Dans un rapport rendu public le 4 décembre, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, missionné par le ministère de l'Agriculture, a rendu son verdict sur la création d'une école vétérinaire à Limoges. Et on ne peut pas dire que l'enthousiasme soit au rendez-vous. Mais le président de Nouvelle-Aquitaine dit vouloir maintenir ce projet. On vous explique tout.
La création d'une sixième école vétérinaire (cinquième école vétérinaire publique) à Limoges sera le fait d'une décision politique. Manière de dire que la pertinence de cette école n'est pas franchement au rendez-vous, mais que si les politiques de Nouvelle-Aquitaine la veulent, ils doivent en assumer la responsabilité. C'est en substance la conclusion du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux.
Missionné en mars 2023, cet organisme, émanation du ministère de l'Agriculture qui assure conseil et évaluation, a rendu public son rapport le 4 décembre.
Pourquoi cette mission ?
Parce que la démographie des vétérinaires comme celle des médecins est préoccupante. À l'heure actuelle, le rapport pointe qu'il y a un déficit entre "l’offre de vétérinaires diplômés et le besoin de recrutement est observé et surtout ressenti pour le secteur des vétérinaires praticiens dans le monde rural et de l’élevage".
Une désertification est particulièrement perceptible dans le monde rural puisque la grande majorité des 2300 vétérinaires exerçant en Nouvelle-Aquitaine sont en ville et s'occupent des animaux de compagnie. Ils ne sont que 16,3% auprès des animaux d'élevage. Et 11,5% sont partis en retraite ces cinq dernières années. Beaucoup d'éleveurs en Limousin se plaignent de délais d'intervention qui augmentent et, pour les vétérinaires, de zones à couvrir de plus en plus étendues.
Pendant plusieurs mois, les rédacteurs ont donc analysé l'évolution du nombre de vétérinaires dans les années à venir et étudié les différents scénarii pour répondre au problème.
Parmi ces pistes : la création d'une cinquième école publique à Limoges. Idée lancée en 2020 par Alain Rousset. Sauf que depuis le départ, on ne sent pas un gros emballement de l'administration centrale. Et ce n'est toujours pas le cas dans ce rapport.
Pour preuve de ce manque d'enthousiasme, les rapporteurs dressent un tableau des atouts et des faiblesses du projet limougeaud. La colonne des faiblesses est nettement plus importante que celle des atouts.
Ce qui pose problème
Passage obligé : l'enclavement de la ville, mais aussi le fait que la corrélation entre la présence d'une école à Limoges et l'installation des étudiants autour de la ville n'est pas une évidence. Il y a aussi le projet pédagogique, en lien entre le CHU et l'université de Limoges, qualifié de trop théorique.
Le coût est également pointé du doigt.
La mission préconise donc plutôt d'accroître le soutien aux filières existantes. Elle constate d'ailleurs que l'ouverture du numerus clausus et le recrutement plus souple dans les écoles vétérinaires existantes, ainsi que la création d'une nouvelle école privée en 2021 ont déjà accru de 75% le nombre d'étudiants depuis 2017.
Ajouté au fait que le nombre d'étudiants formés dans l'Union européenne a également augmenté, ils en tirent la conclusion que les besoins vont progressivement s'équilibrer d'ici à 2030.
"Considérant les prospectives démographiques décrites précédemment, la situation française nette
ne justifiera donc plus d’augmentation de diplômés, par la création de nouvelles écoles, publiques ou privées".
Dans ces conditions, la création d'une nouvelle école ne leur paraît pas indispensable, mais relève pour eux d'une décision politique visant à garantir "une éventuelle souveraineté nationale".
"Ce rapport est plein de contradictions"
Un rapport qui a le don d'énerver le président de Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset. "On ne lâchera rien. Ce rapport est plein de contradictions. Notre projet est très spécifique, il vise à offrir l'opportunité aux élèves des lycées agricoles de la région de pouvoir se former au métier de vétérinaire localement dans une école publique. Les profils seront différents, on cherchera vraiment à installer des vétérinaires à la campagne, puisque les étudiants viendront déjà du monde rural. Pas une filière privée à 18 000 euros par an, ce qui n'est pas terrible du point de vue de l'ascenseur social. On mène actuellement un projet "Une seule santé" avec le CHU et la création de l'école vétérinaire a toute sa pertinence dans ce cadre. Elle répond aux défis sanitaires posés à l'agriculture avec la FCO, la MHE, les zoonoses qui se transmettent à l'homme. On aura de la recherche transversale sur le sujet".
Alain Rousset dénonce par ailleurs le manque d'anticipation de l'ordre des vétérinaires, qui, comme celui des médecins, aurait tardé à élargir le numerus clausus.
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Le président est donc d'accord pour remanier le projet pédagogique, qui n'était pas encore totalement abouti, mais il confirme son intention d'aller au bout du projet.