Le recours à l'intérim se développe en cette période de crise sanitaire, certaines agences de travail temporaire spécialisées dans le secteur médical et paramédical font face à une très forte demande de la part des établissements hospitaliers privés et publics.
« On gère les urgences », se désole Sophie Delvit, responsable planning d'une agence d'intérim à Limoges. Dans cette agence visitée ce jour-là, les journées se suivent et se ressemblent. Les téléphones n’arrêtent pas de sonner. Au bout du fil des établissements et professionnels de santé en recherche active de personnels disponibles tout de suite et maintenant. Face à l’urgence et l’empressement de son interlocuteur au bout du fil, elle n’a pas toujours des solutions. « C’est souvent des demandes de dernières minutes, regrette Sophie Delvit. Une personne qui est tombée malade, ou une personne qui ne va pas revenir à son poste. En ce moment les établissements, comme nous, subissent énormément les fermetures de classes, les parents qui sont auprès de leurs enfants, alors qu’ils sont censés travailler, cela accroit notre activité. », raconte-t-elle alors que le téléphone n’arrête pas de sonner. Quand les clients les contacte c’est souvent avec « des délais variables, souvent très courts. c’est-à-dire que souvent le matin quand on ouvre le standard on a des demandes de dernières minutes ». Compréhensive, elle ajoute que parfois « on arrive un petit peu à anticiper mais, quand on anticipe, c’est sur une semaine, deux semaines, ça ne va guère plus loin. On gère l’urgence ». La commande qu’on vient de lui passer concerne une mission de 3 jours. Il s'agit de recruter dans l'urgence un aide-soignant. Les principaux clients de cette agence, sont des établissements hospitaliers, des Ehpad, des laboratoires ou des cabinets libéraux, et les appels se multiplient. En Nouvelle-Aquitaine, ce groupe national, a implanté une dizaine d'agences comme celle de Limoges. Toutes croulent sous les demandes.« Pour vous donner une idée, on recrute aujourd’hui plus de 1000 postes dans le médical paramédical en nouvelle aquitaine dont 10% en Haute vienne, affirme Georges Cano, directeur régional d'une agence spécialisée. Sur mes agences de Limoges et de Brive, on recherche principalement des infirmiers et des aides-soignants. Et il est difficile aujourd’hui de satisfaire à 100% les demandes », regrette le directeur.
Métiers en tension
« On propose des contrats qui vont de quelques heures à des périodes beaucoup plus longues, quelques jours, plusieurs semaines et la rémunération, c’est celle qui nous est communiquée par le client, puisqu’il y a égalité de traitement avec les grilles de nos clients. » A la question de savoir s’il est difficile d’avoir des candidats ? Le directeur est catégorique. « Il est de plus en plus difficile d’avoir des candidats. il faut savoir que les métiers sont en tension depuis quelques temps". Et la pandémie est apparemment venue aggraver la situation. "Il y a un déficit d’image sur les métiers du médical et du paramédical qui a rendu le recrutement difficile. La crise sanitaire a accentué ce phénomène et du coup, beaucoup de professionnels ont pensé et ont entamé des démarches pour des reconversions professionnelles. Ce qui fait qu’il y a plus de difficultés à recruter aujourd’hui ces professionnelles. La crise sanitaire a rendu les conditions beaucoup plus difficiles, les personnes sont fatiguées ».Des offres qui explosent, et peu de candidats. A vingt-quatre ans, une infirmière reçue en rendez-vous ce jour-là, a choisi l'intérim, après avoir quitté un CDI dans une clinique de l'Indre. Elle cherchait plus de souplesse et un meilleur salaire. « Ça varie énormément, explique Marie Bessa, infirmière intérimaire depuis un an. Parce qu’avant, sur mon ancien travail je ne travaillais qu’en journée. Maintenant, je travaille beaucoup de nuits. Il m’arrive de travailler beaucoup le dimanche, alors qu’avant j’en faisais peu. » Un choix, qu'elle ne regrette pas. « Dans mon ancien travail c’était beaucoup trop dur, se souvient la jeune infirmière. La charge mentale était assez importante, là on se détache un peu de tout ce qui est l’équipe soignante, de ce qui est administration. On a quelqu’un au-dessus de nous, un cadre médical pour le coup et on est vachement aidé à ce niveau-là. On est beaucoup plus libre. » Des contrats de quelques heures, à plusieurs jours, la jeune infirmière enchaînera ce mois-ci, une quinzaine de missions. « Après ma démission, l’intérim m’a changé la vie, radicalement, se réjouit Marie Bessa. Je n’ai plus de routine, on voit énormément de personnes, on découvre beaucoup de choses, c’est extrêmement enrichissant. Tous les établissements dans lesquels je suis amenée à travailler nous apportent des expériences différentes. C’est parfois difficile, mais par rapport à l’adaptation, mais ça vaut le coup. »
Rythme de travail
Marie Bessa est aussi venue à l’intérim parce qu’elle voulait du temps pour continuer à se former. Chose qui n’était pas possible quand elle était en CDI. « Psychologiquement parlant, on est beaucoup plus serein. On est très bien accueillis au niveau de l’agence, donc forcément, on se sent suivi, on n’est pas seules. Globalement, je me sens mieux. » Un diplôme intitulé - Plaie et cicatrisation - qu’elle a d’ailleurs validé en octobre 2021.
Souplesse
A celles et ceux qui n’en sont pas convaincus, elle tient à démystifier tout ce qui se raconte sur le travail d’intérim. « C’est vraiment une chance pour les infirmières de travailler en intérim. On choisit comme on veut nos horaires. On a un salaire un peu différent, donc ça nous redonne le sourire. S’il y a un endroit compliqué et qui n’est pas adapté pour nous on peut changer, on peut le dire. S’il y a quelque chose qui ne nous convient pas, on le dit. On peut faire évoluer aussi le service, parce qu’avec notre expérience, on arrive à être plus efficace dans le soin. On se détache de plein de problématiques du service du coup on est plus apaisé », détaille la jeune infirmière.
Salaire
Pour calculer les salaires, rappelle le directeur de l’agence, « on se base sur les conventions collectives de nos clients. Il y a une égalité de traitement, donc on applique les grilles communiqués pas nos clients. », sans s’étendre sur le montant des salaires que son agence paye aux intérimaires. C’est l’intérimaire qui finira par donner un peu plus de détails, comme s’il n’est pas aisé de parler argent. « C’est vrai que passer du privé à de l’intérim, je vois une large différence. C’est beaucoup plus intéressant, après il n’y a pas que ça. Il n’y a pas que l’argent qui compte, il y a le fait de se sentir bien dans le travail. » Oui mais combien elle touche ? « Sur 35h par semaine, avec un CDI par exemple, il peut y avoir une grosse marge. Après il faut savoir qu’on a nos congés payés, on a certaines indemnités, qu’on n’a pas ailleurs. Dans l’ensemble, il y a des avantages qui peuvent être équivalents, mais ça peut très vite monter. » Et au bout de la périphrase. « Avant j’avais entre 1700 et 1800 euros. Par rapport à mon ancien travail, je peux gagner entre 500 et 1500 euros de plus », finit par lâcher avec pudeur la jeune infirmière.