Quatre familles ont décidé de porter plainte contre X, ce 4 février 2019. Leurs proches, atteints d'un cancer, auraient été victimes d'une réaction toxique à une molécule utilisée en chimiothérapie. Cette réaction peut pourtant être détectée par un test. Le CHU de Limoges fait figure de bon élève.
C'est une toxicité connue, celle d'une molécule, le 5-FU, très largement utilisée en chimiothérapie pour le traitement de différents cancers. 80 000 patients sont concernés chaque année. Certains d'entre eux, qui présentent un déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD), sont susceptibles alors de faire une réaction qui peut s'avérer fatale. Ce déficit les empêche d'éliminer correctement la molécule. Selon une publication scientifique d'avril 2019, des toxicités sévères surviennent chez 10–40 % des patients et des toxicités létales chez 0,2–0,8 % des patients.
Il existe pourtant un test qui peut identifier ce déficit en DPD et il peut diminuer le risque de toxicité.
Ce 4 février 2019, en France, quatre familles de victimes de cette toxicité ont décidé de porter plainte. Des plaintes "contre X pour homicide involontaire, blessures involontaires pour mise en danger de la vie d'autrui, qui émanent des proches de trois personnes décédées et d'un homme qui a souffert ravement de cette toxicité, sont déposées au pôle santé du tribunal de grande instance (TGI) de Paris", a précisé à l'AFP leur avocat. Ces familles reprochent aux autorités sanitaires de ne pas avoir recommandé plus tôt ce test qui aurait permis de déceler leur sensibilité à ce traitement.
Car certains hôpitaux, jusqu'à récemment, ne le pratiquaient pas.
Le CHU de Limoges, le bon élève
En février 2018, l'Agence national de sécurité du médicament et des produits de santé soulignait l'intérêt de ce test et recommandait un dépistage systématique. En avril 2018, 17 laboratoires intégrés à des structures hospitalières pratiquaient déja ce test de manière automatique, dont le service de pharmacologie, toxicologie et pharmacovigilance au CHU de Limoges. "Depuis 2018, de plus en plus de laboratoires s'y sont mis, mais cela a pris du temps, souligne Nicolas Picard, professeur de pharmacologie à l'Université de Limoges, la colère et l'impatience des familles de malades sont légitimes mais la situation a considérablement évoluée en 2018, il a fallu évoquer les questions de remboursement de ce test, concilier les contraintes des cliniciens dont l'objectif est de soigner leurs patients rapidement et la standardisation des protocoles par l'HAS. Les autorités sanitaires ont travaillé pour réduire les délais entre le test et la communication des résultats soit 7 jours maximum."
Aujourd’hui, nos laboratoires sont en ordre de bataille ! Parlez-en autour de vous, à vos #patients, à vos #oncologues : plus de traitements par #fluoropyrimidines sans dépistage préalable du déficit !
— Nicolas Picard (@profnpicard) 2 février 2019
En décembre 2018, suite au rapport de l'ANSM, la Haute Autorité de Santé (HAS) a fixé les modalités de ce dépistage et notamment les seuils d'interprétation des résultats.
Nous faisons @CHU_de_Limoges uracilémie puis génotypage DPD dès que la valeur suggère un déficit (U>16ng/ml) ou qu’elle est la zone frontière de 13 à 16 ng/ml.
— Nicolas Picard (@profnpicard) 4 février 2019
L'HAS précise cependant quel "que soit l’examen réalisé pour rechercher un déficit en DPD, toutes les toxicités sévères, parfois létales, ne pourront être évitées par cette recherche. En effet, toutes les toxicités sévères survenant sous fluoropyrimidine ne sont pas causées par un déficit en DPD, ni nécessairement attribuable à la fluoropyrimidine dans le cadre d’une combinaison de médicaments anticancéreux pouvant tous entraîner des toxicités sévères."
Il existe deux sortes de déficit en DPD, partiel ou total. En cas de déficit partiel, la dose de 5 Fu peut être réduite entre 25% et 75 % pour que le patient évite une réaction toxique sans altérer son traitement. Le déficit total est une contre-indication absolue au 5 FU.
Ça fait plus de 20 ans que l’on connaît l’existence du #déficit en #DPD : il peut être #partiel ou #complet chez certains individus (aucune activité DPD). Ce déficit n’explique pas toutes les toxicités mais il y participe largement !
— Nicolas Picard (@profnpicard) 2 février 2019
Les cancers sur le territoire du Limousin
En Nouvelle-Aquitaine, le nombre moyen de nouveaux cas de cancer diagnostiqués chaque année est estimé à 36 939, soit 10.4 % des nouveaux cancers survenant en France métropolitaine.Si sur l'ensemble de ces cancers la Nouvelle-Aquitaine ne présente pas de particularité par rapport à l'ensemble du territoire français, certaines disparités sont observées au niveau départemental. Santé Publique France, sur la base des statistiques, a déterminé trois groupes.
- Départements les moins touchés : Charente, Dordogne et Lot-et-Garonne
- Départements les plus touchés par la surmortalité par plusieurs cancers : Charente-Maritime, Gironde, Landes, Pyrénées-Atlantiques, Deux-Sèvres.
- Enfin, les départements touchés par une surmortalité pour quelques cancers. C'est dans cette catégorie que l'on retrouve les trois départements du territoire Limousin.
La Creuse est sans doute le département qui présente des données les plus inquiétantes. En effet, on y note une surmortalité dans trois cancers : prostate, œsophage et côlon-rectum chez les hommes.