Le secteur du tourisme a bien sûr été touché de plein fouet par l'épidémie de Coronavirus. Alors que le gouvernement doit annoncer le 14 mai un plan Marshall en sa faveur, des professionnels haut-viennois nous font part de leur ressenti.
Le tourisme est un géant de l'activité économique française. Il regroupe près de deux millions d'emplois, directs et indirects, et génère près de 9% du Produit Intérieur Brut.
Totalement mis en sommeil par l'épidémie de Coronavirus, il oscille depuis plus de deux mois entre inquiétudes et expectatives, sans aucune certitude et sur sa reprise d'activité, et sur ses perspectives.
Et cela, alors que le géant et leader mondial, l'allemand TUI, pourtant aidé par la banque publique allemande KfW à hauteur de 1,8 milliards d'euros, vient d'annoncer vouloir réduire ses coûts de près de 30%, ce qui pourrait entraîner le licenciement d'environ 10% de ses salariés, 7 à 8000 emplois au niveau mondial !
Une première réunion interministérielle, présidée par le premier ministre Édouard Philippe, doit se tenir ce jeudi 14 mai en France, et annoncer des mesures qualifiées de « plan Marshall » pour le secteur, un plan de soutien à hauteur d'1,3 milliards d'euros.
Mais il ne devrait pas y avoir d'annonces quant à reprise concrète de l'activité dans notre pays, que les professionnels attendent plutôt pour la fin mai ou le début juin.
Les professionnels locaux entre catastrophisme, attentes et espérances
Joint ce 13 mai par téléphone, Thierry Debourg, directeur d'une agence de voyage indépendante de Limoges, affiche la couleur d'emblée.C'est absolument catastrophique. On est la branche la plus touchée. Pour le chiffre d'affaire, c'est simple, c'est ZÉRO !
Même son de cloche ou presque chez le voyagiste bien connu de Haute-Vienne, implanté à Couzeix, le transporteur Massy.Tout ce qui était prévu durant la période de confinement est évidemment tombé à l'eau, on ne peut rien vendre sur le court terme, et les perspectives sont pessimistes sur le moyen et le long terme. Moi, au mieux, j’espère pour la fin de l'année, mais je crains qu'il ne faille attendre 2021. Et encore...
Ou presque, parce qu'entre la partie transports, dirigée par le mari, Jacques, et l'agence de voyage dirigée par l'épouse, Isabelle, le discours varie un rien...
Normalement, on est en pleine saison, avec près de quarante à soixante salariés. Mais là, je n'ai évidemment aucun saisonnier et mes quinze permanents sont au chômage partiel. Et ma quarantaine de cars immobilisés.
Pour moi, la saison est morte, septembre... je n'y crois même pas. [Jacques Massy]
Actuellement, c'est zéro, mais on essaye de se projeter sur l'arrière saison. Et puis on travaille beaucoup sur notre offre 2021. D'habitude, on sort notre catalogue fin juin, et on veut absolument faire de même. Mes sept salariées sont entre télétravail, chômage partiel et garde d'enfants, mais se donnent à fond. Si on espère pas, c'est fini, il n'y a plus qu'à mettre la clé sous la porte ! [Isabelle Massy]
Des problématiques parfois différentes, des soucis toujours communs
L'agence de Thierry Debourg et l'entreprise Massy ont pour l'instant des problématiques différentes, mais des soucis communs.Problématiques différentes, notamment parce que la première travaille exclusivement à l’international, et scrute donc la moindre annonce concernant les entreprises aériennes, les frontières.
Notamment parce que la seconde travaille aussi sur le marché français, et guette les mesures de réouverture des grands parcs d'attractions, des hôtels, des restaurants...Il n'y a aucune certitude sur la réouverture des frontières, de l'espace Shengen ou au niveau mondiale.
En Europe, on a peut-être de toutes petites espérances sur la Grèce, mais c'est tout.
Ailleurs, l'Asie cartonnait, mais vous voyez les gens aller en Thaïlande ou à Bali ?
D'ailleurs, dans la profession, on fait de petits sondages en interne, et les gens nous disent qu'ils ne se voient pas prendre l'avion en juillet et en août à presque 90% ! [ Thierry Debourg, directeur d'une agence de voyage indépendante de Limoges]
Également celles liées à la distanciation.
Sa femme tempère...Certes, on fait 70% de notre chiffre d'affaire hors de France, mais quand même, ces voyages là pourraient nous aider !
Vous imaginez, on nous dit dans les cars, occupation d'un siège sur deux, mais à moins de cinquante personnes, c'est même pas valable avec le gasoil. [Jacques Massy]
Là où nos professionnels se rejoignent, c'est sur l'absolue nécessité des aides.Je travaille à un plan d'occupation de nos cars. Je pense que cela peut passer à trente, trente-cinq personnes, notamment si l'on peut installer les couples côte-à-côte, puisqu'ils vivent ensemble. Et on espace les célibataires. [Isabelle Massy]
Moi, je n'ai qu'une salariée, et avec les aides de l'État, pour l'instant, il n'y a aucun soucis. Mais si la situation perdure, et si les aides venaient à disparaître, ou à s’amoindrir... [ Thierry Debourg, directeur d'une agence de voyage indépendante de Limoges]
Oui, il y a les aides sur l'emploi, heureusement qu'elles sont là, et elles doivent demeurer. Mais il n'y a pas que cela, il y a les frais fixes, les crédits...
Moi par exemple, j'ai la moitié de ma flotte à crédit. Pour l'instant, ils sont reportés de six mois. Mais après ? Je fais quoi ?
Je vends des bus ? Impossible, j'en ai rentré trois juste avant le confinement, ils ne sont qu'immatriculés, ils n'ont pas roulé. Je veux bien en vendre, mais personne n'en veut ! Je me suis fait avoir tout seul... [Jacques Massy]
Les annonces du 14 mai sont donc attendues avec impatience. Mais plus encore, les perspectives de fin mai ou de début juin, avec pessimisme pour Thierry Debourg et Jacques Massy, avec optimisme pour Isabelle Massy. Le premier n'a d'ailleurs pas encore prévu de rouvrir son agence à cette date, la dernière donne rendez-vous pour le deux juin.
Tous conseillent d'ailleurs d'attendre les annonces officielles de l'État, des compagnies, des agences, avant d'annuler quoi que ce soit, même des vacances estivales paraissant aujourd'hui pourtant fort compromises.C'est essentiel, il faut qu'on retrouve nos clients, en direct, en visuel, en contact. On assure des permanences téléphoniques, mais c'est dur pour eux de s'y retrouver, notamment sur la perspective des avoirs, ou les conséquences des annulations. [Isabelle Massy]
Enfin, et c'est tout sauf anodin, Thierry Debourg pointe une autre inquiétude :
On raisonne là par rapport à notre activité, qui est essentiellement d'envoyer des Français en voyages.
Mais il ne faut pas oublier l'autre sens, celui qui consiste à attirer des touristes chez nous, près de quatre-vingt millions par an. On le sait, on est la première destination touristique mondiale, c'est pour cela que le tourisme a autant de poids.
Mais, sans viser personne, je comprends que les gens aient besoin de sortir, vous imaginez l'impact dévastateur, notamment en Asie, des images comme celles de la ligne 13 bondée à Paris, ou du canal Saint-Martin ? J'ai déjà eu des échos très négatifs à ce sujet.
Comme je le disais au début, c'est vraiment une situation catastrophique, dans son ensemble et à tout point de vue !