La détresse et la précarité sont grandissantes chez les étudiants. A l'occasion d'une manifestation à Limoges ce jeudi 8 avril, nous avons rencontré trois d'entre eux. Trois situations, trois regards sur cette crise...
Ils s'étaient donné rendez-vous en fin de matinée devant le siège de l'université de Limoges avant de défiler dans les rues ce jeudi 8 avril.
Une manifestation organisée par les Jeunesses Syndicalistes et la Fédération Syndicale Etudiante pour dénoncer la précarité et demander de meilleures conditions d'études en cette période de confinement.
Ils étaient peu nombreux, une quinzaine, pourtant la détresse, elle, est palpable. Témoignages croisés de trois jeunes touchés par cette crise :
Kilyan, 16 ans, lycéen à Limoges
Kilyan, en 1ère spécialisation Théâtre, Géopolitique et Sciences Economiques et Sociales au lycée Léonard Limosin de Limoges dénonce notamment l'impossibilité de terminer un programme très dense.
"Avec la Covid, de nombreux professeurs sont en arrêt maladie et ne sont pas remplacés. Rien qu'en Français, depuis le 1er janvier, 30 heures de cours ont sauté. Je crains le pire pour l'écrit du Bac en juin prochain."
Un self saturé.
"Il n'est pas facile d'appliquer les protocoles Covid dans les établissements. Certains midis, je n'ai pas eu le temps de manger au self car il est surchargé. Et je ne suis pas le seul dans ce cas."
Un isolement grandissant
"Avec des cours un jour sur deux, le couvre-feu, on ne se voyait déjà pas beaucoup avec les amis, maintenant c'est pire. On s'enferme vite dans les réseaux sociaux, on peut déprimer rapidement. J'ai un ami qui a fait une tentative de suicide, deux autres qui sont allés faire un séjour en hôpital psychiatrique à Esquirol. A la crise sanitaire s'ajoute une détresse psychologique et sociale qui aura des conséquences dans les années futures."
Peu de données précises sur le mal-être des lycéens et des étudiants en France, cependant, le Centre National de Ressources et de Résilience (CN2R) a publié une étude après le premier confinement. Sur 70 000 étudiants interrogés, il ressort que 11,4% d'entre eux avaient eu des idées suicidaires les 12 derniers mois contre 8% hors contexte pandémique.
De plus, une enquête de l'Observatoire National de la Vie Etudiante (O.V.E) de juillet dernier montrait que la moitié des sondés avait souffert de solitude ou d'isolement pendant le confinement.
Claire, 21 ans, étudiante en anglais à Limoges
Claire Denis, étudiante en 1ère année de master d'Anglais, évoque la difficulté de suivre les cours à distance.
"Même si nos profs ont essayé d'aménager au mieux nos cours, un jour par semaine en présentiel c'est dur, nous sommes restés en distanciel quasiment toute l'année."
Difficile de trouver sa motivation devant son écran...
"Avant, je n'avais pas de difficultés à me lever. Aujourd'hui, mettre le réveil pour ensuite passer la journée devant mon écran c'est assez démotivant. Ce n'est pas la même concentration à distance qu'en présentiel. On a plus de distractions, il est plus facile de décrocher devant son ordi qu'en amphi."
Claire Denis espère obtenir son concours. Elle a pu faire une immersion au collège Ronsard lors du 1er semestre mais ne sait pas dans quelles conditions elle pourra effectuer son 2nd stage dont la date (26 avril) a d'ores et déjà été repoussée.
Mathieu, 24 ans, a abandonné la fac
Mathieu Vempaire était étudiant en deuxième année de sociologie jusqu'en septembre dernier, le 1er confinement a sonné le glas de ses études.
"Finalement cette situation n'a fait qu'accélérer les choses. L'idée lors du premier confinement, c'était de déposer mon mémoire. J'étais tout seul, l'ambiance était morose alors je suis allé travailler comme aide à domicile de mi-avril à fin août. A l'époque, on voyait tout le monde dans des galères financières. Maintenant, je fais un peu d'intérim à droite, à gauche."
Même si l'avenir est incertain, Mathieu Vempaire souhaite dans les mois prochains trouver une formation professionnalisante dans les métiers de bouche ou du bâtiment.
Dès le premier confinement, un tiers des étudiants a déclaré avoir rencontré des difficultés financières. Un malaise confirmé par une enquête du magazine L'Etudiant de mars 2021 montrant qu'en 1ère et 2e année d'université, 7 étudiants sur 10 ont eu le sentiment de décrocher en raison de la crise sanitaire.