Alors que les États-membres de l'UE doivent voter, le 13 octobre 2023, sur la proposition de la commission européenne de prolonger l'utilisation du glyphosate pour dix ans, France 3 Limousin ouvre le débat sur le dossier de cet herbicide controversé dans son rendez-vous mensuel "Droit de Cité".
LE CONTEXTE
La Commission européenne a proposé le 20 septembre 2023 aux États membres de renouveler pour dix ans l'autorisation du glyphosate dans l'UE alors que son autorisation va expirer mi-décembre 2023. Pour justifier cette prolongation, la Commission s'appuie sur l'Autorité européenne de sécurité des aliments qui ne l'estime pas assez dangereux pour justifier une interdiction.
Présent notamment dans le Roundup développé par le groupe Monsanto, cet herbicide controversé est interdit aux particuliers depuis 2019, mais toujours autorisé en agriculture. Il a été classé en 2015 comme "cancérogène probable" pour les humains par le Centre international de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). En 2021, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) avait aussi estimé que les études scientifiques publiées sur le sujet confirmaient un lien entre l'exposition aux pesticides et six pathologies concernant le cerveau (maladie de Parkinson), les poumons (bronchite chronique) ou encore la prostate et le système immunitaire, avec des risques de développer des cancers, comme le rappellent nos confrères de Franceinfo.
LE DÉBAT
Faut-il interdire le glyphosate ? C’est la question posée ce lundi 2 octobre 2023 à deux invités :
- Manon Meunier, députée La France Insoumise de Haute-Vienne, membre de la commission développement durable à l’Assemblée nationale
- Sébastien Petitjean, ingénieur agronome spécialisé en écophysiologie des végétaux et directeur de la FDSEA 87
Sébastien Petitjean : "Aujourd'hui, le glyphosate n'est pas considéré comme cancérigène, il est classé comme cancérigène probable, ce qui est une dénomination scientifique pour dire que le risque zéro n'existe pas. Il y a 2400 études scientifiques au cours des cinquante dernières années commanditées par des états, par différents laboratoires, donc on ne peut pas dire que ce sont les fabricants qui ont commandité ces études. (...) Je ne suis pas inquiet pour la santé des agriculteurs. Je défends leurs intérêts et s'il y a des alternatives économiquement viables au glyphosate, nous y allons, il n'y a aucun souci".
S'il y a des alternatives économiquement viables au glyphosate, nous y allons, il n'y a aucun souci.
Sébastien Petitjean, directeur de la FDSEA 87, ingénieur agronome
Manon Meunier : "Je voudrais qu'on amène les solutions politiques pour la sortie des pesticides, car c'est aussi une question économique. Aujourd'hui, il existe des solutions techniques, nous disent les scientifiques. Les représentants agricoles que j'ai auditionnés en tant que co-rapporteuse d'une mission parlementaire nous disent qu'on peut sortir des produits phytosanitaires, mais il nous faut des prix rémunérateurs".
Il faut un modèle viable pour notre agriculture et pour cela, il faut réorienter les subventions publiques qui aujourd'hui nourrissent directement un modèle d'agrobusiness, mais laissent sur le carreau nos paysans limousins
Manon Meunier, députée LFI de Haute-Vienne
ET APRÈS ?
Cette proposition de prolonger son utilisation de dix ans fera l'objet d'un vote par les représentants des 27 États membres le 13 octobre 2023.
Début septembre, le ministre français de l'Agriculture, Marc Fesneau, déclarait à Ouest France que Paris soutiendrait la décision de l'UE. "Nous faisons confiance à la science, aux études qui disent que le glyphosate ne pose pas de problème cancérigène"
De son côté, Stéphane Séjourné, secrétaire général de Renaissance et président du groupe Renew au Parlement européen, jugeait le 21 septembre 2023 sur France Inter cette proposition "pas acceptable". Les 27 États membres doivent encore voter cette proposition le 13 octobre, mais "à ce stade, s'il n'y a pas de modification de cette proposition, on votera contre", affirme Stéphane Séjourné.
Le président de la République, qui avait affiché sa volonté d'interdire ce pesticide controversé, a depuis beaucoup évolué sur la question.