C'est à Athènes, le 15 avril 1993, que le CSP est devenu le premier club français champion d’Europe, tous sports confondus. 30 ans après, notre équipe est retournée sur les lieux du sacre européen du club limougeaud. L'occasion de rencontrer des témoins de ce jour qui a marqué l'histoire des Limougeauds.
« Vous venez de Limoges ? Je me souviens que vous aviez une équipe de basket vraiment très forte… Et je me souviens qu’elle a gagné une Coupe…. »
Oui, la Coupe d’Europe des Clubs champions très précisément, mais il faut bien l’avouer, notre taxi athénien a une bonne mémoire. Il a aussi, comme beaucoup de Grecs, l’amour du sport et du basket en particulier. Dans le pays berceau de l’olympisme, Athènes et ses environs vibrent depuis longtemps dans ses stades, pour soutenir l’Olympiakos, l’AEK, ou encore le PAOK Salonique. Et si 2000 km séparent Limoges de la capitale grecque, ces deux villes sont unies par la passion de la balle orange et par l’histoire aussi.
Retour au Stade de la Paix et de l'Amitié
Car en avril 1993, Richard Dacoury et ses coéquipiers y posent leurs valises, après s’être qualifiés pour un Final Four inédit. Pour la première fois, le dernier carré de la coupe d’Europe se déroule au Stade de la Paix et de l’Amitié. Situé sur l’ancestral port du Pirée, cette salle est aujourd’hui l’antre de l’Olympiakos. Ironie de l’histoire, l’architecture du bâtiment ressemble étrangement à celle de Beaublanc.
C’est ici que Bozidar Maljovic et ses hommes ont rendez-vous pour 3 jours de compétition en avril 1993. Aux côtés du Real de Madrid, du Benetton Trévise et du Paok Salonique, le CSP fait figure d’outsider, comme le confirment Yannis Psarakis et Nikos Papadojannis. Ces deux hommes, amis, sont surtout des journalistes, grands spécialistes du basket en Grèce. Et ils se souviennent parfaitement de l’épopée de Limoges.
Limoges, "l'underdog"
Yannis Psarakis détaille : « Limoges n’avait pas beaucoup de marqueurs de talents, à l’exception de Mickael Young. Tous les autres joueurs étaient plutôt des « role players », des joueurs de l’ombre, comme Jurij Zdovc grand défenseur, comme Jim Bilba, Marc M’Bahia Willie Redden ou Franck Butter. Ils faisaient un excellent travail ». Celui qui est actuellement rédacteur en chef d’un site internet spécialisé dans le basket ajoute : « Limoges était vraiment le "petit poucet", en finale notamment, puisqu’en face, il y avait dans les rangs du Benetton Trévise, Toni Kukoc, la future star des Chicago Bulls en NBA, et d’autres excellents joueurs. Donc le CSP était vraiment sous-estimé. »
Limoges n'était, en effet, pas un poids lourd de la scène européenne, mais il avait recruté l’un des coaches les plus réputés du moment : Bozidar Maljkovic. Et cet homme faisait des miracles, ou plutôt une jolie tambouille.
« Ici, on dit que si tu n’as que des œufs, tu ne peux faire qu’une omelette, tu ne peux pas préparer un festin… Maljkovic avait seulement des œufs, mais il a préparé une fantastique omelette. »
Nikos Papadojannis, journaliste grec
Des quarts de finale contre l'Olympiakos
Milan Tomic a fait les frais de cette alchimie inattendue. Cet ancien joueur, aujourd’hui entraîneur, n’a pas eu la chance de rencontrer les Limougeauds sur le parquet du Stade de la Paix et de l’Amitié mais… à Beaublanc, quelques jours plus tôt, à l’occasion des quarts de finale de la compétition européenne. En 1993, celui qui vit aujourd’hui dans les faubourgs d’Athènes, est à l’époque le jeune meneur de l’Olympiakos. Il se souvient de ces trois rencontres, particulièrement serrées : « C'étaient des matches très durs, mais des bons matches. À la fin de la 3ᵉ et dernière confrontation, à Limoges, l’atmosphère était vraiment stressante. Il y avait égalité, je me rappelle avoir passé le ballon, Tarlac prend le rebond, il me le passe, je le passe à Paspalj. Et il met un pied en dehors du terrain…. Malheureusement, l’arbitre l’a vu… »
La dernière possession est dans les mains des Limougeauds, Jurij Zdovc marque, le CSP est propulsé en Final Four.
Eliminé par Limoges en 1993, Milan Tomic remporte la Coupe d’Europe 4 ans plus tard, en 1997.
« Gagner l’Euroleague, c’est énorme. C’est quelque chose qui apporte énormément de confiance, et t’aide à être toujours meilleur dans ta carrière de joueur de basket. »
Milan Tomic, ancien meneur de l'Olympiakos
Une finale... défensive
Au Stade de la Paix et de l’Amitié, Yannis Psarakis et Nikos Papadojannis, les deux journalistes, se remémorent la fameuse finale du 15 avril. Dans un stade, loin d’être plein, car les Grecs boudent cet affrontement entre une équipe italienne et une équipe française, ils assistent à une rencontre âpre, difficile, défensive.
« C’était la deuxième finale la plus dure que j’ai vu en 35, 40 ans de carrière en tant que journaliste. C’était comme un combat de catch, mais pas un match de basket »
Yannis Psarakis, journaliste grec
Comme depuis qu’il est entre les mains de Boja Maljkovic, le CSP verrouille l’attaque adverse. La fin de match est marquée par la désormais illustre interception de Fred Forte sur Toni Kukoc, contribuant à faire naître l'histoire d'amour entre Limoges et son futur président. Le score final, 55 à 59, parle de lui-même. Nikos Papadojannis se rappelle : « Ils ralentissaient le jeu, c'était ennuyeux, défensif. Le magazine pour lequel je travaillais « 3 Points » avait titré après le match : 'La mort du basketball'...»
Le basketball était peut-être mort, mais au soir du 15 avril 1993, une équipe, un club, une ville toute entière, étaient alors plus que vivants.