui présentent un certain frémissement et l’apparition de clusters dans la région et notamment en Gironde" détaille l'épidémiologiste.
Une dizaine de malades a également été hospitalisée en réanimation à Bordeaux. "C’est à la marge mais ça se rajoute à l’ensemble de nos indicateurs de surveillance".
Un chiffre semble le plus parlant : le nombre de cas a plus que triplé en Nouvelle-Aquitaine. " On est passé de 45 cas par semaine à presque 150 cas sur la Région, détaille-t-il, particulièrement en Gironde.
Car "si l’on ne prend pas des mesures, si les gestes barrière ne sont pas respectés, on a tout à craindre pour la rentrée où les gens vivront de plus en plus confinés" met en garde Laurent Filleul.Il ne faut pas s’inquiéter mais il faut avoir une extrême vigilance.
Le danger ? les vacances dans des pays à risque et soirées festives
Les foyers épidémiques sont apparus notamment en Gironde et tout particulièrement à Bordeaux. (L'ARS dans son dernier communiqué en dénombrait 13 en Nouvelle-Aquitaine, 6 dans la capitale girondine)."Les clusters qui sont identifiés", précise Laurent Filleul, se déclarent "lors de soirées festives ou de mariages. Les participants vont alors se contaminer et des chaînes de transmission vont s’installer".
Autre source de contamination, les "voyageurs qui viennent de régions infectées où le virus circule activement (Madagascar, Algérie, Inde)". Il espère un résultat positif de la mesure annoncée par le gouvernement de rendre obligatoires les tests pour les passagers revenant de pays dits "à risque".
"La Gironde est un département des plus touristiques. On a un brassage de population. Ce brassage, sans mesure de protection, expose la population à un risque de contracter le virus et ensuite de le propager. Il faut une attention particulière vis-à-vis des retours de voyage. Le gouvernement a pris des mesures. On espère qu’elles vont avoir un impact positif pour freiner la circulation du virus dans le département et la région".
Cette évolution défavorable, le responsable régional de Santé publique France la met en parallèle avec un relâchement des gestes barrière, lavage des mains, port du masque notamment chez les 15-44 ans. Or, l'ARS avait alerté sur le fait que le virus gagnait du terrain dans cette tranche d'âge.
#COVID19| Point au 24 juillet
— ARS Nouvelle-Aquitaine (@ARS_NAquit) July 24, 2020
En juillet, le virus gagne du terrain, en particulier chez les 15-44 ans
? 25 nouveaux cas positifs au 21 juillet
? 13 clusters en cours (hors cas familiaux restreints)
? 60 personnes hospitalisées dont 11 en réanimation
?https://t.co/buI3mU6JpB
"Ces gens-là, un jour ou l’autre, vont être en contact avec des personnes plus fragiles et le risque, c’est que ces personnes plus fragiles finissent à l’hôpital et en réanimation avec malheureusement des décès" redoute Laurent Filleul qui rappelle qu'"il n’y a pas de profil de personne protégée".
Le 15-44 ans ont les comportements les plus à risque
"Le virus ne va pas s’arrêter en fonction des classes d’âge. Les personnes qui ont des comportements les plus à risque, ce sont les 15-44 ans en Gironde. Elles vont se comporter comme des vecteurs qui vont propager le virus alors qu’elles pourraient être en contact avec des personnes fragiles, leur famille, leur entourage, sur leur lieu de travail. Ce ne sera pas forcément des personnes âgées mais des personnes qui peuvent avoir des pathologies fragilisantes, des diabétiques, des personnes obèses, des personnes avec des difficultés respiratoires et on pourrait exposer de manière de plus en plus importante ces personnes fragiles".
La seule protection, martèle Laurent Filleul, ce sont les mesures barrière. Le temps ensoleillé, les vacances invitent à l'insouciance. La première vague comme la gravité de la situation ont été un peu vite oubliées déplore-t-il.
"Les gens disent : je suis en vacances, je suis là pour en profiter, faire la fête et pas pour avoir des contraintes. Malheureusement on a besoin de respecter ces contraintes qui ne sont pas si fortes".
Cet été, plus que jamais, le mot d’ordre doit rester une vigilance maximale. "Tout ce qui sera fait aujourd’hui sera bénéfique pour ce qui pourrait arriver à la rentrée" conclut Laurent Filleul.