Les landes à serpentine du sud de la Haute-Vienne pourraient devenir une réserve naturelle nationale. C'est le souhait du Conservatoire d'espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine. Ces massifs, dont la biodiversité exceptionnelle est menacée, seraient ainsi sanctuarisés.
Au milieu de la campagne limousine surgit parfois un îlot à la végétation rase où affleure une roche sombre : les landes à serpentine. Elles fascinent les scientifiques depuis plus d'un siècle. Autrefois appelée “marbre du Limousin”, cette roche est issue du volcanisme des fonds marins… il y a plus de 400 millions d’années. Le géologue et botaniste Michel Boudrie arpente ces landes depuis son adolescence : "Le terme de serpentine vient du fait que ces roches, dans les fissures, ont l’aspect plus ou moins d’une peau de serpent, avec des dessins et un motif qui est relativement brillant.”
Il y côtoie un écosystème hors du commun, mais fragile. La flore compte ici pas moins de vingt-et-une espèces menacées et dix-huit protégées, comme la Notholène de Maranta : "La caractéristique de cette petite fougère, c’est que, pendant les périodes de sécheresse, elle se recroqueville complètement. Au dos de la fougère, vous avez des écailles qui la protègent pendant les périodes de sécheresse des rayons du soleil. Dès que la pluie et l'humidité reviennent, on la retrouve telle qu’on la voit actuellement."
La caractéristique de cette petite fougère, c’est que, pendant les périodes de sécheresse, elle se recroqueville complètement.
Michel BoudrieGéologue et botaniste
Trois sites concernés
Ces périmètres sont actuellement suivis et gérés par le Conservatoire d'espaces naturels (CEN) du Limousin. Il s'agit de terrains privés ou communaux. Le conservatoire compte désormais obtenir le statut de réserve naturelle nationale pour la lande de Saint-Laurent, la lande de la Flotte et du Cluzeau et la lande des Pierres du Mas.
Fabienne Nauwynck est chargée de mission auprès du CEN : "Le classement en réserve naturelle, c’est vraiment un outil de protection forte. Il viendra en complément d’autres outils qui peuvent exister sur différents lieux pour animer le site, être présent sur place, discuter avec les personnes et aussi avoir des budgets, des moyens financiers pour pérenniser la gestion via des travaux de restauration."
Tradition pastorale
L'objectif est de sanctuariser ces landes, dont les paysages sont issus d'une longue tradition pastorale. Aujourd'hui, les troupeaux ont presque tous disparu. Seules les brebis de Frédérique Mariaud occupent le site, mais uniquement à la belle saison : "C’est un milieu super difficile pour les brebis, de par la végétation et aussi la topographie : il y a des rochers partout, des trous, des bosses… Ca pourrait être plus pratique pour des chèvres : il y en a qui l’ont fait déjà. Mais le souci, c’est qu’elles mangent l’ail - il y a beaucoup d’ail sauvage qui pousse ici .
Les chèvres, quand elles mangent de l’ail, le fromage, il n’a pas le goût d’ail : il a le goût de relent d’ail, donc c’était pas possible, voyez…
Frédérique MariaudEleveur de brebis
La surface accidentée du massif résulte en partie de l'extraction de l'argile, utilisée autrefois pour la fabrication des tuiles. Les trous de sondage sont souvent remplis d'eau. Peu à peu, avec le retrait des activités humaines, la végétation reprend du volume, jusqu'à rendre le site impraticable, comme le constate amèrement Jean-Luc Lachaud, le maire de la commune de Château-Chervix.
Elle est en train de se fermer, cette lande.
Jean-Luc LachaudMaire (DVG) de Château-Chervix
"C’était un petit peu mon terrain de jeu lorsque j’étais enfant, ça a été le terrain de jeu de mes enfants aussi : un des mes fistons était particulièrement passionné par la lande, et ça me fait mal au cœur de la voir se fermer. Je l’ai vu paître, je l’ai vu aussi faucher pour faire des litières des choses comme ça – alors pas partout, mais certaines parcelles."
Tout au bout de ce sentier de randonnée, le maire de Chateau-Chervix nous emmène sur le site d'une ancienne tuilerie qui pourrait devenir la future maison de la réserve. En attendant, le Conservatoire d'espaces naturels doit défendre son projet, avant de le présenter au Conseil national de la protection de la nature.
Elle serait la quatrième réserve naturelle nationale du Limousin, après celle de la Tourbière des Dauges à Saint-Léger la Montagne (1998), l'Astroblème de Rochechouart-Chassenon (2008), et l'Etang des Landes à Lussat (2004).