Une prime pour récompenser ceux qui n'ont pas recours aux arrêts maladie à la mairie de Saint-Loubès

C’est une idée de la maire de cette commune de Gironde pour pallier l’absentéisme de ces agents communaux. Elle vient d’être votée en conseil municipal. L’opposition s’est abstenue.

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Lutter contre les arrêts maladie de complaisance, et valoriser ceux « qui sont là » et font face à un « surcroit de travail ». C’est l’objectif d’Emmanuelle Favre, la maire de Saint-Loubès en Gironde. Elle vient de faire adopter une prime nommée Complément Indemnitaire Annuel.

Une telle mesure ne comporte-t-elle pas des risques ? Notamment concernant la défense des plus vulnérables qu’il s’agisse de fragilité financière ou médicale ? « La prime arrangera qui ?», interroge une fonctionnaire de la commune. « Celui qui va venir à quatre pattes travailler pour avoir la prime à la fin de l’année ? Je ne pense pas que ce soit la bonne solution pour garder du personnel en bonne santé ».

Valoriser ceux qui « sont là pour le service public »

« Evidemment, il y a bien d’autres actions qui peuvent améliorer la présence au travail et tout le travail autour du bien-être, l’échange, la collaboration entre la hiérarchie et ses équipes », explique Emmanuelle Favre, maire de Saint-Loubès.

Mais ce qui nous semblait déjà important, c’est de valoriser le surcroit de travail que génère l’absence d’un agent.

Emmanuelle Favre

"Puisque ce sont ses collègues qui, en son absence, compensent ce travail. Et donc de pouvoir valoriser positivement (sans sanctionner ceux qui sont absents bien sûr pour des raisons tout à fait justifiées) ceux qui sont là en ayant un surcroit d’indemnité. Puisqu’ils sont là, ils remplacent leurs collègues pour partie, ils forment les remplaçants lorsque des remplaçants sont là. Donc ils ont un travail qu’il faut valoriser. Ils sont là pour le service public. Et nous souhaitions avoir ce côté motivation dans cette indemnité ».      

Mode de calcul de cette prime

A priori, les trois quarts des agents municipaux devraient être éligibles. Cette prime sera de 800 euros si l’agent n’a pas dépassé quatre jours d’arrêt au cours de l’année. Elle passera à 40% de cette somme s’ils s’absentent entre 5 et 9 jours ouvrés. Entre 10 et 12 jours d’absence, ne seront plus versés que de 10% de la prime. Enfin, au-delà de 12 jours d’absence, il n’y aura plus aucune « récompense ».  

Quels types d’arrêts maladie sont concernés ? Les congés spéciaux, liés à un décès ou à la parentalité, ou un enfant malade, et ceux en lien avec un accident du travail ne seront pas comptabilisés. En revanche, les absences relevant d'une maladie ordinaire et même celles pour une longue maladie le seront.

« Celui qui a un cancer, celui qui est greffé, celui qui a un suivi au CHU, il sera obligé d’y aller et de partir se soigner »

nuance Catherine Bernaleau

La déléguée FO du personnel de la mairie a été consultée par la mairie dans le cadre d’un comité technique. Elle est pour l’instant « réservée ». Car à ses yeux certains agents seront doublement pénalisés. « Ceux qui sont malades, ceux qui ont des pathologies médicales et qui s’absentent auront moins que les autres qui peuvent notamment travailler en télétravail.

"Il y a beaucoup de choses qui rentrent en jeux à discuter ».

Catherine Bernaleau

Une prime « rentable » pour la commune

Une étude a été menée sur 126 agents municipaux par la compagnie d’assurance de la mairie. Et selon celle-ci, la ville a été touchée l’année dernière par un taux d’absentéisme de 20% de ses agents communaux. « 19,6% de temps perdu sur la collectivité », précise l’édile.

« Si on cumule ces arrêts, cela correspond à 25 agents absents en permanence sur l’année 2021. C’est une dégradation par rapport aux années précédentes qui n’étaient déjà pas favorables. Et cela nous coûte puisque la collectivité s’assure par rapport à l’absence de ses agents. Et donc on a aujourd’hui une surprime de notre assureur ». Une surprime de 50 000 euros. Résultat : la commune verse 310 000 euros annuels à son assureur.

Il faut savoir que lorsqu’un agent municipal est en arrêt maladie, son salaire lui est versé par l’assureur de la mairie et non pas par la sécurité sociale. La commune a à sa charge le financement de son remplaçant.

Et les dépenses réalisées l’année dernière pour remplacer les agents ont été évaluées à près de 590 000 euros. Pour la mairie, le calcul a été vite fait. Puisque la prime, nommée Complément Indemnitaire Annuel (CIA), va lui coûter aux alentours de 70 000 euros. « Donc, on espère effectivement que le bilan soit favorable », conclut la maire.    

« A un moment donné il ne faut pas se demander pourquoi on tombe »

Stephanie Mégrier est cantinière, ou plutôt  agent technique à la cuisine centrale de Saint-Loubès depuis de nombreuses années. Selon elle, ses conditions de travail ne cessent de se dégrader. Et l’annonce de la mise en place de cette prime n’est pas pour l’apaiser. « On va être encore stigmatisé parce qu' il y en aura qui ne seront pas malades et qui auront la prime », attaque-t-elle.

« Travailler dans la fonction publique ce n’est pas facile", poursuit-elle. "C’est un métier qui est très fatiguant et qui n’est pas du tout revalorisé par l’Etat. Et à un moment donné, il ne faut pas se demander pourquoi on tombe. Les filles ont de plus en plus de problèmes de santé. Pourquoi ? Parce qu’on nous laisse de côté (…). Le travail reste le travail. La pénibilité reste la pénibilité. C’est un travail manuel. Il faudra toujours du personnel. Mais ils continuent à nous enlever du personnel. Ce n’est plus possible ».    

La fin des systèmes dérogatoires

Si Stéphanie Mégrier est en colère, c’est parce qu’elle dénonce la perte progressive de ses acquis. Car cette prime intervient dans le cadre de la réforme du régime indemnitaire des fonctionnaires de l’Etat (RIFSEEP) lancée en 2014. Celle-ci imposait des mettre en place un Complément Indemnitaire Annuel.
La commune de Saint-Loubès a décidé de se mettre dans les clous en mettant, à rebours, en place ce complément de salaire. Chaque commune avait le choix de définir la raison de cette prime. Saint-Loubès a choisi la corréler au « présentisme ».

Cette réforme du régime indemnitaire des fonctionnaires d’Etat a d’autres conséquences sur le quotidien de la cantinière. Depuis le 1er janvier dernier, plus aucun système dérogatoire n’est toléré : 1607 heures annuelles doivent être travaillées par tous les fonctionnaires d’Etat. C’est ce qui a, entre autres, entrainé la grève des éboueurs à Marseille. Pour Stéphanie Mégrier, cela s’est traduit par la perte de quatre jours non travaillés.

« Et donc à un moment donné il faut qu’on se lève et qu’on se bouge. Les générations futures vont se retrouver dans une situation difficile et qui n’est pas acceptable ».

Stéphanie Mégrier

« On va partir à la retraite avec quoi ? 600 euros de moins ? C’est comme ça qu’on veut nous faire vivre notre retraite nous les anciens (…) ? Alors la prime en fin de compte c’est ça… on reviendra travailler malade pour se dire on va quand même avoir la prime ». La mairie assure qu'elle fera un bilan au bout d'un an pour analyser la pettinence de cette prime.

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