Ali était journaliste. Nagham était hôtelière. Rami, lui, était comptable. Trois existences parmi tant d’autres, bouleversées par la guerre dans leur pays natal, la Syrie. Aujourd’hui, ils ont trouvé refuge à Limoges. Ils reviennent sur une décennie de guerre, de déchirement et d’espoir.
Il y a 10 ans presque jour pour jour, le peuple Syrien se soulevait contre le pouvoir tyrannique de son Président, Bachar el-Assad. Une mobilisation qui va vite s’embraser.
À l’époque, Rami est comptable. Il a terminé son service militaire, il y a près d’un an. Comme beaucoup d’autres jeunes de son âge, il est appelé à rejoindre les rangs de l’armée pour défendre le régime. Mais il refuse. Il ne veut pas avoir à tirer sur ses compatriotes. Ce serait contre ses valeurs.
Sa vie se complique. Il est recherché par les services de renseignements. Constamment menacé, Rami vit dans l’angoisse de se faire arrêter. Il est par exemple contraint de traverser les 10 km qui le séparent de son travail à pied, pour éviter les contrôles militaires. Sa compagne Nagham travaille dans un hôtel. Elle s’inquiète beaucoup pour Rami, mais aussi pour ses enfants.
Quand mon fils partait à l’école, je ne savais pas s’il allait revenir. Car il y a beaucoup de bombardements.
À cette époque, Ali travaille encore comme journaliste pour plusieurs grands journaux nationaux comme Al Watan. Il est aussi caricaturiste. Il voit la situation s’envenimer autour de lui. Tortures, emprisonnements, exécutions… Une cinquantaine de ses proches disparaissent dans les mains du régime. Il se souvient notamment de l’un de ses collègues dessinateur, mort pour une caricature.
Il a été tué sous la torture par ce qu’il a dessiné Bachar. Une nuit, il a publié un dessin sur Internet. Le lendemain, il a été interpellé. Trois mois plus tard, on l’a retrouvé mort.
Face à ces injustices, Ali se sent impuissant. Il ne peut pas remplir son devoir de journaliste en racontant ce qu’il vit au quotidien. Dévasté, il décide de quitter son pays natal pour l’Egypte en 2012.
Exode et espoir
Comme Ali, 6 millions de Syriens ont été contraints de quitter leur pays depuis 2011. A Limoges ils sont une cinquantaine à avoir trouvé refuge. Installé depuis 2014, l’ancien journaliste continue son travail de documentation et de sensibilisation. En 2017, il publie « La Syrie, tous complices… » , un recueil de dessins et de textes sur la guerre en Syrie, ses origines et ses séquelles.
J’ai écrit ce livre pour pouvoir exprimer ce que je ne pouvais pas exprimer là-bas. C’est pour donner l’information et éviter les confusions.
De leur côté, Rami et Nagham ont eux aussi fui la Syrie pour Limoges en 2015. Ils ont décidé de mettre en avant la culture syrienne à leur manière en ouvrant un restaurant de spécialités syriennes, rue de la Boucherie à Limoges.
Derrière son fourneau, Rami se veut confiant. Il sait que le chemin est encore long, mais il espère un jour voir son pays devenir une terre prospère, libre et indépendante. Il s’est juré d’y retourner voir sa famille et ses amis.