Pesticides : le conseil d'Etat valide les épandages près des habitations pendant la crise du coronavirus

Le ministère de l’agriculture a autorisé l'utilisation de pesticides à 3 ou 5 m d'habitations, sans attendre la charte de bien-vivre censée l'encadrer. Dans son ordonnance du 15 mai, le conseil d'Etat valide les dérogations accordées pendant la crise pour réduire les distances de sécurité.

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Finalement, les agriculteurs peuvent continuer d'utiliser les produits phytosanitaires en Gironde jusqu'au 30 juin, dans les conditions habituelles qui prévalent jusqu'à présent.
Pour le Conseil d’Etat, les épandages peuvent se poursuivre près des habitations malgré le Covid-19, dès lors qu'une charte est en discusssion. C'est le sens de son ordonnace rendue ce vendredi 15 mai. Un ordonnance donc défavorable aux associations de défense de l'environnement. 

Bras de fer

Le 30 mars dernier, le ministère de l’agriculture publiait un communiqué  sur son site, indiquant 

« Par dérogation, jusqu’au 30 juin 2020, la réduction des distances à 5 et 3 mètres sera possible dans les départements dès lors que la concertation aura été lancée – sans attendre sa validation -, et que les agriculteurs utilisent du matériel performant tel que défini par arrêté ministériel (voir la circulaire du 3 février 2020). »

La Gironde, terre de viticulture est concernée au premier rang. Dans leur  charte de bien-vivre, les agriculteurs ont formalisé leurs engagements à l’échelle du département.  Ils s'engageaient notamment à pulvériser à trois mètres à condition d'utiliser du "matériel le plus performant sur le plan environnemental", en particulier des pulvérisateurs dotés de buses anti-dérive. 

La charte devait être soumise à consultation publique, la préfecture devait ensuite la valider. Mais le confinement avait empêché la tenue de la consultation publique. C’est en ligne que les Girondins avaient pu s’exprimer du 30 avril au 30 mars. Deux associations girondines avaient d'ailleurs contesté la méthode. 

En Gironde, la consultation en ligne est achevée. Environ 1000 contributeurs ont réagi. La Chambre d'agriculture les étudie. Elle transmettra son dossier à la préfecture début juin.
 


Exposition aux pesticides pour les habitants confinés


Un processus de concertation contesté donc que le ministère de l'agriculture met entre parenthèse. Sa dérogation permet  "de passer outre" s’indigne Générations Futures. Avec huit autres associations, elle avait déposé deux recours devant le Conseil d'Etat qui a donc tranché ce vendredi 15 mai, les épandages restent possibles dans ces conditions. 

Il suffit d’un simple projet de charte pour pouvoir pulvériser des produits toxiques à des distances encore plus faibles des habitations et des riverains qui y sont confinés, et ce jusque fin juin, période durant laquelle les épandages sont nombreux ! 

Une inquiétude partagée par la Confédération paysanne. Dans un communiqué, le syndicat ironise sur l’attitude du ministère de l’agriculture qui a "délivré, sous prétexte de coronavirus, une dérogation générale au dispositif que lui-même avait proposé ! "

Dominique Techer, son président, parle d’un "blanc seing" accordé aux agriculteurs. 

C’est open bar pour cause de coronavirus » alors que « la saison est bien engagée. Il y a pas déjà pas mal de plaintes de riverains. La situation climatique est très délicate. Les viticulteurs qui ont besoin de protéger leurs vignes sont très stressés et ont peur que le mildiou ne se déclenche. On leur donne une sorte de blanc seing.

Le Collectif Info Médoc Pesticides et Alerte Aux Toxiques relaie sur les réseaux sociaux les annonces de traitement de viticulteurs, une minorité, qui les communiquent. Marie-Lys Bibeyran confirme recevoir de nombreuses questions de riverains : "comment puis-je savoir quel est le produit épandu ? Est-ce bien normal que mon voisin traite à nouveau ?" .... 

Avec le confinement et depuis lundi, le télétravail qui se poursuit,  des familles entières sont confrontées  à l'exposition aux pesticides. Elles avaient moins conscience de la fréquence et de la nuisance de ces épandages. 


L'association de défense de l'environnement Générations futures estime ces épandages plus dangereux encore pendant l'épidémie de coronavirus :

Une exposition chronique à la pollution de l’air est considérée par ATMO-France comme un facteur aggravant les conséquences d’une infection par le Covid 19. Il serait justifié, dans de telles circonstances sanitaires, d’éloigner les pulvérisations de pesticides des domiciles des riverains des zones cultivées.

Utilisation de produits ne disposant plus d'autorisation

Plus que la distance, la confédération paysanne stigmatise les produits utilisés. Le syndicat agriculteur défend l’abandon des pesticides et a refusé de signer la charte de bien vivre en Gironde
Elle n'interdit pas l'utilisation de certains produits ne disposant plus d'autorisation de mise sur le marché, parce qu'ils sont classés CMR1 ( cancérigène, mutagène, reprotoxique avéré) relève la confédération paysanne : 

C'est le cas des produits utilisés à l'école de Villeneuve de Blaye en 2014 et qui avaient causé des dizaines de malaises parmi les enfants. Un délai de grâce est accordé pour leur utilisation d'année en année.

Tout comme Générations Futures, le syndicat dénonce une "parodie de démocratie citoyenne".

On nous laisse parler, et à la fin, c’est la FDSEA  qui décide et la préfète qui validera. Nous, on fait 25 % des voix. La Coordination rurale, la moitié. On est aussi de la profession.


Selon Dominique Techer, porte-parole du syndicat agricole en Gironde,  les viticulteurs ne redorent pas leur image alors qu'ils souffrent d'une mévente notamment dans le Bordelais depuis mars 2018 : 

 Plus on retarde,  plus c'est difficile de bouger, plus il y aura de la casse. Quand vous faites une promesse, vous profitez d'un quart d’heure de grâce mais si la promesse n'est pas pas tenue, c’est terrible. 


Plutôt que l'achat de nouveaux matériels comme les pulvérisateurs avec buses anti-dérive,  la confédération paysanne encourage les reconversions en agriculture biologique. Il s'appuie sur une étude menée en janvier 2020 par ATMO-Nouvelle-Aquitaine qui "a mis en évidence que les substances actives retrouvées dans des prélèvements réalisés dans le Nord du Médoc à St-Estèphe étaient aussi retrouvées à des taux très élevés dans les prélèvements réalisés au jardin botanique à Bordeaux centre à plus d’une heure en voiture et plus de 60 km de distance". 
 

"A quoi ca sert de faire des études, on ne tient pas compte des résultats. Ça va finir comme l'amiante. On a détecté, on connaît les effets et on ne fait rien" déplore Dominique Techer. 

 
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