Le 19 mai 2019, les pompiers constatent la mort d'un homme de 70 ans à son domicile dans une chambre. Il y a du sang abondamment et des traces ailleurs dans le pavillon, des lieux grossièrement nettoyés. La mort remonterait déjà à quelques heures et apparait suspecte. Après deux ans d'instruction et 3 jours de procès, la cour d'assises vient de condamner l'ex beau-fils et la compagne de la victime.
Que s'est-il passé dans ce pavillon de la rue Frédéric Passy à Limoges le soir du samedi 18 mai 2019 ?
Le 19 mai, soit 24h plus tard, un homme appelle de façon hésitante les pompiers, reste vague sur son identité, sur celle de la victime qu'il demande de venir soigner et qu'il dit ne pas connaître...
Au domicile, les pompiers constatent la mort d'un homme de 70 ans, dans une chambre d'amis. Il y a beaucoup de sang et de nombreuses traces ailleurs dans le pavillon. Au vu de la rigidité du corps, la mort remonterait à quelques heures.
Une mort suspecte
Très rapidement, les policiers interpellent l'ex beau-fils de la victime, Ousséni Abidina, un Mahorais de 42 ans auteur de l'appel aux pompiers, et la compagne de la victime, Marie-Jocelyne Var, 60 ans. Cette dernière est fortement alcoolisée et devra passer quelques heures en salle de dégrisement avant que son interrogatoire reprenne.
Les versions des deux protagonistes évoluent et divergent. Ousséni Abidina parle d'une soirée qui commençait mais son ex beau-père, très alcoolisé et colérique, avait mal pris une remarque au sujet de sa consommation d'alcool, s'était emporté et chuté accidentellement sur le sol... Il poursuit en soulignant qu'il lui a proposé son aide pour qu'il se relève mais ce dernier a refusé, pour finalement le faire seul et se diriger vers la chambre conjugale. La compagne de la victime dit n'avoir rien vu, étant dans une autre pièce du pavillon. Elle évolue dans ses déclarations et finit par déclarer que Ousséni Abidina lui a expliqué qu'il y avait eu dispute et qu'il lui avait lancé un bout de verre cassé, qu'il est allé rechercher dans la poubelle pour lui montrer.
Marie-Jocelyne Var tente de soigner son compagnon avec du curcuma sur la plaie qu'il présente dans la nuque pour arrêter le saignement. Puis s'en désintéresse, pensant qu'il s'est endormi. Ousséni Abidina quitte le pavillon, tout comme son ex belle-mère pour se rendre chez sa nièce où elle passe la soirée. Elle ne parle pas de ce qui s'est passé et rentre à nouveau chez elle au début de la nuit. A leur retour, le lit conjugal est rempli de sang, elle demande à son ex beau-fils de le déplacer vers la chambre d'amis. Ne pouvant le déposer sur le lit, ils le laissent au sol. La victime est inerte, mais ils n'appellent toujours pas les secours. Ousséni Abidina déclare avoir nettoyé grossièrement les traces de sang, changé la housse de matelas imbibée, lancé une machine pour laver du linge aussi imbibé de sang...
Les investigations et le rapport de la médecin légiste feront apparaitre que l'homme de 70 ans s'est en réalité vidé de son sang progressivement. La mort serait intervenue entre 22h le samedi et 10h le lendemain dimanche. Sa blessure a la trace en arc d'un morceau de verre coupé. Il aurait pu être sauvé si les secours avaient été appelés. L'homme est décédé d'un choc hémorragique suite à cette plaie profonde au-dessus de la nuque. Explications d'un choc hémorragique par la médecin légiste, Dr Charline Parrain auprès du CHU de Limoges.
Deux thèses devant la Cour d'Assises
Après une instruction de deux années, Ousséni Abina est renvoyé devant la Cour d'Assises de la Haute-Vienne pour violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner, non assistance à personne en danger et modification de l'état des lieux d'un crime en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité, ces deux délits étant également retenus à l'encontre de Marie-Jocelyne Var.
Sauf que Ousséni Abidana ne va jamais reconnaître avoir bousculé ni porté un coup à son ex beau-père. Il ne comprend pas l'accusation que porte son ex belle-mère à son encontre. Au Président de la Cour d'Assises, il réitère sa version et niera toute implication jusqu'à ce que le jury se retire.
Une chute accidentelle possible ? La médecin légiste ne l'exclut pas, mais doute de sa probabilité. Sauf qu'une cour d'assises se doit d'étudier toutes les probabilités, même celles qui justement semblent improbables.
Une thèse plaidée par l'avocate de l'accusé, Marie-Sophie Gouaud. Son client, que nul ne décrit comme violent contrairement à la personnalité de la victime, n'aurait que saisi le bout de verre retrouvé à terre pour le déposer à la poubelle. Ses empreintes sur ce tesson ne sont pas celles d'un coup porté. La victime, corpulente, au taux d'alcoolémie de 2,9gr/l, qui souffrait par ailleurs d'une maladie neurologique provoquant des pertes d'équilibre, se serait retrouvé déséquilibrée dans sa colère, aurait heurté la table du salon sur roulettes, renversant des verres et en cassant un, et se serait empalé sur ce tesson en chutant en arrière.
Mais pour l'avocat général Bruno Robinet, "si le doute peut exister, on ne cherche pas à cacher ce qu'on ne peut se reprocher". Si c'était vraiment un accident, les deux protagonistes auraient rapidement appelé les secours et n'auraient pas cherché à nettoyer le pavillon, certes grossièrement car des traces existaient toujours à l'arrivée des policiers.
La panique, la peur d'être poursuivis, la crainte de ne pas être crus et surtout le fait que la victime avait l'habitude de chuter en raison de son état alcoolique chronique, saignant même souvent du fait de ses chutes, resteront les explications entendues dans cette affaire.
Pas de quoi emporter l'intime conviction des jurés qui ont suivi l'avocat général dans son réquisitoire pour condamner les deux accusés, mais pas sur ses réquisitions qui étaient une peine de 8 à 10 ans à l'encontre de Ousséni Abidina et 3 ans à l'encontre de Marie-Jocelyne Var.
Le verdict est une peine de 7 ans de réclusion criminelle, étant précisé que Ousséni Abidina est en détention depuis sa garde à vue, soit depuis 3 ans. A l'encontre de Marie-Jocelyne Var, c'est une peine de 4 ans dont deux avec sursis et port d'un bracelet électronique à son domicile qui a été prononcée.
Les accusés ont dix jours pour faire appel.