Au lendemain du décès de Robert Hébras, sa petite-fille Agathe nous a accordé un entretien. À 29 ans, c'est elle qui doit désormais porter la mémoire familiale.
Agathe Hébras a encore du mal à réaliser la disparition de celui qui a le plus compté pour elle : "Quand j’étais petite, je lui avais dit une fois “J’aimerais mourir avant toi, je ne te verrai pas mourir.” Il n’était pas content du tout… C’était ma plus grande peur, et très longtemps, j'ai cru qu’il ne partirait jamais..."
Un lien inexplicable
Il disait “J’ai eu un fils, je suis content d’avoir un fils, mais je voulais une fille et avec toi, je l’ai. Tu es la personne que j’ai le plus aimée de toute ma vie.” Il m’attendait, je pense. Ça ne s’explique pas, lui ne l’a pas expliqué… Moi, je pense qu’il a fait un transfert avec ses sœurs. Il m’a dit d’ailleurs mardi, - c’est la dernière fois qu’on a pu vraiment parler - il m’a appelée “ma Jojo”. C’était sa sœur.
Agathe HébrasPetite fille de Robert Hébras
VIDÉO. Écoutez ici un premier témoignage d'Agathe Hébras
"On disait souvent qu’on a un lien inexplicable. J’ai des frères et sœurs, il a d’autres petits-enfants, des arrières-petits-enfants, il a un fils… mais Agathe, c'était Agathe, on avait une relation grand-père/petite-fille parce que je l’aidais beaucoup dans son quotidien d’homme de 97 ans, et puis on avait autre chose qu’on a en partie exprimé, l’un à l’autre, mais on est deux personnes très pudiques donc on savait qu’on s’aimait beaucoup, mais on ne se le disait pas vraiment, ou par personnes interposées."
Passage de flambeau
"Son plus grand souhait, c'était que sa parole ne s’éteigne pas et il parlait vraiment de sa parole, la parole de Robert Hébras. Il ne m’a jamais demandé d’incarner Oradour, lui, il incarnait Oradour et la mémoire d’Oradour. Ce n'est pas ce qu’il me demande, il voulait vraiment que sa parole perdure."
Je tiens à pouvoir le protéger parce qu’il craignait les révisionnismes, il y a eu des comportements insultants à son égard donc aujourd’hui je veille beaucoup à ça. Ca fait aussi partie de mes craintes avec son départ, je veux absolument conserver toute son intégrité, sa dignité.
Agathe HébrasPetite fille de Robert Hébras
"C’est aussi pour ça que je m’exprime, même si je me dis que je devrais être dans un deuil plus renfermé, je veux m’exprimer parce que je ne veux pas que ce soit quelqu’un d’autre qui le fasse à ma place et c’est certainement ce qu’il aurait voulu."
Il m’a passé officiellement le flambeau il y a deux ans, mais en réalité, il l’a fait il y a des années. Je pense que quand je suis née, il savait déjà que ce serait moi. On a travaillé ensemble depuis un certain temps donc je me sens plus assurée maintenant.
Agathe HébrasPetite fille de Robert Hébras
"Je sais que maintenant, je vais devoir faire toute seule donc c’est sûrement différent. Il avait compris que je fais les choses différemment, et il en était très heureux. Il y avait des choses auxquelles je réfléchissais et lui non, il y avait des réflexions que je pouvais avoir que lui n’avaient pas eues. On était très complémentaires et il était très content de ça. Juste, je n’aurai plus son aura…"
Un homme simple
Certains disaient qu’il n’était pas humble et qu’il ne faisait pas ça pour les martyrs. Moi, je crois qu’il a toujours fait ça pour ceux qui sont partis le 10 juin. Sa maman et ses sœurs, c’était toute sa vie. Quand il parlait de sa maman, c'était encore un petit garçon donc je crois qu’il l'a vraiment fait pour qu’on n'oublie pas, pour la réconciliation franco-allemande, pour l’Europe, pour les valeurs humanistes, pour la fraternité, la liberté…
Agathe HébrasPetite fille de Robert Hébras
VIDÉO. Écoutez ici un second témoignage d'Agathe Hébras
Un hommage national ?
"Il a énormément travaillé et j’estime qu’il mérite un hommage national. J’ai reçu des centaines et des centaines de messages en 24 heures, les gens sont très touchés, j’ai reçu des messages d’absolument partout, M. et Mme 'Toutlemonde' et des personnalités dont je ne pensais vraiment pas qu’elles pensent à lui (...) Il y a une partie de moi qui voudrait le garder que pour moi et faire quelque chose de très intime, et à la fois, je n’ai pas du tout envie qu’on le laisse partir comme ça, à cinquante, ce n'est pas possible, donc il mérite l’hommage national. J’ai envie de quelque chose en plusieurs temps : une cérémonie “publique et officielle” avec un vrai bel hommage, quelque chose qui soit vraiment à sa hauteur, le plus beau possible... et puis après, il y aura d’autres temps qui seront en cercles plus resserrés, jusqu’à une très stricte intimité sur les derniers instants."
Ces propos ont été recueillis par Laurence Ragon et Nassuf Djailani, journalistes pour notre rédaction France 3 Limousin.