Laissée quasiment à l'abandon par leur propriétaire, une soixantaine de chiens a été évacuée d'une propriété de La Croisille-sur-Briance (Haute-Vienne), ce 4 mars. L'éleveur, déjà condamné en Dordogne pour des faits de maltraitance animale, dit ne pas comprendre les démarches engagées.
Une opération de sauvetage d'envergure s'est déroulée ce 4 mars à La Croisille-sur-Briance, village de Haute-Vienne situé à la limite de la Corrèze. Soixante-six chiens vivant dans un environnement insalubre ont été évacués par les services vétérinaires et les gendarmes, au sein de la propriété d'un homme de 79 ans dans le hameau du Barnagaud.
Ce septuagénaire, Richard Mandral, est arrivé il y a deux ans sur la commune et avait déjà été condamné pour des faits de maltraitance animale par le tribunal de Périgueux en 2021, alors qu'il élevait plus d'une centaine de chiens à Azerat (Dordogne).
Des chiens retrouvés en très mauvais état
Mobilisée pour le bien-être des animaux, l'association One Voice, qui avait poursuivi l'éleveur à l'époque, va constituer un nouveau dossier avec les éléments récoltés pendant l'opération de sauvetage afin de déposer à nouveau plainte contre lui.
"C'est un chasseur éleveur qui élève des chiens pour la chasse, que nous poursuivons depuis six ans, car il martyrise les chiens et les laisse mourir et est dans l'illégalité la plus totale," souligne Muriel Arnal, présidente de One Voice.
C'est grâce à son déménagement dans la Haute-Vienne - car il a fui la Dordogne après nos actions en justice - que nous avons travaillé de concert avec les gendarmes, les services vétérinaires et le maire de la commune pour intervenir et sauver les animaux.
Muriel ArnalPrésidente de One Voice
Le principal intéressé dément avoir laissé sa meute à l'abandon et ne semble pas réaliser la gravité des faits qui lui sont reprochés. "Mes chiens étaient en très bon état ! Si je n'avais pas pu les nourrir, il y a longtemps que je m'en serais défait, se défend Richard Mandral, joint par téléphone : "On n'est pas libre de faire ce qu'on veut, il n'y a que des contraintes, les gens viennent chez vous pour vous voler vos chiens et vos armes. On marche sur la tête !"
De nombreuses plaintes
Sur place, les intervenants (gendarmes, DDSP, SPA, One Voice) ont découvert la meute d'une soixantaine de chiens, mais aussi "des lapins en clapier, dont certains morts, des pigeons dans des cages extrêmement petites. Des chèvres à l'extérieur, dont certaines attachées, des brebis," énumère Stéphanie Frugier, de la SPA de Haute-Vienne. Ce 4 mars, elle a secouru un chevreau qui végétait près de sa mère mourante et sa sœur morte née.
Sa mère vivait à l'arrière d'un camion et y a mis bas. Elle avait une nourriture inappropriée pour une femelle et était probablement malade, si bien qu'il y a eu un gros souci lors de la mise bas. La sœur de ce petit chevreau est morte le jour même.
Stéphanie FrugierSecrétaire de la SPA de Haute-Vienne
Stéphanie Frugier poursuit : "lorsque j'ai ouvert le van, j'ai tout de suite vu que la maman était en grande détresse, couchée sur le ventre, ce qui empêchait le petit chevreau de téter. J'ai essayé de la lever, mais elle n'avait pas la force de tenir debout. J'ai cherché un seau d'eau et elle a bu, elle avait très soif."
L'opération, très longue à mettre en place, a pu être menée après de nombreuses plaintes du voisinage. La SPA de Haute-Vienne était en lien avec l'éleveur, "en grande difficulté pour nourrir sa meute", pour lui prodiguer de la nourriture et le raisonner de céder une partie de ses chiens. "J'ai toujours été en très bons termes avec la SPA de Haute-Vienne, ils m'amenaient de la nourriture," confirme Richard Mandral.
L'homme réfute être un éleveur. Mais pourquoi possède-t-il autant de canidés ? "Je suis un amoureux des chiens, je ne les tue pas à la naissance," répond Richard Mandral. S'il ne les laisse pas volontairement se reproduire entre eux, il avoue que les chiennes peuvent échapper à sa surveillance. "Elles ont des portées de 4 ou 5 chiots, donc quand vous avez six ou sept chiennes... ça peut aller vite, concède-t-il, niant paradoxalement avoir été dépassé par ces reproductions. Si j'avais une retraite normale, une retraite de fonctionnaire, je n'aurais pas eu de difficulté à nourrir mes chiens."
De nouveau poursuivi
Du côté de la mairie, on souffle : l'affaire court depuis de longs mois, car il est difficile d'intervenir chez un particulier même s'il trouble l'ordre public. "Il fallait aussi trouver les places pour les animaux, car les SPA de Limoges et de Tulle sont incapables de prendre 70 chiens, souligne le maire (DVG) de La Croisille-sur-Briance, Jean-Gérard Didierre. Il a fallu coordonner une opération, qu'on fasse venir de toute la France des refuges situés à 500, voire 600 kilomètres, qui prirent chacun une partie de la meute."
"Il a fallu que les gens ne le supportent plus pour qu'on puisse mettre en cours une opération. On avait eu le même souci avec le locataire d'avant," soupire l'élu. Une enquête va être ouverte à l'encontre du septuagénaire récidiviste. "J'espère que la justice fasse son travail et qu'il lui soit interdit de posséder des animaux, glisse Jean-Gérard Didierre, en accord avec One Voice. Je crois qu'il faut qu'on en arrive à ça."
Récit avec Vincent Le Goff