Prônant la préférence nationale, le programme du Rassemblement national prévoit la suppression de l'AME, aide médicale d'Etat. Une mesure qui inquiète les médecins du CHU de Limoges, pour des raisons de déontologie, et de santé publique.
Mise en œuvre en 2000 au moment de la création de la couverture maladie universelle (CMU), l'aide médicale de l'État (AME) est un dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès aux soins. Elle est attribuée sans conditions aux enfants mineurs. Les adultes doivent justifier d'au moins trois mois de résidence sur le territoire sans titre de séjour, et de leurs ressources, afin d'en bénéficier. Elle donne droit à la prise en charge à 100% des soins médicaux et hospitaliers, dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale.
La proposition du Rassemblement national de supprimer l'AME crée des inquiétudes chez les médecins, notamment parce qu'il est toujours plus efficace, et moins coûteux, d'intervenir au plus tôt chez un patient malade. "L'AME c'est 0,5% des dépenses de l'hôpital, c'est 1 milliard d'€ sur 300 milliards à peu près, donc c'est une goutte d'eau. Et de toute façon, ce qui va le remplacer risque de coûter encore plus cher, c'est-à-dire qu'on prendra les gens de façon plus retardée, ils seront beaucoup plus malades et les traitements seront plus lourds", explique le professeur Arnaud Jaccard, professeur de médecine au CHU de Limoges.
Pour le Rassemblement national, cette suppression serait une des applications concrètes de sa politique de préférence nationale. "Il faut, au bout d'un moment, revoir les budgets de l'État et effectivement aider les Français qui eux travaillent, qui cotisent, et qui sont de moins en moins aidés financièrement et qui, des fois, prennent le risque de ne pas se soigner parce qu'ils n'en ont pas forcément les moyens", affirme Camille Dos Santos De Oliveira, candidate RN de la 1ʳᵉ circonscription. Elle sera opposée au second tour à Damien Maudet (Nouveau Front populaire), et Isabelle Négrier (Alternative Républicaine). Tous trois se sont affrontés lors d'un débat avant le premier tour qui évoque les questions de santé à écouter sur ce lien.
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Contraire au serment d'Hippocrate
Avant de commencer à exercer, tout médecin s'engage solennellement à respecter le serment d'Hippocrate, actualisé en 1948 sous la forme de la déclaration de Genève. Un code de déontologie médicale qui interdit toute distinction entre les patients.
"On prête comme serment, en devenant médecin, qu'on ne prendra pas en considération ni la race, ni le statut. C'est prévu dans la déclaration de Genève aussi : on ne permettra pas à la nationalité, la religion ou l'orientation sexuelle de se mettre entre nous et la prise en charge des patients. Et c'est clairement ce que propose le Rassemblement national aujourd'hui", déclare Vincent Guigonis, professeur de médecine au CHU de Limoges.
"Il faut aussi que l'on revienne à une cohérence. Et à ces médecins, je leur dis, est-ce que vous vous levez aussi quand les Français ne peuvent plus se soigner ?", interroge Camille Dos Santos De Oliveira.
Aujourd'hui, toute personne qui "réside en France de manière stable et régulière" a droit à une prise en charge de ses frais de santé grâce à la protection universelle maladie (PUMA, ex-CMU), ainsi qu'à la complémentaire santé solidaire, sous conditions de ressources.