Vos grandes surfaces profitent-elles du confinement ? Ont-elles augmenté leurs prix ? Les prix de certains produits ont-ils explosé parce qu'ils sont devenus plus rares ? Comment les magasins gèrent-ils l’approvisionnement de certaines denrées ? On vous dit tout.
Non, les prix n’ont pas augmenté. Oui, le montant de votre panier de courses peut-être plus élevé qu’avant la période de confinement. Oui, cela semble paradoxal mais il y a une explication.L’UFC Que Choisir a réalisé plusieurs études sur le sujet depuis le début du confinement, Jacques Robert président de l’UFC Que Choisir Limousin nous éclaire :
Certains produits basiques sont en tension, je vous donne l’exemple de l’eau de javel toute simple, les bouteilles premier prix sont vite écoulées, ensuite il reste les produits plus élaborés... La javel parfumée par exemple, son prix est plus élevé, mais le consommateur en a besoin et l’achète tout de même. Ce qui se répercute sur le montant global de son panier.
Enfin, troisième élément d'explication pour Jacques Robert, les grandes surfaces sont aujourd’hui plus facilement approvisionnées en produits frais français, et ils sont généralement plus chers.D’autre part en ce moment, les consommateurs dépensent moins, la majorité des achats se fait vers l’alimentaire et les gens sont plus facilement enclins à choisir des produits de qualité.
Entre les fraises espagnoles et celles du Périgord, le prix n’est pas le même. Le goût non plus d’ailleurs.
Prix bloqués ou pas ?
Les enseignes ont différentes stratégies durant le confinement. Certaines ont largement misé sur le blocage des prix.Tous nos prix sont bloqués depuis le début du confinement, c’est une décision de la direction nationale. Explique Moungy Belal, directeur du Centre Leclerc de Limoges.
Les prix de 10 000 références, des produits de première nécessité sont bloqués jusqu’au 15 mai dans nos enseignes, annonce, pour sa part, David Fleurier, directeur du magasin Intermarché Limoges Ventadour.
Une toute autre stratégie pour Nicolas Rimlinger, directeur de Cora Limoges :
Nous avons choisi de ne pas bloquer nos prix. Car qui dit blocage dit pas de hausse mais pas de baisse non plus. Nous souhaitons rester réactifs dans les deux sens. Nous continuons à fonctionner comme avant, les prix de certains produits peuvent baisser, remonter et à nouveau baisser, selon les fluctuations des marchés.
Pour chacune de ces enseignes, certains produits sont en tension, mais on ne parle pas de pénurie, explique Nicolas Rimlinger.
Pour chacune des enseignes interrogées, ces produits en tension sont la farine, les oeufs, la levure ou encore les pâtes à tarte. Tout ce qui permet de faire des préparations maison.La pénurie, c’est lorsqu’on ne peut plus du tout s’approvisionner sur une marchandise. Or là ce n’est pas le cas, en revanche certaines denrées sont en tension, c’est à dire que nous en recevons toujours de la part de nos fournisseurs mais pas assez pour contenter au quotidien tous les clients.
Alors il faut trouver des solutions, Moungy Belal directeur du Centre Leclerc de Limoges s’est lancé dans la recherche de nouveaux fournisseurs :Nos fournisseurs sont comme toutes les autres entreprises, ils ont moins de main d’oeuvre en ce moment, donc produisent moins chaque jour, précise David Fleurier.
Nous proposons à nos clients des produits de marques avec lesquelles nous ne travaillons pas habituellement, ou dans des conditionnements que nous ne proposons pas en temps normal. C’est le cas de la farine par exemple, pour continuer à en avoir en quantité suffisante nous en proposons en sacs de 5 kilos.
Et sur certains produits, on se rend compte que les cours ont flambé. J’achète par exemple la farine beaucoup plus cher que d’habitude.
Coup de pouce aux produits locaux
Une autre stratégie consiste à se recentrer sur les produits locaux.La politique de notre enseigne est de proposer un maximum de produits français, mais là on a encore renforcé les liens locaux. On propose des produits de la région, ce qui nous permet de ne pas être en rupture sur certains produits et d’aider en plus les petits producteurs. Nous vendons par exemple en ce moment des fromages de chèvres produit à Gorre en Haute-Vienne. David Fleurier, directeur d'Intermarché Limoges Ventadour.
Et à Gorre en Haute-Vienne, nous retrouvons Isabelle et Antoine Duplouy à la tête de La Ferme de Pagenie. De petits producteurs avec 70 chèvres. Des fromages faits sur place, habituellement vendus directement à la ferme ou sur les marchés.
L’annulation des marchés est tombée au moment du pic de lactation, le moment ou nous produisons le plus… Nous cherchions des solutions et c’est en regardant les réseaux sociaux que nous avons vu cet appel lancé par Intermarché. Pour le moment nous avons fait deux livraisons. Des petites quantités. Et en parallèle nous avons développé un système de drive à la ferme avec d’autres producteurs et artisans car il y a beaucoup de solidarité entre nous. Donc cela nous aide mais ce n’est qu’une petite partie de nos ventes, précise Isabelle Duplouy.
Pour Sophie Marcellis, éleveuse de poules à Saint-Pierre-de-Frugie (Dordogne), la grande distribution a été une véritable bouée de sauvetage. Ses oeufs sont vendus depuis deux semaines dans le magasin Cora Limoges. Une aubaine pour les deux parties, le magasin ayant du mal à être suffisamment approvisionné par ses fournisseurs habituels.
Je connais une dame qui travaille dans ce magasin, je lui ai parlé de ma difficulté à écouler mes oeufs comme les marchés sont fermés, elle en a discuté avec son chef et le magasin a choisi de travailler avec moi. Je leur vends mes oeufs au même prix que celui que je pratique en vente directe. Pérenniser le partenariat pourquoi pas ? Il faudrait alors que j’envisage des aménagements. Cela me permettrait de ne plus faire les marchés le week-end et d’être plus présente pour ma famille. Explique Sophie Marcellis.
Alors les grandes surfaces profitent-elles de la crise ?
Certains produits ne se vendent plus du tout, c’est le cas de tout ce qui est textile par exemple. Ou encore de notre rayon pâtisserie. Mais la demande est plus élevée pour d’autres. Certains clients ne viennent plus et nous en avons de nouveaux, ceux qui doivent manger à la maison et plus au restaurant à midi par exemple. Au final, tout cela s’équilibre. David Fleurier, directeur d’Intermarché Ventadour.
Nous nous situons loin du centre ville, or les consommateurs privilégient les commerces les plus proches de chez eux en ce moment. En revanche, nos drives ont enregistré une progression, indique pour sa part le directeur du Centre Leclerc Limoges.
Au final le confinement modifiera-t-il durablement les stratégies des grandes surfaces ? Les habitudes des consommateurs ? Demain, préfèrerons-nous toujours payer un peu plus cher des fromages ou des oeufs produits à deux pas de chez nous, des fruits et des légumes français ? C’est ce que l’on appelle une affaire à suivre...