Des habitants de Fargues-Saint-Hilaire, commune rurale à 15 km de Bordeaux, se battent contre un projet de construction d'un collège de 900 élèves et d'une école élémentaire dans une zone naturelle en partie classée. Mairie et Département défendent le projet dont les travaux doivent commencer en 2023 pour une ouverture en septembre 2025.
"Ce projet est totalement disproportionné pour ce site naturel et son accès va entrainer plus de 6000 véhicules jour dans notre commune, c'est très inquiétant et dangereux". Une cinquantaine d'habitants de Fargues-Saint-Hilaire entendent bien faire capoter le projet de pôle éducatif que la mairie défend depuis 2017.
Impact sur la biodiversité
Le domaine de la Frayse, 24 hectares d'espace naturel dont quatre classés en zone humide depuis 2019, a été choisi par le Département de Gironde pour accueillir un pôle éducatif de plus d'un millier d'élèves avec un collège (de 900 élèves), une école élémentaire et un centre de loisir déjà présent sur le site.
Des habitants ont créé cet été une association la Rosalie de Fargues (une cinquantaine de membres à ce jour) qui a emprunté son nom à une espèce de coléoptère la Rosalie des Alpes en voie de disparition et présente sur le secteur du domaine de la Frayse.
Ces habitants dénoncent des manquements dans l'étude d'impact du projet sur l'environnement et sur la circulation dans la commune.
Les conséquences du projet n'ont pas été étudiées. Nous ne savons pas comment ils vont solutionner le problème de circulation et d'accès au site, et il n'y a pas d'alternative proposée. Au plan environnemental, nous ne connaissons pas les conséquences sur la zone humide au niveau des espèces animales et végétales.
Pauline Boutron, membre du collectif la Rosalie de Fargues
Ainsi le collectif s'oppose à la modification du PLU, plan local d'urbanisme, pour le rendre compatible avec le projet de construction du pole éducation dans la zone naturelle du domaine de la Frayse. sur ce point, un enquête publique est en cours et se termine le 1er décembre. Les documents sont consultables en mairie et en ligne.
Le commissaire enquêteur désigné par le Tribunal Administratif de Bordeaux est Olivier Bertrand. Il tiendra 5 permanences en mairie pour recevoir le public
Critiqué par ministère de la transition écologique et la préfecture
Des critiques aussi de la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) qui dépend du ministère de la Transition écologique, dans un rapport du 24 octobre 2022: "La MRAe estime que la justification du choix du site reste incomplète et résulte d’une démarche de recherche
d’évitement inaboutie sur les sujets de la consommation d’espace et des incidences sur l’environnement.
Les éléments d’analyse environnementale fournis montrent que le secteur d’implantation retenu concerne des habitats naturels à enjeu patrimonial, liés en particulier à la présence d’une prairie humide. Ces enjeux ne restent que partiellement pris en compte, et les mesures d’évitement-réduction présentés laissent persister, pour un projet d’une telle ampleur, des impacts négatifs trop importants sur le milieu et sa biodiversité", conclut le rapport.
Les services de la Préfecture de Gironde ont également émis des critiques sur l'impact du projet dans un courrier envoyé à la mairie le 6 septembre 2022 : "Le projet entraine la consommation d'espaces naturels NAF à hauteur de 6,6 ha et présente des enjeux avérés avec la destruction d'une zone humide de 4,06 ha. L'opportunité foncière n'est pas un argument recevable (..) Des informations sont erronées, notamment comme l'absence d'espèces protégées", précise le courrier du chef de service de la DDTM de la préfecture de Gironde.
►Voir notre reportage sur le projet de pôle éducatif à Fargues-Saint-Hilaire diffusé le 14 novembre 2022
Le choix du site
Côté mairie, on défend ce projet depuis 2017. Le maire Bertrand Gautier avance comme argument "la position centrale de sa commune dans un secteur qui souffre de la saturation des établissements scolaires. Les collèges de Créon et de Latresne accueillent des effectifs au-delà de ses capacités initiales, plus de 900 élèves dans chacun des collèges".
"Et puis, nous avons essayé de tenir compte au maximum du lieu et de son environnement, et même la topographie pour être le moins impactant possible", renchérit le maire.
Concernant le choix du domaine de la Frayse, "d'autres sites ont été étudiés ( six au total, mais les autres sont soit trop petits, sont inadaptés au projet de pôle éducatif, car il faut de la place) et c'est le conseil départemental qui maître d'ouvrage qui a opté pour le domaine de la Frayse", selon l'élu.
Concernant l'impact sur l'environnement, le maire nous a présenté un rapport épais réalisé en 2020 par un bureau d'études indépendant à la demande du Département. Cette étude sur la biodiversité "ne conclurait pas à une zone naturelle particulièrement riche en faune et flore", résume Bertrand Gautier.
Enfin, sur les inquiétudes liées à la circulation routière qui serait fortement augmentée avec l'arrivée d'un collège de 900 élèves selon les opposants, le maire estime que c'est un faux problème, car avec "la nouvelle déviation, il y a moins de véhicules par jour qui passent par la commune de Fragues, et que par ailleurs les collégiens seront acheminés par 14 bus".
Pour autant, la mairie assure "chercher des ajustements pour améliorer et sécuriser l'accès au futur pôle éducation pour les vélos et piétons".
Nous avons apporté plusieurs modifications à ce projet, nous avons notamment réduit sa superficie pour moins impacter l'environnement t les riverains.
Bertrand Gautier, maire de Fargues Saint-Hilaire
"Les opposants au projet parlent de la perte d'espace avec le pôle éducatif, mais il faut voir aussi, ce projet nous permet de conserve la foret voisine, 20 ha d'espace naturel qui seront à disposition des élèves pour la sensibilisation à la biodiversité. Et puis, en 2017 quand les terrains ont été vendus par la société de charité Saint Vincent de Paul, on a eu de nombreux appels de promoteurs et aujourd'hui, on pourrait avoir des lotissements à la place d'un collège", se défend Bruno Tauzin, directeur du centre de loisirs de l'ufcv présent sur le domaine de la Frayse.
Construction urgente d'un collège
Au département de la Gironde qui est donc maître d'ouvrage et à la manœuvre auprès de la mairie de Fargues Saint-Hilaire pour mener à bien ce projet, on justifie aussi le choix du site. Les autres sites étudiés ne cochaient pas tous les critères pour la construction d'un collège.
Le domaine de la Frayse a été choisi en 2018. C'est l'année suivante, avec la loi du 24 juillet 2019 qui a modifié les critères de classements des zones humides, qu'une partie du domaine a été classé zone humide, de ce fait zone à protéger de l'urbanisation.
Le Département a été obligé de revoir sa copie pour respecter la législation environnementale. La collectivité a proposé un site compensatoire pour compenser la destruction du domaine de la Frayse.
Sur le fond du projet lui-même, la préfecture de Gironde ne s'est pas encore positionnée. "Quand le dossier sera complet, il sera étudier par les services de la préfecture de Gironde", précise le service communication de la préfecture.
"Et il y aura une seconde enquête publique, probablement en janvier sur l'opportunité de ce pôle éducatif".
De son côté, le Département compte tenir le calendrier.
Les travaux doivent commencer en septembre 2023, pour assurer une ouverture en septembre 2025. Nous avons lancé un plan collège et nous devons nous y tenir.
Anaïs Luquedey, directrice des collèges au Département de la Gironde
"Initialement, un collège a été prévu en 2024 dans le secteur de Fargues, mais nous avons dû revoir le projet pour tenir compte les enjeux environnementaux et c'est normal", explique Anaïs Luquedey.
"Dans le secteur de Fargues, il n'existe pas de lieu assez grand déjà urbanisé. Nous devons nécessairement implanter un nouveau collège quelque part. Il y a urgence. En temps normal, nous faisons tout pour éviter les zones humides. Celle du domaine de la Frayse est limitée et nous la compenserons."
Reste à convaincre les habitants qui demandent une étude complète de l'impact du projet. "Il y avait d'autres endroits selon eux pour construire un pôle éducatif aussi grand, à côté de la déviation par exemple et plus près du centre bourg où se trouve l'école primaire actuellement".