Mercredi soir, la manufacture France Confection à Limoges s’est improvisée en salle de cinéma pour la présentation du documentaire Les ouvrières du Made in France de Jean-Pierre Vedel. L'histoire du combat des salariés de l'atelier pour faire vivre leur entreprise et sauvegarder leurs emplois.
Au milieu des costumes et des rouleaux de tissus de l’usine France Confection, des chaises en plastique ont été installées et une toile blanche dressée pour l’avant-première du documentaire Les ouvrières du Made in France, mercredi 25 avril 2018.
Le film réalisé par Jean-Pierre Vedel retrace l’histoire de cette usine limougeaude aux multiples noms – CGV, SGV, Limco et enfin France Confection – et du combat de ses salariés pour faire vivre la dernière fabrique de costumes 100% Made in France.
Documentaire "Les Ouvrières du Made in France" - 2018 from Lavignac Mickael on Vimeo.
Dans la salle, les ouvrières sont venues en nombre pour voir leur histoire racontée sur grand écran. Une évocation des souvenirs, tantôt bons, tantôt durs, mais toujours avec bienveillance. « C’est beau, s’extasie une ouvrière, et c’est sympa parce qu’on a galéré mais on s’en est sorti ».
Avant-première « les ouvrières du made in France » . Du monde pour la projection dans l’usine à Limoges France Confection. Diffusion sur @F3Limousin @F3PoitouChtes @F3Aquitaine le 18 Juin après le soir3 pic.twitter.com/ioxKnmSMHS
— Sandrine Leclere (@SandrineLeclere) 25 avril 2018
Une entreprise familiale
Pendant la projection, les photos de jeunesse et les anecdotes de chacun font rire le public. Preuve s’il en est de l’esprit familial et soudé de cet entreprise pas comme les autres. Pour Joëlle Gravette, ancienne ouvrière à la retraite, France Confection représente « de bons souvenirs, de bons patrons, beaucoup de complicité. » « C’est un petit cocon familial : on est bien protégé, bien entouré », acquiesce son ancienne collègue Marie-Catherine Raymond.
Pourtant, tout n'est pas rose dans l'histoire de France Confection. Depuis 38 ans, la manufacture a su résister aux crises, aux délocalisations et à la mondialisation féroce. Une longévité rendue possible grâce à la ténacité de Serge Bonnefont, un ancien agent d’entretien et syndicaliste qui s’est battu pour sauver son outil de travail et ses salariés. « J’ai vécu, sur une trentaine d’années, trois licenciements collectifs et trois redémarrages d’activité. Tout ça, ça forge son homme. », lance-t-il dans le documentaire.
Le premier coup dur tombe en 1981, lors de l’élection de François Mitterand, allié au groupe communiste. Cet événement fait fuir les actionnaires américains : 550 salariés sont menacés. Avec l’aide de l’élu socialiste Alain Rodet, Serge Bonnefont, trouve des repreneurs. Ceux-ci se défont de l’atelier en 1986 et mettent en péril à nouveau les ouvrières.
Un "employeur", pas un patron
En 1996, Serge Bonnefont réalise ce qu’il appelle « un coup de poker » : après une troisième annonce de licenciement collectif, il décide avec son épouse Elisabeth et 33 couturières de réunir leurs indemnités de licenciement et racheter leur atelier. Et ça marche. Le syndicaliste devient alors patron, ou plutôt « l’employeur », car il n’a rien d’un dirigeant distant avec ses salariés. « Serge et Elisabeth Bonnefont sont plus proches des ouvriers que des vrais patrons. », glisse Christian Blanchet, responsable de qualité et de production.
M. Bonnefont leur promet de les emmener jusqu’à la retraite : pari tenu. « Je dois remercier toutes les ouvrières qui ont été à nos côtés. Ça n’a toujours pas été facile, mais nous sommes toujours vivants. », déclare-t-il, ému, à la fin de la projection. Ces dernières sont aussi très reconnaissantes envers le couple Bonnefont : « Ils ont fait quelque chose de formidable, avoue Elisabeth Villedary, ancienne mécanicienne en confection. Ils ont réussi à tenir le coup. »
Nouvelles ambitions
Grâce à cette force, la dernière fabrique française de costume, qui a habillé de nombreux présidents de la République, fait perdurer son savoir-faire grâce à ses 85 salariés. « Le Made in France c’est nous. Je suis fière de mon travail. », soutient Marie-Catherine Raymond.
En mars dernier, le groupe Molitor a repris l’atelier de couture ainsi que la marque Smuggler et ses magasins. Une fois de plus, tous les emplois de l’usine ont été sauvés et France Confection va chercher de nouveaux marchés d’exportation. Serge Bonnefont prépare sa succession : « Mon objectif, maintenant, c’est de faire amarrer le bateau ».