La production d'ovins pour la viande, installée très fortement en Limousin depuis l'après-guerre, est aujourd'hui en baisse constante, encore plus depuis 2020. S'ajoutent à cela, les maladies déjà existantes qui touchent les ovins comme la fièvre catarrhale ovine (FCO) ou maladie hémorragique épizootique (MHE). La filière tente de s'adapter. Exemple en Haute-Vienne.
Julien Souvignet élevait des moutons dans le Cantal. Il y a sept ans, il s’est réinstallé avec sa femme à Peyrat-de Bellac, en plein dans la zone qui, en Limousin, compte le plus grand nombre d’ovins.
Dans le pré, l'éleveur veille à appliquer les traitements pour protéger ses bêtes. Il pulvérise un spray sur le pied d'un mouton : "C'est une infection. Ça devient un purulent au fil du temps et ensuite, les mouches pondent dedans."
Le mal blanc, la mouche Wolfarthia arrivée il y a cinq ans, les myiases (infection cutanée due aux larves de certaines espèces de mouches), sont des parasites à surveiller quotidiennement. Cela représente une charge de travail plus importante qu'avant. Julien Souvignet a donc pris une décision il y a deux ans :
J’ai eu jusqu'à 550 brebis, je suis redescendu à 260 brebis. Le mouton, c'est de la contrainte, de l'astreinte, beaucoup de corvées : des vermifuges, des agnelages, la tonte, la laiterie.
Julien Souvignetéleveur à Peyrat-de-Bellac - GAEC Souvignet
Il a aujourd’hui une soixantaine de vaches, et élève des veaux sous la mère.
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Diversifier son exploitation
Dans le nord de la Haute-Vienne, de plus en plus d’éleveurs font le choix de diversifier, voire d'arrêter les ovins. Cette situation se traduit dans le paysage : en quelques années, il y a beaucoup moins de moutons dans les prés et plus de cultures végétales, dont certaines alimentent des méthaniseurs, et parfois même des friches.
"Certains essayent de se lancer dans la production végétale, notamment dans la production de céréale. Mais, on est quand même sur des territoires qu'on appelle zones intermédiaires, peu porteuses en termes de grandes cultures", rappelle Sébastien Petitjean, directeur de la FDSEA en Haute-Vienne.
Donc, les rendements ne sont pas au rendez-vous. Ce qu'il se passe souvent, c'est que les gens partent à la retraite, vendent le cheptel et qu'après, on a de plus en plus de mal à faire cultiver ces terres.
Sébastien Petitjeandirecteur FDSEA Haute-Vienne
Le Limousin est une des zones où la saignée est la plus forte en France. En treize ans, les surfaces de cultures végétales y ont augmenté de 27%. Dans le même temps, la région a perdu 37% de son troupeau d’ovins, et même 40% en Haute-Vienne. C’est particulièrement visible dans ce secteur moutonnier de la basse-marche.
"On a perdu près plus de 60 000 brebis mères sur le nord du département de la Haute-Vienne, au cours des dix dernières années. On voit vraiment que ça baisse. On a un vrai phénomène aujourd'hui de décapitalisation sur le cheptel ovin", constate le directeur FDSEA.
Une baisse de "5 à 8% par an"
Dans une grange d'une exploitation en Haute-Vienne, une quinzaine d'éleveurs se sont réunis pour parler de la lutte contre les maladies ovines en compagnie par la FNSEA. Ils font part de leurs inquiétudes.
À Bellac, une coopérative propriétaire de l’abattoir de la commune, spécialisé en ovin, n'est pas rassurée, bien qu'elle travaille en label de qualité.
On observe une baisse plus importante depuis l'année 2020, qui est de 5 à 8% par an, et qui se cumule tous les ans et qui représente une baisse tendancielle réelle. Si la production baisse, le marché va nous être fermé, faute de volume à commercialiser. Et, ça va remettre en question notre abattoir et notre entreprise.
François Vannieradministrateur de SICAREV- LIMOVIN, coopérative propriétaire abattoir Bellac
Un espoir ?
Mais rien n’est perdu : les organismes agricoles pensent qu’il y a des solutions. "L'avenir, c'est de continuer l'élevage ovin, de perdurer l'élevage ovin traditionnel qu'on peut avoir ici, d'utiliser nos filières organisées. L'avenir, c'est aussi diversifier les exploitations, en fonction des exploitations et des envies de l’éleveur", explique Guillaume Metz, président d'INNOVIN Nouvelle-Aquitaine.
Il existe toutefois des signes d'espoir : le cours au kilo est remonté de deux euros en deux ans. Concernant l’agneau de qualité comme le baronet du Limousin, la demande est bien plus élevée que la production.
Récit de Sarah Boana et Cécile Descubes