Crise du coronavirus : employeurs et salariés face aux injonctions contradictoires du gouvernement

Faut-il ouvrir ou fermer ? C’est la question qui taraude nombre d’employeurs en ces temps de crise. Si pour les établissements qui accueillent du public la question a été vite réglée, il n’en est pas de même dans nombre d’autres qui s’organisent au cas par cas. 
 

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Ouvrir pour essayer de limiter la casse économique au risque d’exposer les salariés ou fermer et mettre tout le monde au chômage partiel ? Pas facile de répondre à cette question pour les employeurs. 

Notre patron a fait passer son profit au détriment de la santé des salariés


"Actuellement, nous n’avons aucune protection. Depuis le début de la semaine, nous continuons à réceptionner des palettes qui viennent de partout en France. Nous sommes inquiets et très en colère". Cette salariée d’une imprimerie Limousine qui a accepté de parler sous couvert d’anonymat vient de passer la semaine à ruer dans les brancards pour dénoncer la désinvolture de son employeur.

Dans cette entreprise, pas de gants, de masque ni de gel hydro-alcoolique, pas non plus de distance de sécurité entre les employés. "Nous travaillons régulièrement en binôme et il est très difficile de respecter la distance d’un mètre de sécurité" souligne-t-elle. 

"Notre patron a fait passer son profit au détriment de la santé des salariés. Vu la mentalité ici, personne n’a eu le courage de faire valoir un droit de retrait, nous avions trop peur pour nos emplois. Nous nous étions décidés à saisir l’inspection du travail, mais heureusement, à force de dénoncer cette situation, l’entrepreneur a fini par entendre raison et va fermer la semaine prochaine", poursuit-elle, soulagée par cette fermeture. 

Un arrière-goût de lutte des classes


Des témoignages comme celui-ci se multiplient dans les entreprises qui restent ouvertes. Des situations qui s’accompagnent d’un arrière-gout de lutte des classes.

"Pendant que les cadres sont tranquillement chez eux en télétravail, on demande aux petites mains de faire tourner la boutique et de prendre tous les risques" dénoncent à l’unisson les patrons de la CGT de Creuse et de Haute-Vienne, Laurent Margueritat et Arnaud Raffier.
 

Des salariés sont en grande détresse


"Nous recevons beaucoup de témoignages. Des salariés sont en grande détresse depuis que Macron a déclaré la guerre au virus. Il y a beaucoup d’incompréhension. Comment lutter efficacement contre le Covid-19 en continuant à venir travailler dans des conditions de sécurité pas toujours optimales ? Dans les grandes entreprises où le syndicalisme est très présent, on peut faire quelque chose, mais dans les petites unités, c’est plus compliqué et le syndicalisme en mode télétravail loin du terrain n’aide pas non plus, pas plus que la loi travail de monsieur Macron qui a supprimé les CHSCT qui permettaient un contrôle plus efficace". 

Les règles d’ouverture pour les entreprises qui accueillent du public sont claires.  Mais pour les autres, c’est un peu à la libre appréciation des employeurs pour peu qu’ils fassent respecter les gestes barrière.

Pour rappel, le droit du travail stipule que chaque employeur est comptable de la santé et la sécurité de ses employés. 
 

Les grandes entreprises ferment, les PME tentent de poursuivre 


En Creuse et en Haute-Vienne, la plupart des grosses entreprises notamment industrielles ont fermé : Legrand à Limoges, Dagard à Boussac, Sauthon à Guéret, LSI à la Souterraine, Eurocoustic à Genouillac.La question ne se pose donc plus pour celles-ci. 

Mais il est plus difficile d’avoir un aperçu de ce qui se passe dans des petites PME où les patrons n’ont peut-être pas pris conscience des dangers, ou sont tellement pris à la gorge par les contraintes économiques qu’ils essaient de maintenir une activité coûte que coûte, sans protéger suffisamment leurs salariés.
 

Les injonctions contradictoires du gouvernement 


Les employeurs doivent faire face à des injonctions contradictoires : le gouvernement leur dit de continuer à travailler pour maintenir une activité économique, mais parallèlement, il faudrait que tous les salariés soient confinés pour que la lutte contre le virus soit efficace. 

"En ces temps de crise, la vie économique de la Nation doit continuer" exhorte ainsi Emmanuel Macron, tout en recommandant à la population de suivre le mot d'ordre "Restez chez vous". 
 
Comment prendre des décisions face à cette communication ambivalente ? 

Dans une entreprise limousine, dont on ne citera pas le nom, une note a été envoyée aux salariés pour les dissuader d’avoir recours au droit de retrait.

Après avoir rappelé les gestes barrières et les modes de transmission du Covid-19, celle-ci indique que : 

"Selon ces réalités incontestables pour toute personne sensée, il est donc rappelé aux managers [...], que toute absence injustifiée sera traitée comme telle.
Ainsi, il est du devoir de chaque manager de rapporter à Mme X toute absence dans son service, afin qu’il en soit vérifié le bien-fondé.
Le droit de retrait pouvant être mis en avant par une certaine catégorie de personnel ne sera pas reconnu, et fera donc l’objet de procédures adéquates."

 

Et si les salariés ne sont pas protégés ? 


"On peut comprendre certaines entreprises pour qui il est vital de maintenir de l’activité, mais ça ne peut pas se faire au détriment de la santé des salariés" conclut Arnaud Raffier de la CGT. 

Pour le moment, la question d’éventuelles sanctions pour ceux qui ne mettraient pas les mesures de protection en œuvre est encore floue. Cela fait partie des sujets qui sont gérés au jour le jour par les préfectures et le gouvernement.

Tout est question de sensibilité


"Il faut se mettre un peu à la place des employeurs, ils font ce qu’ils peuvent, ils s’adaptent et sont comme nous tous, on apprend tous en marchant", tempère Marie Lees directrice du marketing et de la communication à la chambre de commerce et d’industrie de Haute-Vienne.

"Tout est question de sensibilité, c’est comme toujours, certains employeurs sont plus ou moins sensibles aux questions sanitaires et sociale.  Et certains salariés vont estimer que la sécurité est bonne quand d’autres vont être plus inquiets. Tout le monde fait son possible et les chefs d’entreprise font ce qu’ils peuvent pour ne pas mettre la clef sous la porte. En plus ils sont fébriles, la situation peut changer du jour au lendemain."  
 

Innover face à la crise 


Elle constate aussi que beaucoup d’entreprises et notamment des petits commerces essaient d’innover pour s’adapter et limiter les dangers. "Nous avons beaucoup d’appels de commerces locaux qui veulent se mettre à la vente en ligne. Pour certains, cette période va être bénéfique, va les pousser à se remettre en question pour tirer leur épingle du jeu."

Gilles Beauchoux, le président de la CCI de la Creuse constate lui aussi que beaucoup d’entreprises ont fait le choix de la fermeture, car la situation est vite devenue intenable.

Lui-même est à la tête de Proxifroid qui emploie une quinzaine de salariés à Guéret, il va fermer boutique la semaine prochaine. « On va faire un maximum de télétravail, même s’il y a de moins en moins de chose à faire : il n’y a presque plus d’appels. C’est stressant, c’est pire qu’en semaine 33 au mois d’août ! On va simplement maintenir une permanence pour le dépannage, car nous travaillons sur la chaîne du froid" réagit-il.

"Mais tous nos chantiers qui impliquaient une forme de promiscuité ont été annulés. Ce que j’espère, c’est qu’on ne va pas rouvrir dans une semaine pour après refermer pour 15 jours une semaine plus tard, ça serait la catastrophe. L’accompagnement du gouvernement est efficace à court terme mais je m’inquiète quand même beaucoup pour les jeunes entreprises qui n’ont pas de trésorerie. Ça va être très compliqué, mais on mettra en place une cellule de crise pour les accompagner au mieux", conclut-il. 
 
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