"Je ne crois pas à une loi des séries". Il n'y aurait pas de fatalité aux incendies à répétition à Limoges

Un incendie s’est déclaré dans la nuit de ce 29 juin près de la place du Présidial à Limoges. S’il n’a pas fait de victime, il a toutefois nécessité l’intervention d’importants moyens. C’est, depuis le mois de janvier, le septième sinistre notable en centre-ville. Y-a-t-il une fatalité ? Les risques sont-ils accrus ? Les différents acteurs concernés constatent des problèmes, mais n’expriment pas d’inquiétudes alarmistes.

Rue Barny dans la nuit de ce 29 juin. Le quartier du Pont Neuf le 21 de ce mois. Quartier Aristide Briand et rue Charles Michel au mois de mai. Les Coutures en avril. Le cours Gay-Lussac fin mars. La rue Jean Jaurès mi-janvier… 

Depuis le début de l’année 2023, ce sont au moins sept incendies qui ont fait la une de l’actualité limougeaude, heureusement sans victime. Mais l’accumulation interroge.

Pas de loi des séries pour les pompiers

Effectivement, il y a eu plusieurs incendies ces derniers temps. Mais je ne crois pas à une loi des séries.

Commandant Aurélien Sabourdy, chef de groupement prévention du SDIS 87

Depuis plusieurs années, la part des sinistres dans les quelque 25 000 interventions qu’effectuent les pompiers de la Haute-Vienne chaque année ne cessent de diminuer, au contraire des secours aux personnes par exemple. 

Si certains de ces sinistres marquent plus les esprits que d’autres, c’est qu’il y a peut-être et avant tout un effet "médiatique", selon le commandant.

"C’est vrai qu’un feu de pavillon, disons à Couzeix, c’est moins marquant qu’un incendie dans le quartier de la Boucherie à Limoges. Non pas que le sinistre soit moins important, bien au contraire. Les plus gros feux sur lesquels je suis intervenu dernièrement, ce n’était pas à Limoges, plutôt en zone rurale. Mais la plupart du temps, c’est lors des incendies urbains que nos images, vos images [NDLR : celles de médias], celles prises par les particuliers, sont plus nombreuses sur les réseaux sociaux, dans la presse, plus partagées. Et cela marque plus les esprits. Heureusement, dans la plupart des cas, nos interventions sont rapides et permettent d’éviter les propagations, et c’est à saluer."

Pas l’inquiétude première des assureurs

Concernés après-coup par les sinistres, les assureurs limougeauds n’expriment pas d’inquiétudes particulières.

"Pour l’instant, c’est un épiphénomène. Certes, il y avait eu une victime rue de la Boucherie, mais les conditions étaient particulières, le feu avait pris dans un squat. Mais sur ces incendies depuis le début de l’année, non. Nous sommes beaucoup plus inquiets face à la recrudescence des vols, ou des atteintes et/ou destructions aux biens, que face à ces sinistres. Et je ne parle même pas des dégâts climatiques, comme récemment à Pontarion, Vichy ou encore Couzeix. Là, on a mangé froid ! Voilà nos inquiétudes." Pierre Jandeaux, assureur, responsable du Centre de Documentation et d’Information de l’Assurance Haute-Vienne

Vétusté et absence d’entretien souvent mis en cause

Du côté des pompiers, il n’y a pas d’analyse officielle, du moins, en tant que tel.

On intervient, on éteint mais après… On n’a ni indicateur, ni suivi de la vétusté des habitations.

Commandant Aurélien Sabourdy, chef de groupement prévention du SDIS 87

Cela dit, le commandant Sabourdy reconnait que la vétusté est bien sûr la principale cause de ces sinistres. Il y voit plusieurs raisons.

Tout d’abord, la migration des habitants vers les périphéries, qui entraîne une multiplication de logements vides.
Ensuite, et liée, la paupérisation des centres villes, "visible partout".

Conséquences, ces logements sont de moins en moins entretenus, surveillés, et de plus en plus insalubres.

"Je rappelle par exemple que les détecteurs de fumées sont obligatoires depuis 2015, dans tout type d’habitation. Mais si on les trouve en nombre dans les pavillons, ou dans les habitations collectives, c’est rarement le cas dans les logements individuels en ville. Il faut le marteler !" Commandant Aurélien Sabourdy, chef de groupement prévention du SDIS 87

Une vétusté que constatent et pointent aussi les assureurs

Une vétusté que constatent et pointent aussi les assureurs

Pierre Jandeaux, assureur. Responsable du Centre de Documentation et d’Information de l’Assurance Haute-Vienne

"Il y a de moins en moins d’entretien, c’est une certitude. Et, depuis un changement de loi en 2015, la problématique liée à l’assurance est devenue une fusée à trois étages : syndic et propriétaires non-occupants ont beaucoup moins d’obligations que les locataires, qui eux-mêmes, ne sont souvent assurés que la première année. "

La mairie souhaiterait plus intervenir

C’est une problématique qui touche toutes les villes, quelle que soit leur taille. Plus l’habitat est regroupé et vétuste, plus le feu peut partir vite. Mais, à part tout détruire, et tout remplacer par du béton, et encore, nos moyens sont limités.

Catherine Mauguen-Sicard, adjointe en charge de la prévention, de la sécurité, de la rénovation urbaine et de l’habitat à la mairie de Limoges

Via, notamment, son programme Cœur de Limoges, la ville assure mettre "et le paquet, et le budget", en matière de réhabilitation. Mais pour Catherine Mauguen-Sicard, on touche là à l’habitat privé et les collectivités sont donc liées. 

« On ne peut pas entrer chez les gens sans leur autorisation. Et, sans visite préalable, comment imposer des travaux ? Nous n’avons pas la main, comme nous pouvons l’avoir au contraire avec les bailleurs sociaux. C’est une vraie problématique. » 

Toutefois, l'élue dégage quelques pistes pour améliorer les choses.

"J'essaye de travailler avec l'ensemble des partenaires concernés, comme la CAF par exemple. Avec eux, dans ce cas, on peut arriver à toucher aux prestations des propriétaires indélicats. Ce sont des petites touches qui font qu'on avance, mais il est vrai pas assez loin, pas assez vite."

La ville dit aussi travailler sur d'autres outils, juridiques notamment, comme un permis de louer, qui permettraient là encore d'avancer, et sur lesquels elle compte s'appuyer pour certains secteurs, comme l'avenue du Général Leclerc, celle du Maréchal de Lattre de Tassigny ou les entrées de ville.

Elle compte finaliser et présenter ces nouveaux moyens en début d'année prochaine.

Le rôle primordial des locataires

Pour que la ville puisse pousser un propriétaire à agir, il faut au préalable une plainte de son locataire. Ce qu'approuve Patrick Sapin, directeur de l'ADIL 87.

"Nous avons d'ailleurs, depuis l'élargissement des critères de l'habitat indécent, dégradé et ou dangereux, de plus en plus de sollicitations. Mais pas forcément sur la question spécifique de l'habitat vétuste, ou insalubre. Cela concerne le plus souvent des populations défavorisées qui ne peuvent, ou n'osent, effectuer de telles démarches."

La surveillance particulière des pompiers

Enfin, et sans que cela ne garantisse évidemment le moindre accident, les pompiers de Limoges ont eux aussi mis en place des plans d'interventions spécifiques, et plus particulièrement pour l'hyper-centre et ses vieux quartiers.

"Pour ces endroits, qui font l'objet de nombreuses visites préventives, et/ou d'études, nos plans sont d'autant plus précis. Vous avez pu le constater cette nuit [NDLR : sur l'incendie de la rue Barny], notre importante mobilisation en était la preuve : nous sommes intervenus vers minuit, et à quatre heures, tout était terminé. C'est à cela que servent ces spécificités." Commandant Aurélien Sabourdy, chef de groupement prévention du SDIS 87

À noter également que selon leurs implantations, les casernes disposent de moyens spécifiques. Ainsi celle de la Mauvendière, qui "couvre" le centre-ville, et qui dispose de véhicules plus petits, et d'une grande échelle moins importante, pour mieux accéder aux vieux quartiers, comme celui de la Boucherie.

Une caserne qui, néanmoins, est appelée dans le futur à déménager vers la zone sud.

 

 

 

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