Avec le Coronavirus et le confinement imposé, les accros aux jeux vidéo s’en donnent à cœur joie pour scotcher leur écran nuit et jour. Vont-ils pouvoir décrocher ? Réponse avec le professeur Nubukpo, spécialiste en addictologie à Limoges.
Pour vivre heureux, vivons confinés ?... Et non pas cachés, comme le veut la maxime célèbre.
Les gamers (ou joueurs invétérés) pourraient en être convaincus, tant les circonstances leur sont favorables : le confinement, le temps qui s’arrête, le besoin de s’évader et aussi peut-être de fuir un climat jugé anxiogène.
Le bonheur est-il dans le jeu vidéo ?
A priori, on serait tenté de dire que tout est question de modération.Pour le professeur Philippe Nubukpo, psychiatre responsable du Centre d’experts régional de pathologies du jeu (CERJeP) à Limoges, c’est d’autant plus vrai en cette période si particulière où deux facteurs majeurs entrent en jeu... : "la perte de rythme et le déficit d’interactions sociales. D’où l’importance de réduire ce temps de présence sur les écrans et les jeux vidéo notamment. C’est tout le sens de la prévention."
Le spécialiste invite les parents à être vigilants en mettant en place une planification avec des horaires limités et précis tout en proposant des temps d’activités autres tels que du sport.
Est-il possible de devenir accro en un mois de confinement ? Le professeur en est convaincu. Selon lui, le processus est identique au fait de regarder en boucle à la télé les informations concernant le Coronavirus ou un autre fait d’actualité très anxiogène. Comme avec les jeux vidéo, "l’élément de compulsion apporte une source de gratification qui compense la frustration et on a toujours besoin de plus pour être satisfait".
Et des liens entre dépendances existent aussi. En clair, une addiction aux jeux vidéo peut en amener d’autres. "Il y a une tendance à la surconsommation en cette période de confinement : par l’alimentaire, par l’alcool ou le cannabis", précise-t-il.
Le spécialiste pointe du doigt en particulier les games de rapidité, sans véritable scénario, souvent liés à des scènes de guerre (du type Fortnite ou Call of duty) : "C’est un exutoire addictif dans un monde fantasmatique, avec un espace temps où les gens ne meurent pas. Tout cela est de nature à apaiser les angoisses de nos vies".
Pour le professeur Nubukpo, ceux qui se pratiquent en réseau sont les plus dangereux : "Les personnes isolées ont tendance à croire qu’elles existent pour une communauté, à la différence de ce qu’elles sont dans leur vie personnelle réelle, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes".
Actuellement, le CERJeP, unité du pôle d’Addictologie en Limousin du Centre hospitalier Esquirol, exerce sa mission dans les règles du confinement. Autrement dit, ses professionnels de santé consultent par téléphone la centaine de patients suivis au sein de l’établissement, qui traite également les pathologies autour des jeux de hasard et d’argent ainsi que les cyberaddictions ou cyberdépendances