La mission des enquêteurs est de comprendre les raisons du choc et de l'embrasement des véhicules. Une enquête qui commence par l'identification des corps désincarcérés de l'autocar. Les experts effectuent des prélèvements ADN sur les victimes et leurs familles.
► Suivre notre édition spéciale
Quatre premiers corps de victimes de la collision de Puisseguin en Gironde étaient en cours de transfert vers l'Institut médico-légal de Bordeaux ce samedi matin d'après le chef d'escadron Patrick Chilliard, du Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale. Il s'agit des deux corps retrouvés dans le camion, le chauffeur et son fils de trois ans, et de deux corps extraits de l'autocar.
L'enquête sur l'accident routier le plus meurtrier depuis 1982, est entrée samedi dans sa phase active, les enquêteurs s'attelant à l'identification des victimes et à tenter de déterminer les causes de l'accident.
Ils devaient également procéder à l'examen des enregistreurs retrouvés à bord du camion et de l'autocar. Ces "chrono-tachygraphes" enregistrent notamment les paramètres du véhicule, tels que la vitesse et le temps de parcours.
Les enquêteurs ont cependant souligné, lors d'un point-presse, que ces enregistreurs étaient "fortement carbonisés et endommagés". "Profondément dégradés, on ne peut pas se prononcer sur le résultat de leurs examens", a précisé le colonel Patrick Touron, directeur de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN).
Identification des victimes
Pendant la nuit, les membres de l'unité de l'IRCGN spécialisée dans l'identification de victimes ont installé "leur matériel sous tente, avec notamment des tables pour procéder aux travaux d'autopsie", avait indiqué un peu plus tôt le colonel Ghislain Réty, commandant du Groupement de gendarmerie de Gironde.Une équipe d'identification, comprenant une vingtaine de personnes, vêtues de combinaisons blanches, travaillait à la mi-journée sur le site, marquant de numéros les éléments recueillis.
Les gendarmes de l'IRCGN, laboratoire de pointe de la gendarmerie, travaillent "comme dans le cadre des accidents d'avion", a précisé le colonel Réty. Certains gendarmes scientifiques ont notamment travaillé sur la catastrophe de l'avion de la compagnie allemande Germanwings dans les Alpes le 24 mars et l'accident de l'appareil d'Air Algérie au Mali, en 2014.
"L'enjeu, c'est aussi de déterminer le nombre de personnes qui se trouvaient à bord de l'autocar", a indiqué l'officier, rappelant que les enquêteurs ne disposaient toujours pas de "liste officielle". "La seule liste était dans le bus, elle a brûlé", a-t-il précisé.
Un doute subsiste toujours sur le nombre de passagers -- 41 ou 42 -- ayant péri dans l'autocar. Si la seconde hypothèse devait se vérifier le bilan s'alourdirait à 44 morts.
Écoutez les explications de Julie Postollec et Marc Lasbarrères.
Un QG Médico-légal
A moins d'un kilomètre du village, les experts de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) et ceux de l'Institut médico-légal de Bordeaux, ont installé, entre vignobles et bosquets, ce qui ressemble à un véritable QG de campagne : une tente, des ordinateurs, des coffres de diverses couleurs ...Là est le centre névralgique de l'enquête scientifique et criminelle, à moins de 200 m du lieu de l'accident où vont se succéder ces prochains jours les divers experts : spécialistes en odontologie et en génétique, informaticiens, etc.
Vêtus de leur habituelle combinaison blanche, les scientifiques s'affairent, accroupis ou penchés sur les débris carbonisés. Sous le regard des journalistes, tenus à une certaine distance, une équipe procède à des prélèvements sur la partie supérieure de la carcasse, tandis qu'une autre travaille sur la partie inférieure, où le plancher de l'autobus s'est effondré, explique le colonel Patrick Touron, directeur de l'IRCGN.
L'objectif est de procéder à toute sorte de prélèvements "d'éléments biologiques" ou "d'objets personnels", qui pourront aider à l'identification des victimes et éclairer les cause de l'accident, explique le colonel. "Nous estimons qu'il y a plusieurs centaines de pièces à prélever", ajoute-t-il.
Juste à côté de la carcasse calcinée, une grande table sur tréteaux doit faciliter le tri de ces indices. Des affichettes avec des numéros permettent de regrouper les prélèvements par lot. Les restes d'objets personnels devront être répertoriés puis nettoyés, avant de les restituer aux proches pour leur permettre au plus vite d'engager le processus de deuil", explique Patrick Touron.
L'identification demande le concours des proches, des familles. Regardez le reportage de Julie Postolec et Marc Lasbarrères.
Sous code-barre
Un peu plus loin, d'autres gendarmes mettent les premiers prélèvements sous scellés dans des coffres cadenassés, qui seront ensuite entreposés dans des camions. "Chaque élément prélevé est numéroté et enregistré sous code-barre", détaille le responsable de l'IRCGN.Dès dimanche soir, ajoute-t-il, les éléments prélevés sur site depuis vendredi seront envoyés à un laboratoire de Pontoise (Val d'Oise) pour analyse, tandis qu'en parallèle s'effectue le délicat travail qui consiste à prélever des échantillons d'ADN sur les proches "pour les comparer et les croiser avec ceux prélevés sur le site", explique le gendarme.
Il s'agit aussi de recueillir auprès des familles tous les éléments de la vie médicale des victimes avant leur décès.
Les enquêteurs procèdent à "un quadrillage systématique au tamis" de la scène "pour récupérer tous les éléments qui permettront de connaître la vérité" sur les causes de l'accident.
Parallèlement, explique le colonel Touron, "pour faciliter le travail des enquêteurs et des experts", spécialistes en accidentologie et incendies, qui arriveront sur le site lundi, "il sera procédé à la numérisation en 3D de la scène", précise-t-il.
13 corps extraits
En début d'après-midi, treize corps avaient été extraits des carcasses de l'autocar et du camion, pour être acheminés vers l'Institut médico-légal de Bordeaux. Parmi eux, ceux du chauffeur du camion et de son fils de trois ans.A moins d'un kilomètre de là, les familles éplorées continuaient de se rendre à la chapelle ardente symbolique de Puisseguin, installée dans la salle des fêtes où quelques habitants viennent prêter main forte aux élus pour organiser l'après...
Au total, l'identification formelle des victimes pourrait prendre jusqu'à "trois semaines", a fait savoir un responsable de l'IRCGN.
Les circonstances de l'accident
Dès lundi viendront des experts en accidententologie et en incendie, ainsi qu'en informatique pour l'exploitation des enregistreurs, afin de tenter d'éclaircir les causes de l'accident. "Nous allons procéder à une numérisation en 3D de la scène pour faciliter le travail des experts", a précisé le colonel Touron.D'autres experts "automobiles" vont procéder à l'examen des "restes des véhicules", "étudier les différentes traces de freinages", pour établir les circonstances de l'accident.
Enfin des "experts en pyrotechnie" vont se pencher sur les circonstances de l'embrasement des deux véhicules, un autocar et un camion de transport de bois circulant à vide, qui a surpris par sa rapidité après la collision.