Unitairement, les syndicats de cheminots ont annoncé une grève le 21 novembre, suivie d'un autre mouvement reconductible à partir du 11 décembre afin de dénoncer le démantèlement de Fret SNCF. L'entreprise leader du fret ferroviaire en France va disparaître le 1ᵉʳ janvier 2025 pour renaître sous la forme de deux sociétés distinctes. Les syndicats demandent un moratoire. Mais qu'en est-il du fret ferroviaire en Limousin ?
Dans le Limousin, le fret ferroviaire a connu ses heures de gloire. Comme un peu partout en France. En 1984, le fret ferroviaire français transportait 57,7 milliards de tonnes par kilomètre, contre 32 milliards en 2018.
"Le transport passe par Tours pour rejoindre Bordeaux !"
Notre région n'est pas épargnée par ce déclin, loin de là. Il n'y a plus que deux entreprises qui utilisent le train pour le transport de leurs marchandises.
L'un deux est affrété par Imerys Ceramics France, qui exploite le feldspath des carrières de Montebras dans la Creuse. Le train part de Soumans et transporte les minerais en Italie, quatre fois par semaine, pour la fabrication de carrelage.
La carrière de Pagnac à Verneuil-sur-Vienne utilise le train pour transporter le ballast. Mais avec un écueil de taille : la fermeture de la ligne entre Saillat et Angoulême. "Le transport passe par Tours pour rejoindre Bordeaux !", indique Jean-Marc Lahouse, le secrétaire général adjoint de la CGT cheminots du Limousin.
Il n'y a pas si longtemps, les entreprises étaient plus nombreuses à utiliser le train. Il y avait le pétrolier Picoty dans la Creuse, Proval et ses métaux sur la zone industrielle nord de Limoges, la papeterie de Saillat qui faisait venir du bois, Primagaz à Saint-Priest-Taurion, la filière bois à Bouganeuf.
En 2001 : 1,7 tonne de marchandises ont transité par le Limousin.
Ouverture à la concurrence
Les voies existent toujours. Mais sont en partie tombées à l'abandon, par manque d'entretien. En cause ? L'ouverture à la concurrence en 2004, dénoncent les syndicats. "La SNCF a augmenté ses tarifs de 20 à 30%, les clients se sont éloignés, c'est devenu trop cher, et les clients étaient obligés de prendre un train complet", se souvient Jean-Marc Lahouse, de la CGT Cheminots.
Les investissements sur les voies ont été peu à peu arrêtés, et les besoins ont changé. "Les lignes datent de 1905, indique le syndicaliste, les bassins de production ont évolué, pour relancer le fret, il faut une vraie politique sur le long terme. Mais quand on fait une voie, c'est pour 100 ans."
Des promesses
En 2023, en France, la part du transport ferroviaire représente 8,9 % du transport intérieur terrestre de marchandises, d'après le Ministère de l'Ecologie, qui précise "la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire qui a pour ambition de redynamiser le transport ferroviaire de marchandises vise à doubler la part modale du fret ferroviaire d'ici à 2030."
Pourtant l'un des symboles de cette reprise n'a pas tenu bien longtemps. Le célèbre "train des primeurs", qui reliait Perpignan à Rungis, en passant par Limoges, est à nouveau à l'arrêt. Relancé le 22 octobre 2021, après deux ans d'interruption, il a effectué sa dernière rotation le jeudi 27 juin 2024, avec beaucoup d'incertitude sur son avenir.
Un train = 50 camions
Mais alors que le fret ferroviaire baisse, le transport de marchandises continue de se développer. Par la route. Et en camion. "Un train fret représente 50 à 55 camions sur nos routes", s'indiqne Jean-Marc Lahouse. Il ajoute "en termes d'usure de la route, le passage d'un camion représente 10 000 voitures", en soulignant le poids financier pour la collectivité. Et les dommages pour l'environnement.
Le grand discours sur l’environnement, il faut réduire les températures, mais dès qu’on parle d’investissement, il n'y a plus personne, on recule.
Jean-Marc Lahouse
D'après les chiffres de 2022 de la DREAL de Nouvelle-Aquitaine, (la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement), 18,9% des véhicules sur les routes nationales de Haute-Vienne sont des poids lourds, contre 17,1% en 2016.
Dans la Creuse, 30,2% des véhicules de l'unique nationale du département, la RN145 qui relie Macon à Royan, la fameuse RCEA, sont des poids lourds. Leur part a augmenté de 10% en six ans.
Le fret ferroviaire émet quatre à dix fois moins de CO2 que la route.