Assises de la Creuse : procès en appel du meurtre d'un SDF à la gare des Charentes de Limoges

Le procès en appel de Lionel Anaïs se tient jusqu'à mercredi 14 septembre aux assises de Guéret. Il avait été condamné à 12 ans en première instance pour le meurtre d'un SDF retrouvé dans la gare des Charentes à Limoges.

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4 décembre 2018. Des habitués des lieux s'avancent dans un hangar de fret désaffecté de la gare des Charentes à Limoges. Abandonné depuis des années, le site abrite alternativement skaters et SDF. Tags sur les murs, vitres brisées, bouteilles vides et immondices jonchent le sol. Couché sur un matelas, un corps dénudé, sans vie, dans un état de décomposition avancée. Dans sa main crispée, un papier de la caisse primaire d'assurance maladie sur lequel figure son nom : Jean-François Vagney. Il avait 38 ans. Un SDF connu des services de police. Sous contrôle judiciaire, il devait pointer régulièrement au commissariat. Pointage interrompu dans le courant du mois de novembre. Personne n'avait signalé sa disparition ni n'a, par la suite, réclamé son corps. 

D'après les premières constatations, le décès remonte à un bon mois. Une mort accidentelle ou naturelle est rapidement écartée par les légistes. L'autopsie pointe une fracture du nez et trois côtes cassées. Mais l'état du cadavre ne permet pas d'établir avec certitude l'origine du décès. C'est le nœud de l'affaire. 

Que s'est-il passé en novembre 2018 ?

Les enquêteurs mettront plusieurs semaines à remonter le cours des événements. En mars 2019, les communications téléphoniques et les mouvements bancaires de la victime orientent l'enquête vers trois suspects. Les deux premiers sont écartés. Le dernier, un homme de 51 ans finit par avouer un différent violent avec la victime. C'est Lionel Anaïs. 

D'après son récit, un soir de novembre, les deux hommes en seraient venus aux mains. Après avoir beaucoup bu, fumé du cannabis et du crack, un conflit éclate. Ce sont notamment des insultes proférées à l'encontre de la mère de l'accusé qui l'auraient fait sortir de ses gonds. Un coup de boule est asséné dans le nez de la victime puis des coups de barreaux de chaise sur ses membres. Lionel Anaïs quitte les lieux en ayant pris soin de délester la victime de ses maigres possessions. Selon ses dires, Jean-François Vagney était encore en vie à ce moment-là. Il est mis en examen pour « violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner » et vol.

Parcours chaotique de l'accusé

Lionel Anaïs a eu souvent affaire à la justice. Sa première condamnation date de ses 20 ans. En 1987, il écope de 18 mois de prison pour vol avec violences. Treize autres condamnations du même acabit viendront étoffer son casier judiciaire. Dernier d'une fratrie de quatre, tous placés par l'aide sociale à l'enfance, il est ballotté entre plusieurs familles d'accueil. Lui-même père de 3 enfants, leur garde lui est retiré au milieu des années 90. Problèmes d'alcool et condamnations multiples ont fait leur oeuvre. Marginalisé, il errait avec d'autres SDF dans les rues de Limoges. 

Un parcours malheureusement presque banal qui illustre encore une fois le naufrage de la prise en charge des enfants placés, beaucoup trop nombreux à atterrir sur cette même case prison. 

En première instance, son avocate avait pointé son enfance très carencée au point de vue affectif. Les insultes proférées à l'encontre d'une mère idéalisée, qu'il n'a presque pas connue expliqueraient son accès de violence.

Mais est-ce vraiment lui qui a donné la mort ?

C'était déjà tout l'enjeu des assises de la Haute-Vienne en décembre 2021. S'il est certain que ses coups ont entraîné les fractures, ont-elle pour autant été létales pour la victime ? Non, estiment les légistes. Sur le papier, une fracture du nez et trois côtes cassées ne sont pas mortelles. De quoi la victime est-elle morte alors ? Hypothermie ? 

Une zone d'ombre, un doute qui auraient pu profiter à Lionel Anaïs. Ça n'a pas été le cas en première instance. Il a écopé de 12 ans de prison. 

Pour ce procès en appel, il incombe désormais à maître Félix Gluckstein de parvenir à instiller ce doute. 

"Un coup de boule et deux coups de bâton dans les bras qui se terminent en cour d'assises avec 15 ans de réclusion criminelle, non ! La victime n'a pas été passée à tabac. Aucun des experts ne va pouvoir affirmer que les coups sont la cause de la mort . Ils vont tous dire : on ne sait pas. Il y a plein de facteurs : l’hypothermie, l'alcool. Quand il y a des experts qui disent on ne sait pas, comment voulez vous que ces conclusions servent au procureur à affirmer que les coups sont à l'origine de la mort ?" s'insurge l'avocat.

L'accusé risque jusqu'à 15 ans de réclusion. Le verdict est attendu mercredi. 

 

 

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