« Vivre en fanfare », c’est le titre du documentaire de 52 minutes, réalisé par le documentariste Samuel Deleron. Une immersion au sein d’une fanfare née à Limoges en 1922, à l’initiative de Pierre Desnoyers. Le documentaire est diffusé sur France 3 Nouvelle Aquitaine ce jeudi 12 octobre, à 22h50.
« C’est la bonne humeur qui caractérise ce tournage », sourit Samuel Deleron peu avant la diffusion de son documentaire. « L'intention du film est très modeste : c'est simplement ressentir ce que ressentent ces musiciens, précise le réalisateur. Ils prennent du plaisir à être ensemble. C'est avant tout une bande de copains », explique-t-il.
À l’origine, Pierre Desnoyers, un enfant du siècle, âgé de 22 ans, décide à l’époque, avec quelques amis musiciens, de se réunir pour former un groupe musical avec comme objectif d’animer le carnaval de Limoges, un de ces défilés d’après-guerre trop triste à leur gré. Cent ans plus tard, en 2023, la fanfare anime encore la ville, un prétexte tout trouvé pour raconter cette histoire.
Curiosité personnelle et envie de transmettre
« Moi, c’est une fanfare qui m’accompagne depuis que je suis gamin. J’ai grandi et fait mes études ici et j’habite ici. La fanfare des Gueules sèches, je l’ai vu au carnaval, avec les chars, les confettis. Je l’ai vu à Beaublanc avec les matchs du CSP. Mais en fait, je me rends compte qu’à part leurs costumes emblématiques, je ne savais pas vraiment [avant de démarrer le tournage] qui la composait. Je ne savais pas d’où ils venaient, je ne connaissais pas bien leur histoire. Quand j’ai appris que c’était leur centenaire, en 2022, je me suis dit, tiens, il y a peut-être un truc à faire. Un truc à voir ! Il y a un truc que j’ai dû louper, et je suis allé les rencontrer à l’occasion d’une répétition. C’est là que j’ai découvert, finalement, une histoire, des gens très simples, avec des valeurs, et je trouvais que ça méritait un film », argumente le réalisateur.
Pourquoi ce film ?
Qu’est-ce qui explique une telle longévité ? Qu’est-ce qui fait la cohésion, l’engouement de la population limougeaude pour ce groupe ? Autant de question qui ont guidé la démarche du réalisateur. « Je trouve que la musique, c’est une formidable métaphore de la vie, ou de la société en général. Un groupe de musique, c’est un ensemble de gens avec chacun sa partition à jouer, et chacun doit aussi s’effacer, pour pouvoir permettre au groupe de s’exprimer. Moi, j’aime cette idée des collectifs. Des gens qui se mettent ensemble pour faire quelque chose. C’est cela qui m’a séduit dans l’idée de la fanfare des Gueules Sèches. C’est comme avec le premier film que j’avais réalisé avec les pompiers. Ce sont des histoires d’hommes qui se mettent ensemble pour faire quelque chose. J’aime cette histoire d’engagement où l’on propose des choses simplement de façon humble aux gens. »
La particularité des Gueules sèches ?
« Il y a un paradoxe avec cette musique de la fanfare, parce qu’elle fait à la fois des pouêts, des couacs, elle est bancale, mais elle est rythmée. Il y a quelque chose qui marque le pas. Il y a quelque chose qui provoque vraiment une émotion. Et puis c’est une musique qui a des valeurs simples, je trouve. Elle est gratuite, mais paradoxalement, c’est une musique qu’on entend peu, qu’on ne voit pas dans les médias, qu’on n’écoute pas chez soi. C’est vraiment une musique qui est faite pour être jouée dans la rue, qui déambule. On suit derrière, au pas, en rigolant avec des confettis. Et donc, j’avais envie de questionner cela, cette musique-là. J’avais envie d’essayer de trouver pourquoi cette musique-là, elle provoque ces émotions fortes en nous, alors que, paradoxalement, ce n’est pas une musique sur laquelle on met la lumière », s'enthousiasme Samuel Deleron.
L’aventure du tournage en France et à l’étranger ?
« On a suivi les Gueules sèches pendant une année, à travers les répétitions, chez eux. On les a suivis en concert. On a été sur les routes avec eux, en France, mais on a aussi eu l’occasion de traverser l’atlantique, puisque pour la première fois, les Gueules sèches ont été invités à Charlotte, aux USA. Une ville qui est jumelée avec la ville de Limoges, et à l’occasion de Bastille Day, le 14 juillet, les Gueules Sèches ont fait deux concerts là-bas, invités par l’alliance française. On les a suivis à cette occasion et on en a tourné une séquence. Un moment assez chouette dans le film où on entend un musicien expliquer en anglais ce que signifie le terme Gueules Sèches. Et ce n’est pas facile. »
Une fanfare qui a marqué l’Histoire
- En 1923, le groupe effectue sa première sortie extra-muros au Comice agricole organisé à Saint-Léonard. Les répétitions se déroulent régulièrement et l’on descend de Louyat, des Tuilières ou de Vanteaux par tous les temps.
- En 1926, la fanfare étend son rayon d’action hors du département, à Lanouaille en Dordogne. L’année suivante, elle se dote d’un siège officiel, rue du Général du Bessol, au bar du Petit Paris.
- L’année 1930 marque une étape importante avec l’apparition d’un début d’uniformisation dans la tenue, né de l’imagination du père de Pierre Desnoyers, tailleur à l’époque. Ce n’est qu’en 1932-1933 que la tenue officielle, très proche de celle que nous connaissons aujourd’hui, fait des Gueules Sèches l’une des premières fanfares de France ainsi costumée.
- En 1939, la fanfare suit le bar du Petit Paris qui s’installe avenue Garibaldi et devient l’hôtel du Petit Paris. La guerre vient interrompre l’activité de la fanfare qui était en pleine expansion. Ceux qui restent à Limoges organisent des représentations théâtrales au profit des prisonniers qui recevaient ainsi des colis de temps en temps.
- En 1945, les limougeauds fêtent la Libération et, à leur grande surprise, ils voient défiler, en tenue, les Gueules Sèches dans les rues de Limoges. La fanfare reprend peu à peu ses activités.
- En 1947, les Gueules Sèches fêtent leur vingt-cinquième anniversaire. On pouvait lire sous la plume d’Alie Alquier dans les journaux de l’époque : « Il ne s’agit ni d’une bande de “durs à cuire”, ni d’une association de malfaiteurs publics, pas davantage de partisans attardés de la prohibition. À quoi bon les présenter d’ailleurs, puisque tout le monde les connait à Limoges ! Qui n’a pas vu défiler les gibus à plumets des pittoresques “Gueules Sèches”... »
- Le 14 juillet 1951 restera, dans la mémoire de tous les anciens, un moment pénible de la vie de la fanfare. Ce matin-là, dans l’ambiance que l’on devine, le car de la “C.D.H.V”, la régie de l’époque, conduisait la fanfare vers ce qui devait être un week-end aux Sables-d’Olonne. Au carrefour des Maisons-Blanches, une collision avec un autre, car faisait de nombreux blessés, certains très gravement touchés.
- L’activité reprenait cependant très rapidement et la fanfare, affirmant encore sa notoriété pour aboutir, en 1962, au premier voyage hors des frontières, à Oviédo, en Espagne, où « les musiciens eurent un franc succès et firent moissons de souvenirs et d'anecdotes savoureuses » se souviennent les anciens.
Cette année-là, qui marquait le quarantième anniversaire de la fanfare, Limoges remportait, grâce aux Gueules Sèches, le grand jeu des villes de France face à Lille et Strasbourg.
Le documentaire diffusé sur France Nouvelle-Aquitaine ce jeudi 12 octobre à 22 h 50 est un beau cadeau de centenaire.