Interdire l'épandage de pesticides sur 150 mètres près des habitations ? "Une folie", selon le ministre de l'agriculture Didier Guillaume, le 4 septembre 2019. Pourtant, l'idée est défendue par plusieurs associations. La cohabitation est parfois difficile entre riverains et agriculteurs.
Une maison à 15 mètres seulement d’un verger, l'image est apparemment idyllique. C’est pourtant devenu un cauchemar pour Marie-Agnès Michaud, habitante de Nieul, en Haute-Vienne.
Depuis 5 ans, son voisin traite ses pommiers, notamment avec des pesticides. Cette mère de famille a donc peur pour sa santé.
C’est plein de petites contraintes et d'angoisse au quotidien. De l'angoisse par rapport au linge... Peut-on ouvrir les fenêtres le matin ou pas ? Ramasser des fruits du jardin ? Faire un potager ? Pas vraiment... (Marie-Agnès Michaud)
Durant les pulvérisations, la quadragénaire se plaint de l’odeur et de démangeaisons aux yeux. De l’autre côté de la haie, l’agriculteur estime que les produits utilisés sont nécessaires.
Guy Deguingand, exploitant agricole de 27 ans, utilise notamment des fongicides contre les champignons et certains parasites. Elle n'a pas honte de montrer ses produits, qu'il estime peu dangereux pour la santé, "rien à voir avec ce que mon père utilisait dans les années 1970 et 1980 !"
L’exploitant produit près de 30 tonnes de pommes par an. En douze mois, il a effectué cinq traitements chimiques.
Par rapport à la loi, il n'y a pas vraiment d'obligation. Nous avons signé une charte avec la voisine, qui n'est contraignante. Nous avons aussi installé une haie. D'ici à ce qu'elle pousse, la parcelle la plus proche de l'habitation est uniquement traité au pulvérisateur à main. (Guy Deguingand, agriculteur)
L'agriculteur respecte également la réglementation par rapport au vent : pas de traitement dès que la brise fait bouger les feuilles des arbres. "Ce serait de toute façon une perte d'argent si les produits s'envolaient chez les voisins", précise le professionnel.
Des mesures qui lui semblent suffisantes. Pour lui comme pour la Chambre d’agriculture, 150 mètres entre habitations et zones traitées : c’est exagéré.
“C’est un principe de précaution qui est complétement idiot. Aujourd'hui, il y a quand même une maîtrise des produits phytosanitaires”, affirme Bertrand Venteau, président de la Chambre d’agriculture de la Haute-Vienne.
Les citoyens quand ils repeignent leurs chambres, qu'ils utilisent des produits ménagers ou qu'ils tuent des guêpes, c'est beaucoup plus dangereux que l'épandage de produits réalisé par les agriculeurs (Bertrand Venteau)
Pourtant les associations continuent d'alarmer sur les dangers des pesticides, à la fois sur la santé et sur l'environnement.
Toutes les études scientifiques montrent un effet de contamination en fonction de la distance. Si les scientifiques retenaient la distance préconisée dans les études, on parlerait de plusieurs centaines de mètres pour protéger les populations. (Pierre-Michel Périnaud, président de l'association Alerte des Médecins sur les Pesticides)
Le débat public est encore loin d’être tranché.