La thèse officielle du suicide du ministre Robert Boulin battue en brèche par un nouveau rapport d'experts

Ce nouveau rapport bat en brèche la version officielle. Elément déterminant : les experts ne concluent pas de "manière formelle" à la mort par noyade. La fille du ministre et député de Libourne justifie son combat : "la justice doit se grandir à faire la vérité dans cette affaire".

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C'est une affaire d'Etat des plus complexes. Mais la détermination de la famille de Robert Boulin est intacte. Ce rapport d'experts était très attendu. Il écarte la thèse du suicide de l'ancien ministre de Valéry Giscard d'Estaing, par ailleurs girondin, et élu député de Libourne.
Un tournant pour l'avocate de la fille du ministre, Fabienne Boulin. "Aucune décision de justice ne pourra être motivée par le suicide par noyade" résume maître Marie Dosé. " La thèse est écartée alors qu'elle a pourtant été asséné judiciairement. Cette thèse officielle de suicide par noyade était d'abord la thèse politique, et ensuite c'est ce que la justice a affirmé. C'est terminé maintenant. " De fait, à en croire le rapport, les autorités de l’époque n’auraient jamais dû conclure à un suicide par noyade.

Cette nouvelle expertise démontre que Robert Boulin "a été victime de violences volontaires ayant provoqué une fracture du nez récente et concomitante au décès". La version officielle donnée à l'époque, c'est-à-dire le suicide par absorbtion de Valium et noyade, s'effrite donc un peu plus. Fabienne Boulin est toujours aussi déterminée à connaître la vérité malgré les obstacles. 

Je me heurte depuis 41 ans avec autant de difficultés à une machine qui ne veut pas avouer ce crime. C 'est tellement énorme l'affaire Boulin, ils jouent avec le temps, ils espèrent que je mourrai bientôt, que les témoins mourront, d'ailleurs ils ne font pas la reconstitution qu'on leur a demandé déjà depuis quelques années.

Fabienne Boulin-Burgeat - fille de Robert Boulin -

Le 30 octobre 1979, l'ancien ministre originaire de Gironde, député de Libourne, était retrouvé mort dans un étang de la forêt de Rambouillet (Yvelines), à l'âge de 59 ans. 
Il est enterré à Villandraut, dans le sud du département. 

Quarante-et-un ans après, le voile se déchire

Les experts ont travaillé durant onze mois. Ce nouveau rapport d’expertise médico-légale a été réalisé à la demande de la famille et produit dans le cadre de l’information judiciaire toujours en cours.
La famille met en avant cet élément incontestablement nouveau : " Concernant les coups portés à l’ancien ministre, révélés par la seconde autopsie, le nouveau rapport d’expertise acte l’existence désormais incontestable d’une fracture de la portion nasale du maxillaire supérieur gauche.

Les experts précisent ainsi que « compte tenu de l’absence de cal visible », la fracture était récente et concomitante au décès. Par ailleurs, si les experts assurent que la fracture n’a pu contribuer seule au décès, elle a été provoquée par « un choc direct » secondaire « soit à une chute, soit à un heurt par objet contondant ».

 

Ce rapport pointe des lacunes et l’absence d’exploitation d’éléments cruciaux.  En cela, il représente un tournant majeur dans le combat pour la recherche de la vérité sur les circonstances de la mort de Robert Boulin."

Fabienne Boulin et Maître Dosé - communiqué de presse -
 


Les lacunes de l'enquête

Ces lacunes sont dénoncées depuis des années par celle qui ne croit absolument pas au suicide depuis le début : Fabienne Boulin. Elle qui poursuit ce combat judiciaire sans relâche et qui regrette les lenteurs de la justice.
Depuis septembre 2015, une nouvelle information judiciaire a été ouverte au Tribunal judiciaire de Versailles. Des témoignages jusqu’alors écartés ont remis sérieusement en cause la thèse officielle. Il en est ainsi de celui du docteur girondin, Daniel Jault, qui a participé à la seconde autopsie du corps du ministre, et de celui du docteur Bourbonnais, médecin urgentiste jamais auditionné avant 2016, pourtant arrivé le premier sur les lieux avec trois pompiers.

"On a tous pensé que c'était une liquidation"

Dans un entretien au journal Sud-Ouest, le docteur Jault a déclaré : "On a fait avec ce qu’on avait. C’est-à-dire pas grand-chose. Le corps avait été embaumé. Le travail avait été bien fait, il ne restait rien. Les poumons avaient disparu et le cerveau n’avait pas été conservé.

Il aurait pourtant pu nous apporter des éléments intéressants. Là encore, cette non-conservation est complètement inhabituelle. Mais il avait le visage tuméfié, et je ne pense pas qu’il se soit cogné contre sa voiture.
Et puis, il y a cette fracture du maxillaire dont on ne peut évacuer le caractère vital. J’assistais les deux médecins désignés. On a tous pensé que c’était une liquidation claire et nette."



En 1979, la première autopsie du corps de Robert Boulin a été réalisée dans les pires conditions. La famille relève que " les experts ayant obéi notamment au procureur de la République leur intimant de ne pratiquer aucun examen sur le crâne de la victime.
 

Les premiers experts concluent au suicide...

Les premiers experts se sont donc contentés de confirmer les conclusions hâtives des autorités politiques et judiciaires de l’époque, et donc le prétendu suicide du ministre par noyade en ces termes : « L’enquête a formellement établi que le décès de Monsieur Robert BOULIN est consécutif à un suicide par noyade précédé d’une forte absorption de Valium. Les médecins constatent un œdème hydroaérique du tissu pulmonaire accompagné de la présence d’eau à l’intérieur de la cavité gastrique. (…).

Ces conclusions sont celles habituellement observées dans les cas d’asphyxie par submersion. (…) Les lésions constatées au visage peuvent avoir été provoquées par une chute antérieure à la
mort et ne sont pas suffisantes pour envisager l’hypothèse de violences volontaires préalables »."

... avant d'être remise en doute

La seconde autopsie de 1983 sème donc le doute A l'époque, les experts légistes ont conclu que l’hypothèse de la mort par submersion était acceptable mais non démontrée, et regrettaient l’absence d’examens des prélèvements anatomo-pathologiques et toxicologiques. "Or, ces prélèvements se sont volatilisés pour certains et ont été volés ou détruits à l’Institut Médico-Légal pour les autres." rappellent Fabienne Boulin et son conseil. 

L'espoir : connaître la vérité

Au final, la famille retient ce qu'elle a toujours supposé :" les conclusions expertales démontrent que le ministre en exercice a été victime de violences volontaires ayant provoqué une fracture du nez récente et concomitante au décès, que le ministre a été, soit violemment poussé face contre terre, soit a été frappé avec un objet contondant au visage.
 

Ces violences ont nécessairement eu lieu ailleurs qu’à l’Etang Rompu puisqu’aucune trace de sang n’a été retrouvée à proximité de la découverte du corps du ministre.
Tout porte donc à croire que le corps de Robert Boulin a été déplacé après sa mort pour être jeté dans cet étang comme le fait présumer la position incongrue des lividités cadavériques.

Communiqué de la famille Boulin

Des dizaines de témoins attendent d'être entendus

Des interrogations subsistent. Fabienne Boulin a sollicité  une demande de complément d’expertise. " Madame Fabienne Boulin attend désormais que les magistrats saisis prennent enfin la mesure de l’importance cruciale que revêt cette affaire dans l’histoire de la cinquième République et fassent leur travail. 
Elle rappelle que des dizaines de témoins attendent toujours d’être entendus et qu’aucune reconstitution n’a été réalisée dans le cadre de l’instruction alors qu’elle est demandée depuis cinq ans désormais. Certains témoins sont décédés, d’autres ne sont plus en état d’être auditionnés. "
conclut ainsi le communiqué.
Fabienne Boulin veut encore y croire : "Ça gêne parce qu'on ne veut pas reconnaître combien la France s'est comportée d'une façon éhontée. Enfin maintenant j'aimerais qu'elle se comporte mieux."

"La vérité, je la connais, je sais qu'il a été assassiné, je sais qu'il a été tapé ( .. ) Je comprends bien ce qu'il s'est passé. Je reste quelque part un peu gaullisme dans l'âme et je pense quand même que la justice doit se grandir à faire la vérité dans cette affaire, j'aimerais que mon pays soit à la hauteur de ce que j'attends de lui."

Le mobile, il est politique. je sais bien moi ce que c'est... Cet homme gênait, c'est tout. Il gênait le clan Chirac, et Chirac était prêt à tout. On a beau lui prêter un tas de qualités, il était prêt à tout pour le pouvoir. Il y avait un entourage à la Pasqua qui était capable d'entendre ce qui était bon ou pas bon pour son patron.

Fabienne Boulin

Une seconde magistrate vient d'être nommée pour travailler avec le magistrat instructeur du parquet de Versailles. 
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