"C'est un dossier de serial-escroquerie" : l'UFC-Que Choisir, partie civile au procès de la société BDPA rénovation

Troisième jour du procès qui fait comparaître le couple quadragénaire à la tête de la société limougeaude et quatorze de leurs salariés pour escroquerie en bande organisée, pratiques commerciales mensongères et, plus grave encore, agressives. Pour l'UFC-Que Choisir, il est rare de voir une telle agressivité commerciale.

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Après l’audition du gérant de fait de la société BTPA rénovation, officiellement directeur commercial car ne pouvant gérer suite à une interdiction d'exercer cette fonction prononcée pour escroquerie à son casier judiciaire, de celle de sa compagne, présidente et gérante de ladite société, c'est, depuis mardi, au tour des quatorze autres prévenus salariés de la société à se succéder à la barre. Ils sont directeurs d’agences, animateurs ou commerciaux, tous renvoyés devant le tribunal correctionnel pour escroquerie en bande organisée, manœuvres commerciales agressives et mensongères.

Ils doivent s’expliquer sur les pratiques commerciales indignes et cyniques de la société. Pour preuve, les vidéos que les salariés tournaient eux-mêmes avec leur téléphone portable quand ils rencontraient leurs clients, mais bien sûr à l’insu de ces derniers.

Un dégoût est ressenti lorsque ces vidéos sont projetées dans la salle. Lors de l’un de ces entretiens, toujours en caméra cachée, un homme âgé est assis à la table de sa salle à manger, il discute en confiance avec le commercial, qui a engagé une conversation conviviale, même intime avec le client : "Vous êtes grand-père ? Oui ? Ah, c’est bien, vous étiez marié alors… Pas divorcé ? Ah et vous n’avez pas cherché quelqu’un ?"

Et la dernière réponse à peine obtenue, celui qui filme glisse le contrat et un crayon sous la main du pauvre homme "Allez, une petite signature pour vous ici Monsieur, c’est pour les travaux qu’on a faits, on reviendra traiter la remontée capillaire, vous aurez comme ça une maison saine". Suivra le carnet de chèques et la rédaction d’un chèque de plus de 5000€.

Ils sont plus de cent clients à ce jour à s’être constitués parties civiles, d’autres se manifestent encore au compte-goutte, on connaîtra le chiffre exact à la fin de la semaine.

Lors de l’enquête, ces personnes étaient près de 230 à se déclarer victimes par lettre-plainte, lorsque tous les clients ont été contactés par les enquêteurs. La plupart de ces personnes n’a pas été entendue personnellement. Une différence notable alors même que déjà, en amont, beaucoup ne se sont même pas déclarés victimes, selon l’avocate de la fédération UFC-Que Choisir.

Ce dossier est atypique par le nombre et le profil de victimes, beaucoup ne se sont même pas manifestées. Certaines personnes sont malheureusement décédées depuis, d’autres éprouvent de la honte de s’être laissé abuser ou ont perdu confiance, même en la Justice.

Magali Buttard – Cabinet Macchetto, avocate au barreau de Paris

La Fédération UFC-Que Choisir se constitue elle-même partie civile pour notamment "atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs" et réclame une somme de 250.000€ à titre de dommages et intérêts. La Fédération du Bâtiment aussi s'est constituée partie civile, pour atteinte à l'image de la profession.

L’avocat du couple périgourdin dirigeant la société BDPA rénovation rappelle, quant à lui, la satisfaction aussi de clients.

1390 clients ont été identifiés dans les bons de commande pendant l’exploitation de la société, entre sa création en 2018 et sa mise en liquidation judiciaire prononcée en janvier 2023. Il ne faut donc pas oublier que beaucoup ont été satisfaits par les travaux réalisés par cette société.

Antony Zborala, avocat au barreau de Limoges.

« J’ai honte, je me demande comment je me suis laissé faire par mon patron »

À la barre, les salariés poursuivis pour escroquerie en bande organisée et pratiques mensongères et agressives se succèdent.

Une animatrice d’équipe, mère de quatre enfants, répond aux questions incisives de la présidente du tribunal correctionnel. Elle prend le cas d’un couple qui a signé pas moins de huit bons de commande, pour des sommes astronomiques, à savoir :

  1. Plus de 17.000€ de travaux le 14.03.2022
  2. Plus de 15.000€ de travaux le 19.04.2022
  3. Plus de 20.000€ de travaux le 20.04.2022 (isolation)
  4. Plus de 11.000€ de travaux le 21.06.2022 (assèchement de terrasse)
  5. Plus de 14.000€ de travaux le 12.09.2022
  6. Plus de 08.000€ de travaux le 15.09.2022
  7. Plus de 15.000€ de travaux le 22.06.2022 (pièges à termites)
  8. Plus de 24.000€ de travaux le 13.09.2022

La présidente, par ses questions, cherche à faire décrire la mise en scène théâtrale bien rodée chez les clients. Elle interroge la salariée : "et vous n’avez pas l’impression que vous abusiez ces personnes ?" Réponse : "Je les ai rencontrés à plusieurs reprises, je n’avais pas l’impression qu’ils paraissaient en état de faiblesse, maintenant oui bien sûr, je ne suis pas fière, mais j’étais sous une telle emprise de mon patron."

Le Procureur intervient : "Vous dites avoir peur de lui et parallèlement vous leur confiez vos enfants à la sortie de l’école ?" La voix de la salariée se noue : "parce que j’avais de bonnes relations avec sa femme, nos filles ont six mois d’écart, c'était quand je restais tard au travail… Mais c’était au début, quand j'ai commencé, parce que rapidement, je n’en pouvais plus, je voulais partir". "Alors, pouquoi n’êtes-vous pas partie ?", interroge le Procureur qui rappelle que la contrainte, pour être retenue, doit être irrésistible et ne pas venir du choix de la personne : "parce que mon mari était en arrêt maladie, on n’aurait pas pu faire avec un seul salaire, alors je me suis dis que j’allais serrer les dents jusqu’à ce que mon mari reprenne son travail". C'était donc votre choix, conclut le Procureur.

Son autre collègue, directeur d’agence, corpulent quinquagénaire, avoue : "Je regrette tout ce qu’on a fait, je ne comprends pas comment j’ai fait ça, je suis désolé, c’est pas ma nature, mais le patron menaçait de fermer l’agence et de mettre tout le monde dehors si je ne prenais pas le poste de directeur, et puis moi, je suis électricien, alors vis-à-vis de ma femme et de mes filles, c’était une promotion avec un bon salaire, je leur montrais que j’étais capable… Mais il m’a traité de tous les noms, a même voulu me casser la tronche, vous n’imaginez pas, on ne peut pas ne pas faire ce qu’il nous demande !"

La présidente poursuit "est-ce que vous trouvez normal d’accompagner une personne en fauteuil roulant à la banque ?" L'homme confie : "non, bien sûr, mais c'était les techniques qu'on nous imposait". "Pourquoi vous continuez si vous estimez qu’il s’agit d’une personne vulnérable et isolée ?" "Parce que c’était la politique de la société, c’était devenu un jeu, c’est honteux, je ne dis pas le contraire."

Le Procureur insiste et avance que seule la rémunération comptait pour ces salariés. Un autre commercial rappelle que la pression était là. Rémunéré par un fixe au Smic, il ne pouvait espérer une commission que si un chiffre de 20.000€ était atteint. Tous parlent de remontrances constantes, d'insultes même.

Ce jeudi, le couple gérant la société BDPA Rénovation sera de nouveau entendu après les déclarations des uns et des autres. Les premières plaidoiries des parties civiles débuteront dans l’après-midi. Le réquisitoire est attendu lundi.

 

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