Le Grenelle sur les violences conjugales s’est terminé ce lundi 25 novembre. Après trois mois de travail, le gouvernement présente une cinquantaine de mesures et souhaite débloquer 360 millions d'euros pour lutter contre les violences conjugales.
Le Grenelle avait été lancé, en septembre dernier, à l’initiative de NousToutes, pour résoudre la problématique des violences conjugales. Trois mois plus tard, une cinquantaine de mesures ont été présentées au gouvernement, pour lutter contre ces violences. 4 500 personnes ont été mises à contribution.
Avec 138 féminicides selon le collectif Féminicides par conjoints ou ex, et plus de 220 000 femmes victimes de violences (Observatoire national des violences faites aux femmes), les mesures étaient largement attendues par les associations. Mais ce lundi, elles "restent sur leur faim", selon Annie Carraretto, co-directrice du Planning Familial, même si elles s'attendaient à ce résultat.
C'est un remake de l'année dernière. Il y a un effet d'annonce, mais la situation ne fait qu'empirer parce que rien n'est vraiment mis en place. Ce que l'on voulait c'était qu'ils nous disent comment ils allaient mettre en place les mesures existantes. Pas en rajouter de nouvelles.
Annie Carretto
À Bordeaux, plusieurs collectifs se sont donné rendez-vous devant la Préfecture, lundi midi, en préambule d'une audition avec la directrice de cabinet de la Préfète, Fabienne Buccio. Une plaque en hommage aux victimes a également été dévoilée.
Agir à la racine
Parmi les mesures du gouvernement, l’éducation a une place importante. Les professeurs auront désormais l’obligation de suivre une formation pour enseigner l’égalité entre les filles et les garçons et détecter les cas de violences. Pourtant, cette formation, optionnelle, existe déjà depuis 2010.
"Même concernant l'éducation aux enfants : une loi existe depuis 2001 pour avoir trois séances par an sur l'égalité hommes-femmes, et elle n'a jamais été appliquée", se désole Annie Carraretto.
Le gouvernement va notamment débloquer, en 2021, un milliard d’euros en faveur de l’égalité hommes-femmes, dont 360 millions à destination de la lutte contre les violences conjugales. Ce budget est finalement le même que celui alloué en 2019.
Meilleure prise en charge ?
80 intervenants sociaux vont être déployés dans les commissariats et les brigades pour mieux prendre en charge les victimes qui s’y présentent. Prévue pour 2021, il s’agit d’une hausse de 30 %.
Une fois la plainte déposée, ou les premiers soins octroyés, les solutions de moyennes et longues durées sont rares. Ainsi, 1000 nouvelles places d’hébergement d’urgence vont être mises à disposition. Un chiffre insuffisant pour les associations qui accompagnent les victimes.
"Rien qu'au niveau de la Gironde, il nous faudrait 400 place pour répondre à la demande. C'est du saupoudrage. Ce genre d'annonce laisse espérer aux femmes qu'il existe des solutions. Cela les pousse à agir pour s'en sortir, mais une fois dans le processus, il n'y a rien pour concrètement les aider", explique Annie Carraretto.
Le 3919, numéro d’appel d’urgence, a reçu depuis septembre près de 600 appels par jour, contre 150 avant la rentrée. Il sera désormais accessible 24h/24 et 7j/7 pour faire face au nombre croissant d’appels.
Les médecins pourront parler
Le secret médical, qui aujourd’hui assure la confidentialité entre le médecin et son patient, pourra être aménagé, sans l’accord du patient, en cas d’urgence et si les violences risquent fortement d’être renouvelées. "Un instrument pour alerter efficacement", avance Edouard Philippe. Ce dispositif existe déjà en cas de danger de mort, une situation similaire à cette nouvelle clause.
Rendre justice
Dernière étape dans la prise en charge, la condamnation. Le gouvernement a annoncé l’ajout d’une circonstance aggravante pour les auteurs de violences qui ont entraîné le suicide de la conjointe.
La notion d’emprise sera également introduite dans le code pénal et civil, qui concerne principalement les violences psychologiques, précédant souvent les atteintes physiques.
Les meurtriers verront leur autorité parentale suspendue dès l'enquête pour homicide conjugal. Elle pourra être aménagée ou suspendue en cas de violences conjugales. La mesure devrait être mise en place dès janvier 2020.
Pour protéger les victimes de potentielles récidives, des bracelets anti-approchement ainsi que l’ouverture de deux centres de prise en charge des auteurs sont prévus dans les dispositions gouvernementales. Inspirés du Home des Rosati d’Arras, ces centres seront financés à 50 % par l’Etat.
"Si l'Etat n'est pas capable de débloquer plus de moyen, la priorité reste quand même les victimes. Ces centres seront aussi financés par le Département et la Région, qui eux-même ne connaissent pas encore leur budget. Alors avant de penser aux auteurs, il faut s'occuper des victimes", résume Annie Carraretto.