Entre 2009 et 2013, une entreprise basée à Meuzac, en Haute-Vienne, a stocké de façon illégale plusieurs dizaines de milliers de tonnes de débris de tubes cathodiques. Ces déchets, classés dangereux, doivent être évacués depuis 2 ans. Mais ils sont toujours là.
Soigneusement dissimulés derrière un rideau de verdure, ils dorment depuis plusieurs années : des tas impressionnants de morceaux de verre noirâtres, à même le sol.
Au total : plus de 30 000 tonnes de débris de tubes cathodiques, issus d’anciens téléviseurs.
C’est le journaliste spécialisé Olivier Guichardaz qui a révélé cette affaire en 2017, dans sa lettre d’information « Déchets Infos » destinée aux professionnels et aux collectivités locales.
A Meuzac, en Haute-Vienne, ces déchets ont été stockés par l’entreprise France Verre sur un terrain privé, situé entre deux étangs.
Problème, lors de l’ouverture de cette décharge, l’entreprise a, selon Olivier Giuchardaz, "falsifié les bordereaux de suivi de déchets" en stipulant qu’il s’agissait de verre "ordinaire" destiné à être valorisé.
Sauf qu’il s’agissait de déchets dangereux : ces débris de tubes cathodiques contiennent en effet deux substances toxiques : du baryum et du plomb.
Un montage juridique complexe
Dans un second article publié en octobre 2019, Olivier Guichardaz a remonté le fil de ces déchets dangereux et mis à jour le montage juridique complexe des différentes sociétés et éco-organismes liés à cette affaire : France Verre est une filiale d'une holding Briane Management, propriétaire d'une autre filiale Briane Environnement, une société spécialisée dans le traitement des déchets, basée à Saint-Juéry dans le Tarn...Aujourd’hui, l’entreprise Verre France à Meuzac n’a plus de ligne téléphonique et sa maison-mère, Briane Environnement, n’a pas souhaité s’exprimer sur cette affaire.
Une procédure judiciaire longue
En 2017, la DREAL (la direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement) est alertée par l’article de « Déchets infos ».Une inspection du site confirme la présence de déchets dangereux sur "un site qui n’a pas vocation à les accueillir".
Une mise en demeure pour évacuer ces déchets et sécuriser le site est signée par le préfet de la Haute-Vienne.
Chaque mois, la DREAL réalise des analyses de ces eaux, qui pour l’instant « ne montrent pas d’impact sur l’environnement ».En parallèle, notre deuxième action a été de vérifier que les eaux qui circulaient dans ces déchets et étaient rejetées dans le milieu naturel ne portaient pas de trace des deux substances, explique Julien Morin, chef de l’unité 87 de la DREAL Nouvelle-Aquitaine. Nous avons imposé à l’exploitant de pomper les eaux pour éviter qu’elles soient en contact avec les déchets.
Cela n’empêche pas le journaliste Olivier Guichardaz de s’interroger sur d’éventuels risques sanitaires :
En 2018, une nouvelle procédure a été lancée en partenariat avec les services de l'Etat du Tarn : un arrêté de consignation. Cet arrêté de plus de 5 M€ permet théoriquement aux pouvoirs publics de récupérer directement auprès des entreprises responsables des déchets, la somme estimée pour couvrir les coûts d’évacuation et de traitement des déchets et de remise en état du site.Le plomb a tendance à quitter le verre, notamment quand il est en milieu acide. En Haute-Vienne c’est plutôt du granit, donc des sols acides. On peut donc se poser la question de savoir si cela n’a pas libéré des atomes de plombs dans le sol.
De son côté, le maire de Meuzac semble assez démuni dans cette affaire. Il préfère s’appuyer sur les compétences de la DREAL :Cela va ouvrir d’autres possibilités de recherche de responsabilité des producteurs de déchets et éventuellement des éco-organismes qui ont mandaté ces producteurs de déchets, conclut Julien Morin.
Mais la bataille juridique s’annonce longue et en attendant ces déchets dangereux restent à Meuzac.On est sur un dossier éminemment technique, assure Christian Redon-Sarrazy. En tant que maire je me réserve le droit de préserver les intérêts de la commune puisque là on est semble-t-il dans une phase qui entame une action judiciaire envers ces sociétés.