Au CHU de Limoges, le service des urgences est saturé depuis plusieurs semaines. Vendredi 3 janvier, la CFDT a déposé un droit d'alerte pour dénoncer "les conditions de travail d'un personnel maltraité et traumatisé", ainsi que le "danger qui pèse sur les malades". La direction confirme le passage de plus de mille patients aux urgences au cours des sept derniers jours, et rappelle l'arrivée de renforts.
Pour la quatrième fois en un an, un droit d'alerte a été déposé pour dénoncer l'état de tension régnant au service des urgences du CHU de Limoges. "J'ai été contacté par le personnel qui se trouve dans un état de stress total, affirme David Combeau, secrétaire général de la CFDT en Haute-Vienne. Ils m'ont dit qu'ils n'y arrivaient plus, que rien ne fonctionnait correctement depuis plusieurs jours."
Le syndicat, à l'origine de la procédure, espère que cette démarche entraînera des réponses concrètes de la part de la direction de l'établissement. Il déplore les conditions de travail du personnel, en sous-effectif, "maltraité et traumatisé", ainsi que "le danger qui pèse sur les malades", confrontés à un accueil "de plus en plus inhumain".
Mille patients au cours des sept derniers jours
Les soignants décrivent un service en "asphyxie". "La semaine dernière, il y a eu jusqu'à quatre-vingts patients aux urgences, poursuit David Combeau. Cela signifie qu'il y avait plus de soixante personnes dans le couloir ! Normalement, on peut en accueillir une vingtaine, pour une organisation correcte. Au mois de décembre, on a atteint plusieurs fois plus de 300% de la capacité !" Sous-doté en personnel, l'hôpital ne pourrait plus assumer correctement cet afflux : "Au mois de novembre, nous avions déjà déposé un droit d'alerte, c'était le troisième en 2024. La seule réponse que nous avons obtenue de la part de la direction, c'est qu'elle faisait tout pour faire appel à l'intérim, pour les postes d'infirmiers et d'aides-soignants."
Pascal Mocaër, directrice générale du CHU de Limoges, confirme que l'établissement a dû récemment affronter une "fréquentation assez importante" : "Sur les sept derniers jours, nous avons accueilli plus de mille patients, relate-t-elle. Les épidémies hivernales en sont le principal motif. Il y a beaucoup de grippes, qui touchent notamment des personnes âgées devant être hospitalisées." Depuis le dépôt du droit d'alerte, "des renforts en infirmiers et aides-soignants" ont été appelés pour adapter les équipes. En outre, cet encombrement structurel a poussé la direction à agrandir "un service d'hospitalisation de courte durée", l'automne dernier, afin de soulager les urgences : "On est passé de sept à seize lits", souligne-t-elle.
Deux cents démissions en un an
Cette situation tendue engendrerait un cercle vicieux. Face à une charge de travail toujours plus accablante, les démissions se multiplieraient, et les remplacements, pas assez nombreux, ne combleraient pas les départs. "On a eu deux cents démissions entre 2023 et 2024, détaille David Combeau. Vous imaginez ? Les gens sont lessivés, ils craquent. Beaucoup n'en parlent même pas parce qu'ils ont honte de se plaindre. Il y a énormément de burn-out."
Selon le syndicat, les médecins aussi s'avèrent affectés : "Ils ont bien voulu discuter avec nous et témoigner. Ils nous ont expliqué qu'ils manquaient aussi praticiens, qu'ils étaient obligés de travailler sur leurs temps de repos, qu'ils faisaient des efforts par solidarité."
Passer cinq jours aux urgences, ça devient banal ! Avant, c'était choquant, inimaginable.
David Combeau, secrétaire général CFDT en Haute-Vienne
Autre conséquence de la crise : le risque encouru par les patients. "Il faut aussi le dire : un service qui ne désemplit pas, cela pose des problèmes d'hygiène", avertit le syndicat. David Combeau signale que les sols ne seraient plus nettoyés "car il y a toujours du monde dans les couloirs", occupés par les brancards. "Il y a eu trop de fermetures de lits, ça déborde. Passer cinq jours aux urgences, ça devient banal ! Avant, c'était choquant, inimaginable. Maintenant, c'est normal !"
En réponse à cette problématique, la direction du CHU tient là encore à rappeler les solutions mises en place. "Dès cet hiver, des travaux vont commencer pour améliorer le circuit des patients", annonce Muriel Mathonnet, présidente de la commission médicale d'établissement. Ce premier chantier sera mené en attendant une "relocalisation des urgences qui sera effective à l'horizon 2028 ou 2029" : "À ce moment-là, le service aura davantage d'espace. Concrètement, pour les malades, cela signifie plus de salles d'attente, de sortie et plus de box", précise-t-elle.
Une réunion prévue avec l'ARS
Le CHU de Limoges ne constitue pas le seul établissement de Haute-Vienne subissant un manque d'effectif. Durant les fêtes de fin d'année, les services d'urgences des hôpitaux de Saint-Junien et Saint-Yrieix-la-Perche ont fermé à plusieurs reprises. En réponse au droit d'alerte déposé par la CFDT, la direction de l'Agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine rencontrera les responsables syndicaux le 18 janvier prochain. Afin que le message soit porté au niveau national, une lettre a été adressée aux trois députés de Haute-Vienne, Manon Meunier (LFI), Damien Maudet (LFI) et Stéphane Delautrette (LFI).